Et si Airbus Helicopters reniait son passé ?

C’est la grand philosophe britannique Theodore Zeldin qui a écrit « sans mémoire, il n’y a pas d’idée d’avenir » dans son ouvrage Les plaisirs cachés de la vie. Eh bien à mon sens les dirigeants de l’hélicoptériste européen Airbus Helicopters devraient s’en inspirer. Depuis plusieurs années on voit apparaître une évolution inquiétante de la politique commerciale du géant : la disparition des noms de baptême de ses appareils. Un phénomène initié il est vrai du temps où la raison sociale de l’entreprise était Eurocopter.

Et c’est une tradition qui remonte à l’origine même des constructeurs d’hélicoptères français qu’étaient la SNCASE, la SNCASO, puis plus tard Sud-Aviation et enfin Aérospatiale. En effet si à l’époque peu de gens dans le grand public savaient ce qu’étaient un SE.313, un SA.316, ou encore un SA.321 la majorité des Français et par delà les frontières des Européens connaissaient les noms des Alouette II, Alouette III, et Super Frelon.

Le patronyme de l’hélicoptère le rendait plus palpable aux néophytes et autres béotiens de l’aviation. Pour un peu il pouvait même le rendre familier comme ce fut le cas pour ceux qui firent leur service national non loin d’hélicoptères comme le Puma ou la Gazelle. Croyez-vous vraiment que 15, 20, ou même 30 ans plus tard ils se souviennent des SA.330 et SA.342 ? À mon avis non, mais des Puma et Gazelle indubitablement !

Or aujourd’hui les nouvelles machines commercialisées par le géant européen tendent à voir disparaître ces noms si souvent attachants. Qui peut bien se douter que derrière les désignations de H130 et H155 se cachent respectivement en fait les dernières évolutions des familles Écureuil et Dauphin ? Pas grand monde, en dehors des aérophiles convaincus.
Et encore dans son catalogue l’hélicoptériste européen conserve encore (un peu) la trace de cette filiation pour ces deux modèles de machines.

Malgré tout pour elles deux nous avons de la chance ! Car certaines productions, et notamment les plus récentes en ont moins. Les deux best-sellers que sont les H135 et H145 n’ont pas de nom de baptême, et même pire c’est le ministère britannique de la défense qui leur en a trouvé un chacun quand ils ont été choisi comme nouveaux appareils d’entraînement. Et que dire des ultramodernes H160 et H175 ? Rien si ce n’est que leurs désignations manquent cruellement de charme.

Je ne suis pas naïf je me doute bien que les dirigeants du constructeur n’en ont rien à faire de ce que pense les passionnés d’aviation, et entre autre ceux qui comme moi se sont toujours penchés sur les voilures tournantes. Bien entendu ces grands financiers sont bien plus intéressés par les courbes des évolutions de vente de leurs machines que par ce que pensent quelques pauvres passionnés dans leur coin.

Mais ils devraient faire cependant un peu attention car parmi les plus jeunes des passionnés peuvent parfois se cacher de futurs décideurs politiques, ceux là même qui signent les gros chèques des commandes étatiques qui permettent à leurs actionnaires de les maintenir en place.

Oui le constructeur européen Airbus Helicopters est bien l’héritier des carnets de commandes d’Aérospatiale et des sociétés qui l’ont précédées mais aussi (et surtout) de ses traditions. Et ça ces capitaines d’industrie ne devraient pas l’oublier. 

La mémoire ça se travaille !

Photo © Wikimédia Commons.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

13 réponses

  1. Tu as bien raison Arnaud, rien de tel qu’un nom bien choisi pour distinguer un aéronef. La mode de l’alpha numérique impersonnel n’est malheureusement pas unique à Airbus…

  2. Entièrement d’accord avec toi Arnaud ,il ne faut pas sous-estimer la porté d’un nom et ce qu’il peut représenter de positif pour des futurs acheteurs ( dont une partie sûrement passionné comme nous).

  3. C’est oublier que Airbus Hélicoptère, ex Eurocopter, est né de la fusion d’Aérospaciale et Deutsche Aerospace, et que du côté allemand il n’était pas d’usage de donner un nom aux appareils. D’où l’absence de nom du H145 qui est d’origine allemande. Les autres appareils qui étaient baptisés, sont d’origine française.
    Par ailleurs, le marché des voilures tournantes est mondiale, faut-il dans ce contexte choisir un nom anglais (comme Dassault qui a remplacé ses Myster par des Falcon pour les internationaliser) , ou un nom français qui sera traduit dans la langue de chaque client ?
    Ecureuil par exemple, n’a jamais été repris à l’international. Ainsi aux Etas Unis il a été nommé Astar pour les mono-moteurs et Twin-star pour les bi-moteurs. (Un nom provenant de son système de rotor Starflex)
    L’US-Costguard, elle, a traduit Dauphin et a appelé ses hélicos Dolphin.
    Ou alors il faut trouver une dénomination telle que « Puma », qui peut être reprise à l’international. Mais de tels noms ne sont pas nombreux.
    Les noms donnent l’impression de simplifier la désignation d’un appareil par rapport à un acronyme et un chiffre. Mais ça se complique avec les armées qui choisissent chacune un nom qui leur est propre.
    Ainsi le H145M qui n’a pas de nom en Europe, a été appelé Lakota, par l’US Army, alors que pour le SA365 de la marine française, certains sont appelés Dauphin et d’autres Panthère. Ca n’est pas forcément plus simple.
    .

    1. Perso je ne suis absolument pas d’accord avec vous François et juste une petite remarque au passage : le Dauphin et le Panther sont deux hélicoptères différents. Le premier vise les marchés civils et parapubliques et le second exclusivement les marchés militaires.

    2. Tout aéronef (au moins mili) a droit à un nom de « baptême », : Fulcrum, Raptor, BlackHawk, Rafale, …
      Mais il est vrai que les Teutons préfèrent les chiffres (Bf 109, Fw 190, quoique Me 262 Sturmvogel, Ju 87 Stuka), et que les Teutons sont en train de mettre la main sur Airbus.

      1. Il faut remarquer par exemple que l’hélicoptère Eurocopter EC120 est commercialisé sous le nom de Colibri tandis que l’ALAT qui l’utilise comme machine d’entraînement le nomme Calliope du nom d’une muse dans la mythologie grecque.

  4. Très compliqué
    Un nom à une machine peut être charmeur et argument de vente. Mais pas seulement.
    Regardez côté automobile. Qui n’est pas nostalgique des r8 r5 4l….. est ce que mega ne ou safrane a fait plus vendre mais surtout assure l’avenir de la marque au losange ? Les chevrons ou lions français ont choisi de conserver leur désignation alphanumérique et ce n’est pas plus mal pour le marché international.
    Il n’y a pas de règles seulement un choix stratégiques. A quoi bon appeler aujourd’hui un h175 l’espadon ou le léopard. Quel enjeu en chine ou en Amérique centrale ???
    Continuons à faire en sorte de fournir les meilleurs produits du monde. Là est le vrai enjeu.

  5. Vous n’ êtes pas d’accord avec quoi ?
    Je replace votre article dans un contexte historique et je pose une question : De quelle manière devait-on nommer les nouveaux appareils.

    Concernant l’AS365 , vous avez parfaitement raison.
    Mais le fait par exemple que la Marine Francaise utilise les deux termes pour les appareils qu’elle emploie, ne simplifie pas le sujet, d’autant que les dauphins peuvent être armés quand il sont employé dans la lutte contre les trafic illicites.
    Deux termes diférents pour un même appareil selon son emploi, ça ne simplifie pas la désignation des appareil selon moi.

  6. J’ai passé 39 ans chez Airbus Helicopter j’ai connu toutes ces machines fabuleuses, j’aurai aimé continuer en levant les yeux au ciel dire c’est un tigre, un écureuil
    Aujourd’hui tout n’est que sigle abréviation un papa ne peut plus dire à son enfant c’est un dauphin ou autre, H160 sera vite oublié …….
    Nostalgie quand tu nous tiens

    1. Patrick, ayant travaillé chez Eurocopter, vous pourrez peut-être répondre à une question que je me pose depuis longtemps et pour laquelle je ne trouve pas vraiment de réponse, ni sur internet ni au près des présentateurs lors des meeting aérien :
      Pourquoi les hélicos lourds, ne sont-ils pas équipés de rotors de queue à fenestron ? Je sais qu’en son temps des essais avaient été faits sur un Puma et n’avaient pas été concluant. Pour quelle raison ? En savez-vous d’avantage à ce sujet ?

      1. « Ce type d’architecture n’a d’intérêt que sur les machines de petit à moyen tonnage du fait du surcroît de consommation. »
        (Wikipedia)

  7. Merci Arnaud, j’avais déploré ce changement d’appellation depuis quelques articles déjà, enfin un son de cloche de ce sens
    C’est vrai que c’est le cas des liners depuis le retrait des Mercure et Caravelle, bizarrement on arrive à les distinguer!
    Pour les chasseurs, ils ont souvent un nom propre et un numéro sauf pour les français !

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