Le débat sur le retrait du A-10 Warthog relancé

C’est quasiment devenu le principal sujet d’échauffement entre le Congrès des États-Unis et l’état-major de l’US Air Force : l’Amérique doit-elle se séparer ou conserver ses biréacteurs d’attaque au sol A-10 Warthog ? Et c’est peu de dire que chacune des parties campent fermement sur ses positions. Bien entendu, elles sont diamétralement opposées l’une de l’autre.

À l’heure où l’aviation militaire américaine se désengage progressivement de l’Afghanistan pour ouvrir un nouveau front en Irak contre le groupe terroriste Daech, la question qui touche les décideurs américains (civils comme militaires) est de savoir si le Fairchild-Republic A-10 Thunderbolt II (Warthog pour les intimes) est une machine encore utile ? Peut-on encore avoir besoin d’un avion conçu originellement pour « casser du tank ».

Bel alignement de phacochères guerriers.
Bel alignement de phacochères guerriers.

Tandis que les représentants (l’équivalent américains de nos députés français) et les sénateurs, qu’ils soient républicains ou démocrates sont majoritairement favorables à un maintien en condition opérationnelle des A-10, la donne est totalement différente chez les généraux américains. L’US Air Force, elle, voudrait se débarrasser au plus vite de cet avion qu’elle n’a jamais vraiment accepter.

Conçu à l’origine durant la guerre froide pour annihiler les colonnes de chars soviétiques qui auraient du franchir les frontières de l’Europe orientale et envahir le territoire de l’OTAN, les A-10 Warthog se sont petit à petit mués en avions d’appui aérien rapproché. Les seuls véritables colonnes de chars qu’ils eurent à casser étaient celles de la garde nationale de Saddam Hussein à l’hiver 1990/1991. Par la suite, l’Amérique les engagea massivement dans des opérations d’appui et même d’attaques ciblés.

En fait, certains élus américains soulignent que c’est justement l’engagement international contre Daech qui pourrait redonner un second souffle au A-10. En effet, il y a été démontré au cours des deux premiers mois d’engagement que des avions de combat trop modernes, comme le F-22 Raptor par exemple, n’y sont pas à leur place. Principalement, les opérations menées sur place se résument à des frappes d’opportunités et à des appuis aériens rapprochés au profit des forces terrestres loyalistes irakiennes. Des missions dans lesquels le A-10 et son arsenal si particulier, dont son fameux canon multitube GAU-8/A Avenger de calibre 30mm, feraient sans doute merveille.

Cependant, les militaires américains soulignent les deux principaux défauts de l’avion. Son premier est une signature radar insolente, notamment vis à vis des avions actuels, et en partie due à la position si particulière de ses deux réacteurs, ainsi que par ricochet à son empennage double dérive. Certains généraux américains estiment même qu’un seul A-10 aurait la même signature radar qu’un vieux C-141B Starlifter de transport. D’autres plus nuancés estiment que celle-ci se rapproche de celle d’un C-130 Hercules.  Quoiqu’il en soit, le A-10 ne peut vraiment pas être considéré comme un modèle de furtivité, même pas de discrétion. Il est particulièrement bruyant.

Empennages doubles dérives et réacteurs montés de part et d'autres du fuselage, niveau furtivité on repassera.
Empennages doubles dérives et réacteurs montés de part et d’autres du fuselage, niveau furtivité on repassera.

Son second gros défaut est une consommation en carburant qui déroute. Il est très très gourmand. Il faut dire qu’il a été conçu à une époque où les exigences budgétaires ne concernaient pas vraiment le kérosène. Et ça c’est un argument massue dans l’esprit des militaires américains qui préféreraient payer pour autre chose qu’un avion comme celui-ci.

Le ravitailleur en vol, le meilleur ami du Warthog selon ses détracteurs.
Le ravitailleur en vol, le meilleur ami du Warthog selon ses détracteurs.

De l’autre côté, les politiques soulignent que le A-10 est un avion rustique, pleinement adapté aux opérations actuelles, qui appellent bien souvent nettement plus à de la lutte anti-guérilla qu’à de la pénétration discrète en profondeur. En gros finie la guerre froide, désormais l’US Air Force doit affronter des ennemis moins bien équipés mais nettement plus nombreux et très mobiles. Les groupes djihadistes en sont un exemple parfait.

Surtout c’est son armement que les politiques apprécient : le canon Avenger a largement démontré ses capacités lors de Tempête du Désert, puis ensuite en ex-Yougoslavie, et enfin en Afghanistan. Les bombes non-guidées et les missiles Maverick emportés sous les ailes sont également des armes adaptées selon eux à ces nouveaux conflits. D’autant que beaucoup estiment que l’avion n’est pas encore « fatigué », un argument que les militaires ne réfutent pratiquement jamais.

Pour ses aficionados le principal intérêt du A-10 réside dans sa fabuleuse capacité d'emport.
Pour ses aficionados le principal intérêt du A-10 réside dans sa fabuleuse capacité d’emport.

Alors certes on peut trouver les arguments des deux camps largement acceptables ou totalement discutables. Pour le coup, je serais plutôt du genre à me ranger dans le camps des élus américains. Pourquoi aller chercher ailleurs si on a un bon matériel, qui n’est pas sans défaut, mais qui a démontré ses capacités.
En filigrane, vous l’aurez compris se cache certainement Lockheed-Martin qui aimerait faire de son F-35A le remplaçant désigné des A-10. Mais force est de constater que les nombreux déboires du programme Lighting II ne plaident pas en faveur de cette alternative.

Au final, chacun se fera sa propre idée sur le sujet. mais à n’en pas douter les décideurs militaires et politiques américains n’ont pas fini de « se prendre la tête » sur le remplacement ou non du vénérable avion d’attaque. En tant que passionné d’aviation je dirais juste qu’une US Air Force sans le Warthog deviendrait d’un seul coup bien terne et un tantinet lisse à mon goût. Mais cela n’engage que moi.

Photos © US Air Force.

 

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

10 réponses

  1. L’argument disant que le A-10 est un avion bruyant n’est il pas erroné ? Je croyais justement que la présence des turbofans le rendait moins bruyant que des jets comme le F-16 ou F-15. De plus qu’elle est l’intérêt d’avoir un avion furtif dans ce contexte : aucune présence aérienne ennemie

    1. Il est certes moins bruyant qu’un jet de combat supersonique mais demeure tout de même un avion particulièrement audible. Après je suis d’accord que cet argument semble peu convaincant.
      C’est tout le souci des arguments contre (mais aussi de ceux pour) c’est qu’ils sont facilement réfutables par le camps adverse. Sauf peut-être celui sur la consommation en carburant qui pour le coup est clairement un argument empirique.

  2. Peut etre que usaf n aime pas cette avion, mais l us army l addore, la plupart des soldats americain pris sous le feu ennemi en irak demandait explicitement l appui d un a10 . Il aurai sa place dans un equivalant de l alat(au coter des apache) ou chez les marins

  3. L’argument de la signature radar ne tient pas selon moi, car dans des théâtres comme la Syrie, la menace principale pour ces appareils, ce sont les MANPAD, comme les Igla ou Strela-2, qui sont guidés par infrarouge. Et la disposition des moteurs et des gouvernes ont justement été étudiés afin de diminuer la signature infrarouge des A-10…

  4. bonsoir
    il est clair que l’USAF ne veut plus de cet avion; cependant, il suffirait de l’améliorer en le cablant avec les standards des jets actuels(résistant aux CME, et brouillage de toute sorte), une remotorisation avec des turbofans plus silencieux en redessinant les tuyères, et réduire la csp (conso spécifique), renforts structuraux aux endroits idoines pour augmenter le potentiel de la cellule, utilisation de composites et protections en titanes suite aux retex des opex en Afghanistan, link16, ce qui couterait moins cher que produire un nouvel avion!! mais cela ne plairait pas aux lobbys de lockheed martin et certains gradés étoilés impliqués dans le programme!
    et enfin, les Américains aiment bien quand c’est cher!!!

  5. Je ne vois pas trop quel avion pourrait remplacer l’A10 dans l’arsenal américain pour l’appui rapproché. Il faut un avion capable de rester des heures au dessus du champ de bataille, pour autant qu’il y en ait un bien délimité, et de résister aux coups de l’ennemi. L’USAF prendrait elle le risque de perdre un F35, si cher et si secret, en le laissant des heures proche d’une zone à risque? Des drones armés ne seraient-ils pas efficaces dans ce cas? Je ne saurai me prononcer sur l’efficacité des drones, mais ils ne mettent aucun pilote en danger et sont certainement nettement meilleur marché.

  6. Bonjour,

    Entièrement d’accord avec vous Arnaud, déja en tant que passionné l’abandon du A-10 serai une grande perte!
    Et puis au regard des autres commentaires tout coule de source ( avion étudié pour etre tres resistance, forte capacité de CAS , véritable camion à bombe etc etc )
    Mais il y a un autre point à prendre en compte pour la conservation du A-10, il suffit simplement de voir les Russes gardent et modernisent leur SU-25 ! Eux ne croivent pas à la furtivité à tout va : T-50, oui mais pas les SU-35, SU-34, Mig 35 ET SU-25.

  7. Le A-10 reste unique . Le F35 ne le remplaceras jamais . Si l’usaf veut le remplacer c’est parsqu’ils aimes pas se « salir les mains » avec le presque corps a corps dons le A-10 est spécialisé . Pour eux la guerre ça ce fait a 5km au dessus de la terre …

  8. Sans forcément rentrer dans le débat, je n’y connais pas assez, je dois dire que les photos de l’article sont comme toujours magnifiques. C’est aussi ça la force de votre blog.

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