Les équipages d’hélicoptères soviétiques sacrifiés à Tchernobyl

C’est une des pages les plus sombres de l’histoire contemporaine, une des moins connues aussi. À partir du 26 d’avril 1986 en après-midi l’état-major de l’aviation soviétique a envoyé les équipages d’au moins quatre hélicoptères afin de réaliser des missions de reconnaissance au-dessus de la centrale nucléaire de Tchernobyl qui venait d’exploser quelques heures auparavant. Aucun de ces militaires n’a survécu plus de cinq ans après cette mission.

Chacun en fait se souvient de ce qu’il faisait ce 26 avril 1986 quand il a appris l’information de cette catastrophe qui venait d’arriver en URSS. Peu alors pouvait se douter des répercussions qu’elle allait avoir sur la santé publique en Europe pour les cinquante ou cent prochaines années. Et pourtant sur le papier le réacteur numéro 4 de la centrale de Tchernobyl était parmi ce qui se faisait de mieux dans le pays. En service depuis moins de dix ans quand la catastrophe survient, la centrale Lénine numéro 6, celle de Tchernobyl, est l’un des fleurons de la puissante industrie nucléaire soviétique.

Aussi les autorités doivent impérativement comprendre pourquoi ce 26 avril 1986 peu après 1 heure du matin le cœur du réacteur est entré en fusion. Une première mission de reconnaissance aérienne est ordonnée aux alentours de midi. Un hélicoptère Mil Mi-8 spécialement modifié pour la circonstance est dépêché sur zone. On ignore le nombre de scientifiques et de militaires à bord, mais l’hélicoptère reste environ dix minutes au-dessus du réacteur éventré qui crache ses fumées et vapeurs hautement radioactives.

Une des rares photos d'un Mi-24RKhR.
Une des rares photos d’un Mi-24RKhR.

Par la suite ce sont deux Mil Mi-24RKhR, une version désarmée de reconnaissance en milieu NRBC (nucléaire, radiologique, bactériologique, et chimique) qui entrent en action. En théorie ils sont équipés pour rester le plus longtemps possible au-dessus de la centrale. Leurs pilotes ne tiendront pas plus de quinze minutes sur zone. Les capteurs emportées en lieu et place des roquettes et missiles ont-ils réussi à prélever des échantillons analysables ? Sans aucun doute.

Le lendemain de la catastrophe, 27 avril 1986 en fin d’après-midi un hélicoptère gros porteur Mil Mi-26 se présente à son tour au-dessus de la centrale de Tchernobyl. Sa porte de soute est grande ouverte, et l’hélicoptère commence à asperger le cœur du réacteur de ce qui ressemble à du liquide retardant, celui-là même que les pompiers volants utilisent lors des feux de forêts. Selon les témoins de la scène ça en avait l’aspect et l’odeur. En était-ce ? On ne le saura sûrement jamais.

En fait trente ans après la catastrophe on ne sait pas grand chose des prélèvements faits par les équipages de ces quatre hélicoptères. Tout juste sait-on que les machines ont été ensuite purement et simplement ferraillées car toutes hautement radioactives. Mais il ne faut pas oublier qu’en 1986 l’Union Soviétique menait encore d’une main de fer la presse dans ce pays, malgré la perestroïka qui avait fait son apparition quelques mois auparavant. Sans compter l’omniprésence sécuritaire du KGB. L’Union Soviétique chancelait mais tenait encore bon, on était loin encore de 1989-1990.

Alors plusieurs ouvrages existent aujourd’hui pour se faire une petite idée de ce qu’il s’est réellement passés dans le ciel de Tchernobyl et de l’Europe dans les jours qui ont suivi ce funeste 26 avril 1986. Quelques-uns abordent le cas des pilotes et équipages d’hélicos, qui tous y ont laissé la santé, et à terme la vie. Les atomistes soviétiques savaient-ils qu’ils envoyaient ces hommes vers une mort certaine ? Là est vraiment toute la question.

Photos © San Diego Air & Space Museum

NDLR : Trente ans après la catastrophe les photos de ces hélicoptères sont encore rares, beaucoup sont classifiées par les services officiels russes et ukrainiens. C’est pourquoi les clichés disponibles sont de mauvaise qualité, il ne s’agit pas de photos officielles mais prises souvent clandestinement par des journalistes occidentaux ou des agents de renseignement de l’ouest. La CIA a d’ailleurs déclassifié plusieurs clichés de ce type l’année dernière. Ceci explique peut-être pourquoi le très sérieux SDASM s’est retrouvé à publier de telles photos.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

11 réponses

  1. A priori, les hélicoptères ont déversé du bore -produit absorbeur de neutron – pour tenter d’arrêter la réaction incontrôlée dans ce qui restait du réacteur fondu.
    juste pour mémoire il s’agissait d’un accident de criticité (type Borax) donc explosion par vaporisation de l’eau de refroidissement ( cocotte minute soupape bouchée ), juste pour éviter que « explosion du réacteur » fasse pensé a explosion nucléaire

    1. Oui le bore c’est ce que disait les Soviétiques à partir de 1988, le seul souci c’est que ce produit n’est pas adapté au type de dispersion employé par le Mi-26.

  2. Très difficile d’aborder le sujet nucléaire en France.
    Votre article le montre assez bien.
    -ligne 2 : l’état-major a envoyé les équipages d’au moins quatre hélicoptères [] Aucun de ces militaires n’a survécu
    -ligne 16 : On ignore le nombre de scientifiques et de militaires à bord.
    On ignore le nombre mais aucun n’a survécu ? ? ?
    -Les capteurs [] ont-ils réussi à prélever des échantillons analysables ? Sans aucun doute
    -L’hélicoptère commence à asperger [] du liquide retardant [] selon les témoins [] En était-ce ? On ne le saura sûrement jamais
    Contradictions et approximations ajoutées de questions suspicieuses  » infertiles  » sont la trame des théories complotistes. Ne prêtez donc pas le flanc comme ça.
    -Tout juste sait-on que les machines ont été ensuite purement et simplement ferraillé car toutes hautement radioactives
    Et non radioactives, elles passeraient les 40 à 50 ans de service ou ce que l’on sait est  » trop juste  » pour conclure à autre chose que la contamination ?
    Cet article anniversaire, comme nombre de ses cousins, porte la malheureuse empreinte d’une propension à faire croître le nombre de morts.
    C’est bien beau les anniversaires, mais aussi funestes soient-ils, ce n’est pas une raison pour raconter tout et n’importe quoi.

    1. Sachez cher Gian qu’avant de pondre un sujet sur lequel je soupçonnais à l’avance qu’il risque d’être polémique, après tout il touche deux points « sensibles » de nos jours (l’URSS/Russie et le nucléaire) je me suis documenté. Depuis plusieurs années j’ai lu pas mal de bouquins sur la question. Bien entendu pas question d’espérer des infos vérifiables de la part des officiels russes et ukrainiens ils sont tous aussi menteurs que des arracheurs de dents, à croire que 25 ans après la fin du léninisme ils n’ont pas su tourner la page. Alors oui je me suis tourné vers des sources officieuses, que certains pourraient aimablement taxer de théories complotistes. Mais vu que sur ce sujet les écrits les plus sérieux et les moins contestables sont ceux fournis par des personnes extérieures on ne peut que douter. Donc oui cher Gian j’assume qu’aux yeux de certains cet article soit un grand « tout et n’importe quoi ». Sachez que ce sont les mêmes ouvrages qui pour certains m’ont aidé à rédiger la fiche récemment publiée de l’Antonov An-6 Meteo.

      1. Cher Arnaud,
        Bonjour, je ne doute absolument pas de votre sérieux.
        Vos articles, comme ceux de votre collègue, sont très bien montés et je les apprécie.
        Cependant, on assiste à une révision systématique du nombre de victimes lorsqu’il s’agit du nuc et vous venez d’y participer, alors que médiatiquement, on nous occulte une large diffusion de certaines infos.
        Mon impression : une victimisation aéro était nécessaire pour faire partager la compassion d’Avions Légendaires en cette date anniversaire.
        Un reproche : ce côté « politiquement correct » qui m’amène, encore cette fois, à ce léger coup de gueule.
        Votre site reste une référence, même si j’en critique la ligne éditoriale. Prenez soin de vous cher Arnaud, prenez soin de lui.

        1. Par définition nous ne pouvons pas réviser le nombre de victimes mon cher Gian, puisque par définition il nous est caché par les autorités russes et ukrainienne (ex-soviétiques pour faire simple) mais aux vues de nos connaissances sur les équipages « standards » de ces appareils nous pouvons les évaluer. Maintenant je comprends votre coup de gueule. Quand à cet article en particulier, j’ai attendu spécialement la date anniversaire des 30 ans pour le présenter, mais il était déjà dans mes cartons depuis plus d’un an et demi.

  3. un jour, en FRANCE cela va arriver!!!! vue la situation de certaines centrale qui commence a être a bout de souffle,
    mais nos grands technocrates du nucléaire n’en ont rien a foutre!!!!! regarder notre carte de FRANCE ou sont
    implanté les centrales!!!!!

    1. Peu être mais en terme de construction il n’y a aucune comparaison possible ! Le protocole de production n’est pas similaire non plus et les normes de sécurité en rien équivalente. Je ne vais pas aller plus dans les détails mais faites des recherches sa vaut le coup…

  4. Le nucléaire est très sensible y compris chez nous: Souvenons-nous que des responsables disaient que les nuages radioactifs s’étaient arrêtés aux frontières de la France… J’ai vu un documentaire sur Tchernobyl où Gorbatchev intervenait. Lui mettait en avant le sacrifice de ces Hommes qui savaient ce qu’il faisaient: essayer d’éviter au maximum un désastre encore plus grand que cet horrible évènement. Je suis assez tenté de le croire, même si je crois me souvenir qu’il était avant d’être à la tête de l’URSS un responsable du KGB.

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