Boeing NB-52 Mothership, le laboratoire volant

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale les États-Unis se lancèrent dans une série d’essais en vol ayant pour but ultime les expérimentations de domaines de vols divers comme la haute-altitude, le mur du son, ou encore la conquête spatiale. C’est dans cet objectif que fut créé la National Air & Space Administration, aussi connue sous l’acronyme NASA. Cette dernière avait pour but d’unir les efforts et travaux en matière aéronautique, spatiale, et aérodynamique. Elle décida de travailler en étroite collaboration avec les forces armées américaines et notamment l’US Air Force et l’US Navy afin de disposer d’un vivier de pilotes, d’équipages, et d’aéronefs divers. Tout commença le 14 octobre 1947 quand un bombardier quadrimoteur Boeing B-29 largua l’avion d’essais Bell XS-1 piloté par Chuck Yeager qui devait être le premier avion à atteindre Mach-1 en vol horizontal. Les essais en vol prenaient un nouveau cap, et avec eux allait naitre un nouveau type d’appareils : les avions porteurs, véritables laboratoires volants.

Bell XS-1.Boeing B-29_WikimédiaRapidement le fossé technologique qui séparait les Boeing B-29 des nouveaux prototypes lancés par l’US Air Force et la NASA fut tel qu’il devint évident qu’un nouvel avion devait être conçu. De plus les États-Unis s’étaient lancé dès 1957 dans un programme de recherche pour un avions à très haute altitude et à grande vitesse. Ce programme allait déboucher sur North American X-15. L’US Air Force et la NASA décidèrent alors de chercher un nouveau type d’appareil à même de voler au-delà des 5 000 mètres d’altitudes des B-29 modifiés. En 1958 l’aviation militaire américaine prit la décision de sélectionner le bombardier Boeing B-52 Stratofortress comme avion de base. L’appareil était alors le dernier avion construit dans la série des B-52A, il prit la désignation de NB-52A.

Par rapport aux B-52A de série, le NB-52 se présentait comme une version totalement désarmée, dont les soutes à bombes avaient été remplacées par des réservoirs d’oxygène liquide, afin de ravitailler le X-15 lors de ses phases de lancement. Le NB-52 avait en outre été doté d’un système de fixation pour l’avion-fusée d’un peu plus de deux mètres de long placé entre le fuselage et les deux réacteurs les plus proches de ce dernier, sous l’aile droite. Le NB-52A présentait en outre une livrée moins guerrière que ses congénères de bombardement.

 Boeing-NB-52A.X-15_WikimédiaLe NB-52A effectua son premier vol le 23 février 1959. Quelques jours plus tard, le 10 mars 1959, il commença ses premiers vols avec le North American X-15 installé sous l’aile, et le premier lancement de l’avion-fusée eu lieu en novembre de la même année après que Boeing et les ingénieurs de la NASA n’aient apportés quelques modifications mineures à l’appareil.

Devant l’ampleur du programme X-15, mais aussi avec la multiplication des programmes qui étaient alors prévus tant de la part de l’US Air Force que de la NASA, il fut décider d’acheter un second NB-52. Boeing proposa alors de modifier un des premiers B-52 de la toute nouvelle série « B ». Désignés NB-52B l’avion ne présentait que peu de différences avec le NB-52A. Les deux avions furent alors basés à Edwards-AFB en Californie, siège des essais en vol de l’US Air Force.

Boeing NB-52B.X-15A.T-38_WikimédiaLe NB-52A servit au programme X-15 jusqu’en 1963 tandis que le NB-52B servit lui jusqu’à l’arrêt des vols de l’avion-fusée en 1968. Par la suite les deux NB-52 ont participé à des programmes aussi différents que l’avion à corps portant Martin X-24A, ou encore les avions à décollages et atterrissages verticaux Lockheed XV-4 et Doak VZ-4. Alors que le NB-52A demeurait uniquement un avion-porteur, le NB-52B fut transformé en laboratoire volant pour les essais de système d’arme, mais aussi de systèmes électroniques, voire dans certains cas de réacteurs. Ce deuxième NB-52 a notamment servit à la mise au point du prototype Grumman X-29 et des avions de combat McDonnell Douglas F-15 Eagle et Fairchild A-10 Thunderbolt II.

Au début des années 1990 le NB-52A fut retiré du service, laissant le seul NB-52B en service.
À partir de 1992 le NB-52B a commencé à participer aux essais de drones de reconnaissance et de combat, mais également aux différents projets d’avions (et éventuellement de lanceurs) spatiaux réutilisables. Depuis 2004 la NASA utilise également un B-52H spécialement modifié en NB-52H. Par rapport au NB-52B le NB-52H est ravitaillable en vol, mais dispose également d’une avionique plus poussée et d’une plus grande ergonomie. Le NB-52H a été en outre doté de commandes de vols électriques, absentes sur les autres versions du célèbre Buff.

Aujourd’hui les NB-52 continuent à servir les essais américains, mais sont soutenus en cela par deux Boeing NKC-135, une version de soutien aux essais en vol issue du célèbre Stratotanker.

Boeing NB-52B.plus NB-52H_WikimédiaEn 2010 le NB-52H a été mis à disposition du programme du drone expérimental Boeing X-51 Waverider destiné à l’étude des vols à très grande vitesse.
Si les prototypes et autres démonstrateurs technologiques sont souvent les vraies vedettes des essais en vol et des programmes de recherche aux États-Unis, ils pourraient difficilement exister sans le NB-52. Actuellement le NB-52A est préservé par le National Air & Space Museum de Washington-DC.

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Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

7 réponses

  1. Très intéressant sujet, merci Arnaud.
    – Est-ce l’un des 2 NB-52 qui avait lancé le 1er Pegasus?
    – » Le NB-52H a été en outre doté de commandes de vols électriques, absentes sur les autres versions du célèbre Buff. » Est-ce juste pour remplacer les tringleries mécaniques ou les commandes sont assistées par ordinateur?

    1. Sur le NB-52H les ingénieurs de Boeing ont installé des CDVE qui permettent de compenser certaines manœuvres qui seraient difficilement réalisables avec des commandes classiques.

  2. Passionnant article ! Toutefois une petite omission : seul subsiste aujourd’hui le NB52H, dans sa livrée blanche unie, vous avez oublié de préciser que le NB-52B « Balls Eight » est à la retraite, exposé à Edwards AFB depuis 2005.

    A noter une des caractéristiques les plus attrayantes de ces appareils à mes yeux : les innombrables marquages de missions avec la silhouette du prototype / test effectué apposés au fuselage (dont certains plutôt imagés voire humoristiques), ça change des GBU / JDAM et autres peintures belliqueuses qui apparaissent sur les appareils de combat !

    Ci-dessous une page richement illustrée pour un walk-around autour du Balls Eight, ses différentes livrées au fil du temps, et le détail des fameux marquages : http://www.air-and-space.com/NB-52B%20Walkaround.htm

    Et pour lesp lus téméraires, LA page de référence relatant quasi toutes les missions du NB-52B (très longue à charger) jusqu’à sa mise à la retraite, des centaines de photos, avec notamment beaucoup sur le programme X15 (et bien sûr des tas de détails) : http://www.air-and-space.com/nb52/Balls%20Eight%20History%20of%20the%20Boeing%20NB-52B%20Stratofortress%20Mothership%20eBook.html

  3. Ce reportage évoque des souvenirs de mon enfance avec le film américain de Richard Donner  »X-15″ sorti en 1961. L’un des personnages principaux du film était le lieutenant-colonel Lee Brandon incarné par Charles Bronson. Quelle époque…

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