[Focus] Il y a 75 ans, les nationalisations de l’aéronautique française

Il y a 75 ans de cela, le 15 juillet 1937, la Chambre des Députés (l’ancêtre de l’actuelle Assemblée Nationale) instituait les nationalisations dans l’industrie aéronautique française. En fait cette transformation du paysage économique national avait déjà commencé depuis plusieurs mois conformément aux attentes du gouvernement du Front Populaire dirigé par Léon Blum. En effet, celui-ci désirait fortement que le pouvoir central ai une certaine main-mise sur l’ensemble des industries lourdes et prioritairement l’armement, l’aéronautique, la construction navale, et la production énergétique. Cela ne se fit pas sans mal, mais finalement ces nationalisations entrèrent en vigueur. Ainsi nombres de constructeurs célèbres changèrent de raisons sociales.

  • La SNCAC, pour Société Nationale de Construction Aéronautique du Centre, qui repris une partie des actifs des sociétés Farman, Hanriot, et Loire-Nieuport. Ses principaux centres industriels se trouvaient à Boulogne-Billancourt, Bourges, et Issy-les-Moulineaux.
  • La SNCAM, pour Société Nationale de Construction Aéronautique du Midi, qui repris une partie des actifs des sociétés Dewoitine et Fouga. Ses principaux centres industriels se situaient à Aire-sur-Adour et Toulouse.
  • La SNCAN, pour Société Nationale de Construction Aéronautique du Nord, qui repris une partie des actifs des sociétés Amiot, ANF, Bréguet, CAMS, et Potez. Ses usines et ateliers se répartissaient principalement entre Caudebec-en-Caux, Le Havre, Les Mureaux, Méaulte, et Sartrouville.
  • La SNCAO, pour Société Nationale de Construction Aéronautique de l’Ouest, qui repris principalement les actifs d’une partie de Bréguet, et Loire-Nieuport. Ses principaux bureaux d’études et usines se trouvaient à Bouguenais et Saint-Nazaire.
  • La SNCASE, pour Société Nationale de Construction Aéronautique du Sud Est, qui repris les actifs de sociétés comme CAMS, Lioré-et-Olivier, Potez, Romano, et SPCA. Ses principales usines se trouvaient à Argenteuil, Berre, Cannes, Marignane, Marseille, et Vitrolles.
  • La SNCASO, pour Société Nationale de Construction Aéronautique du Sud Ouest, qui repris quand à elle une partie des actifs des sociétés Blériot, Bloch, Lioré-et-Olivier, et SASO. Elle était principalement sise à Bordeaux, Courbevoie, Rochefort, Suresnes, et Villacoublay.
Prototype du SNCASE SE-100 de la Seconde Guerre Mondiale.

Si certains historiens attribuent à ces nationalisations une partie de l’échec de l’Armée de l’Air durant la Bataille de France, il faut bien remarquer que la cacophonie dans laquelle se déroulaient les décisions n’ont certainement pas arrangées les choses. Toutefois un oeil avisé remarquera qu’à l’exception des SNCAM et SNCAO, toutes ces sociétés nationales avaient un pied à terre en région parisienne, au plus près du pouvoir politique donc décisionnel. Et finalement les deux qui n’en avaient furent celles qui connurent le moins de commande étatique. Mais la Seconde Guerre Mondiale et l’effondrement des armées françaises face à l’Allemagne nazie allaient considérablement rebattre les cartes.

En effet en 1945 le général De Gaulle et son GPRF (Gouvernement Provisoire de la République Française) allaient redonner un peu de souffle à cette industrie aéronautique tricolore et moribonde, résultat de quatre années et demi de vache (très) maigre. Si certaines sociétés reprirent le droit de produire sous leur propre raison sociale, tel Potez, Fouga, Bréguet, et en bien entendu Bloch qui allait devenir Dassault, d’autres en revanche demeurèrent totalement intégrées aux constructeurs nationaux. Ainsi à la Libération il ne resta plus que les SNCAC, SNCAN, SNCASE, et SNCASO. Les autres furent tout bonnement démantelées et partagées. La SNCAC ne perdura elle même pas, puisqu’elle fut absorbée en 1949 par la SNCAN. A l’aube des années 50 la France avait donc encore trois constructeurs nationaux.

SNCASO SO-94 Corse de la Marine Nationale.

Et ceux ci marquèrent durablement de leur empreinte ces trente glorieuses où rien ne semblait pouvoir arrêter la marche industrielle et technologique française, où la natalité explosait, et la consommation de masse arrivait dans les ménages, même les plus modestes. La France aéronautique marquait des points avec ses sociétés nationales : premier avion à réaction, premier hélicoptère à turbine construit en série, premier jet de ligne moyen courrier au monde, jusqu’au premier avion de ligne supersonique, le Concorde développé conjointement avec les Britanniques.

En 1957 les SNCASE et SNCASO fusionnent pour donner naissance à un nouveau grand : Sud Aviation. Rien ne semble stopper cette entreprise, sauf peut être Marcel Dassault et sa société. Mais dans cette France il y a bien assez de place pour la concurrence entre le public et le privé. Pourtant Sud Aviation ne durera que treize ans. En effet en 1970 elle se marie avec la SNCAN, entre temps rebaptisée Nord Aviation, après le rachat de Potez et sa fusion avec la SFECMAS. La très discrète SEREB (pour Société pour l’Etude et la Réalisation d’Engins Balistiques) sera aussi de la partie. Le nouveau groupe prend la raison sociale de SNIAS (pour Société Nationale Industrielle Aérienne et Spatiale) mais qui sera rapidement mondialement connue sous le nom d’Aérospatiale.

Aérospatiale AS-365N Dauphin 2 appartenant à la Fleet Air Arm.

En moins de quarante ans le paysage aéronautique français aura massivement changé et Aérospatiale en sera l’une des grandes preuves. Des défis énormes seront désormais à sa portée : le lanceur spatial européen Ariane, les hélicoptères, l’aviation légère, le consortium européen Airbus Industries, les missiles, l’électronique de défense, ou encore les télécommunications. Mais l’aventure ne faisait que commencer, et elle se continue encore aujourd’hui avec EADS. Mais ça c’est une autre histoire…

Lanceur spatial européen Ariane 5 sur son pas de tir guyanais de Kourou.

Indubitablement les différentes sociétés nationales qui ont existé au fil de l’Histoire nous ont laissés quelques uns des aéronefs les plus marquants de l’aviation militaire française : Alouette II, Belphégor, Corse, Frégate, Grognard, Noratlas, Puma, Trident, ou encore Vautour. Aujourd’hui de nombreux exemplaires sont préservés dans des collections privées ou bien au sein des musées différents musées aéronautiques dans le monde, témoignant ainsi de la richesse technologique que représenta l’aventure économique et industrielle des sociétés nationales de constructions aéronautiques.

SNCASO SO-6000 Triton le premier avion à réaction français, désormais visible de tous et toutes au Musée de l’Air et de l’Espace.

Photos (c) EADS, ESA, Royal Navy, et Arnaud Lambert.

PARTAGER
ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
articles sur les mêmes thématiques
Commentaires

Une réponse

Sondage

"Si la France devait mettre une des personnalités aéronautiques suivantes au Panthéon, laquelle vous semblerait la plus logique ?

Voir les résultats

Chargement ... Chargement ...
Dernier appareil publié

Lazarov Laz-7

Dès l’entre-deux-guerres la quasi totalité des pays européens s’était lancée dans l’aventure aéronautique. Si l’Allemagne (notamment nazie) mais aussi la France, l’Italie, et le Royaume-Uni

Lire la suite...