[Futur] La fin prochaine des ballons et dirigeables, faute d’hélium ?

Ceux qui ont souligné l’arrivée du nouvel an avec des ballons gonflés à l’hélium ont contribué à l’épuisement d’un précieux gaz indispensable pour de nombreuses applications médicales et scientifiques. Depuis quelques années, la communauté scientifique dénonce le gaspillage de cette ressource non renouvelable et appelle au bannissement des ballons et des dirigeables commerciaux soufflés à l’hélium. La seule source accessible d’hélium demeure pour l’instant son extraction à partir de certains gisements de gaz naturel en contenant en quantité suffisante, notamment aux États-Unis, au Qatar, en Algérie, au Canada et en Russie, mais l’extraction de ce gaz n’est pas simple, L’hélium est en effet extrait par distillation fractionnée du gaz naturel à basse température et haute pression, suivi d’une purification avec du charbon activé et liquéfaction par cryogénie. Le physicien et Prix Nobel Robert Richardson estime que l’hélium économiquement exploitable aura disparu d’ici une trentaine d’années.

Ce n’est qu’au début du XXe siècle que des gisements d’hélium exploitables ont été découverts dans le gaz naturel emprisonné sous les Grandes Plaines américaines. L’US Navy subventionna de petites usines expérimentales de production d’hélium pendant la Première Guerre mondiale afin d’approvisionner ses ballons captifs. Bien que le procédé d’extraction par liquéfaction du gaz à basse température ne fut pas mis au point assez tôt pour jouer un rôle significatif pendant le conflit, la production se poursuivit. Une partie de ce gaz sera utilisé pour alimenter le premier dirigeable gonflé à l’hélium, le C-7 de la marine américaine, qui effectuera son vol inaugural en 1921.

Reconnaissant la valeur stratégique de ce gaz, le gouvernement des États-Unis établissait, en 1925, l’Helium National Reserve à Amarillo au Texas. Fort de ces réserves stratégiques, l’US Navy plancha sur le développement d’une doctrine aéronavale faisant appel aux dirigeables. Cela culminera avec la mise en service, dans les années 1930, des porte-avions volants ZRS-4 Akron et ZRS-5 Macon capables de déployer et récupérer des avions Curtiss F9C Sparrowhawk adaptés à cette fin.

En raison de l’embargo militaire des États-Unis contre l’Allemagne dans les années 1930, la fourniture d’hélium y a été restreinte ce qui fait en sorte que le LZ 129 Hindenburg a dû être gonflé à l’hydrogène, avec les conséquences catastrophiques qui s’ensuivirent le 4 mars 1936. Quelle qu’en fut la cause, cet incendie mit fin à l’âge d’or des Zeppelins et l’idée de faire voler des passagers dans des dirigeables remplis d’hydrogène devint impensable.

Avec l’avènement de la Guerre froide dans les années 1950, la réserve stratégique américaine assura la fourniture d’hélium liquide essentiel pour le lancement de missiles intercontinentaux et de fusées dans la course vers l’espace. Pour les missions lunaires, le seul lancement d’une fusée Saturn V nécessitait environ 370 000 m3 d’hélium.

Suite au dégel des relations avec l’Union soviétique, le Congrès américain adopta, en 1995, une loi visant la commercialisation de l’hélium de la réserve stratégique. La loi stipule que les quantités d’hélium vendues chaque année doivent être constantes et sans considération de la demande. Cette clause a eu pour effet de maintenir le prix de l’hélium artificiellement bas pendant une dizaine d’années et susciter une demande accrue. La réserve stratégique américaine devrait être épuisée en 2018 et le prix mondial de l’hélium a plus que doublé depuis 2007. Plusieurs nouvelles installations d’extraction d’hélium sont en cours de développement dans le monde, notamment en Algérie devenu le deuxième exportateur. Il est toutefois peu probable qu’elles soient en état de produire assez tôt pour éviter l’aggravation de la pénurie actuelle qui a notamment pour effet d’augmenter les coûts de fonctionnement d’appareils médicaux et d’autres instruments scientifiques. Les instruments médicaux d’imagerie par résonance magnétique (IRM) ne peuvent fonctionner sans les températures extrêmement froides fournies par l’hélium liquide. Le grand collisionneur hadronique du CERN et d’autres importants instruments scientifiques nécessitent également de grandes quantités d’hélium. Ce gaz inerte sert aussi à diverses applications industrielles, notamment dans les domaines de la soudure spécialisée et de l’électronique.

L’importance de cette pénurie est de plus en plus reconnue et des appels se font maintenant entendre pour la constitution d’un organisme international qui veillerait à l’expansion de la production d’hélium et à l’établissement de nouvelles réserves pour répondre aux pénuries actuelles et anticipées. Entre-temps, certains experts proposent d’accorder la priorité d’approvisionnement à l’IRM et à la recherche scientifique. Si la pénurie actuelle se prolonge, les ballons de fête flottants et dirigeables commerciaux pourraient donc devenir choses du passé.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Marcel
Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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Commentaires

11 réponses

  1. Alors là, j’avoue que je ne connaissait pas cette information, merci Marcel je me coucherai moins c…., existe-il un gaz de substitution ?

  2. Oui, l’hydrogène mais il est très inflammable. Pas d’autre gaz inerte équivalent à l’hélium malheureusment…

    1. oui, effectivement, l’hydrogène a été abandonné depuis la catastrophe d’Hindenburg en 1937…

  3. Donc les porte-avions volants existent ?! Bon sang on en apprend tous les jours. Dommage que ces beautés deviennent une chose du passé mais cela semble nécessaire.

  4. Comme d’hab’ Marcel je suis baba devant ton article… sublime et intelligent car il donne à réfléchir sur l’avenir que nous voulons donner à la maîtrise des airs et à un transport aérien durable.

  5. On nous avait présenter ce monde de transport comme prometteur, surtout pour le transport de charges volumineuses et lourdes, du coup tout est à réinventer dans ce domaine.

  6. Les portes-avions volants n’avaient qu’une mission assurer la surveillance, et notamment des portes avions flottants. En effet ils opéraient environ 6 avions avions biplans qui s’arrimaient au ballon avec des trapèzes. De cette manière la marine us avec un porte avion volants pouvait surveiller un espace grand comme le Royaume-unis. Mais l’expérience a mal tournée durant une tempête, jugé trop dangereux le concept a été abandonné. condoleezza rice avait lancé l’idée de reprendre le concept mais personne n’a vraiment fait attention.

    Enfin merci pour l’info sur l’hélium.

  7. jolie collection d’inexactitudes: les RMN sont refroidies à l’azote liquide… et les ressources en Hélium sont inépuisables… le soleil en est plein. Sur terre l’extraction en revanche est coûteuse depuis les faibles proportions dans l’air… comme quoi on peut écrire n’importe quoi… visiblement le site travaille pour les plus lourds que l’air….

    1. Les RMN nécessitent à la fois de l’azote liquide et de l’hélium pour leur bon fonctionnement. À ma connaissance, il n’existe pas de méthode d’extraction de l’hélium de l’air économiquement viable. Pour ce qui de votre perception de biais en faveur des plus lourds que l’air, elle n’est pas fondée. Mais chacun a droit à ses opinions.

  8. depuis l’accident du Hindenburg le transport par dirigeables a été abandonné au profit de l’avion. Mais l’accident n’est pas en cause:: c’est la commodité , la vitesse et la relative sécurité de l’avion ainsi que la disponibilité du carburant qui a causé l’abandon du dirigeable. En vérité la somme des crashs d’avions a fait beaucoup plus de victimes que l’incendie du Hindenburg..La jalousie , c’est à dire l’esprit de concurrence , la course à l’énorme marché et à la performance technologique ont causé la prévalence de l’avion. Avec la diminution des réserves de pétrole on va voir voler des avions au kérosène de gaz puis une course aux avions peu consommateurs de carburant puis ou enfin des avions au dihydrogène produit à partir de l’électrolyse de l’eau par CSP essentiellement produit dans les pays du sud et désertiques ( USA, SA, EAU, Iran, Iraq Chine etc.). Donc on reviendra à l’H2 tôt ou tard . Il vaut mieux commencer tout de suite avec des aéronefs en matériaux composites et H2 en compartiments ignifugés propulsés par pile à combustible d’abord pour le transport de marchandises puis plus tard pour celui aussi des voyageurs.. Cela économisera l’hélium.

  9. J’ajoute aussi à propos de l’aéronef à l’H2 que le problème essentiel du décollage et de l’atterrissage peut être résolu avec un système de double compartiment. L’un au-dessus du fond plat formé de multiples cellules à H2, tout juste destinées à compenser la charge et un autre au-dessus, à air chaud traversé par une résistance alimentée par la PAC. L’air chaud fait monter le dirigeable et pour descendre on éteint la résistance et on arrime l’aéronef comme un bateau.C’est schématique mais cela me parait logique???? ( En plus le combustible H2 pour la PAC aide l’aéronef à voler???

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