Et si l’avenir de la patrouille maritime française passait par un biréacteur ?

Trouver un successeur à un avion de combat robuste, rustique, et efficace voilà un défi que la majorité des forces dans le monde a eu à rencontrer au moins une fois dans son existence. C’est en tous cas ce qui pourrait bien survenir dans les années à venir concernant la Marine Nationale et son patrouilleur maritime multirôle Atlantique 2 en service depuis près de trente ans. Un bimoteur doté de turbopropulseurs qui pourrait bien laisser la place dans les prochaines années à un biréacteur.

Car même s’il a largement démontré des capacités assez éloignées de la chasse aux submersibles ennemis, notamment en Irak et en Syrie en frappant les positions terroristes de Daech, son système d’arme et sa cellule commencent à sérieusement vieillir. Et pour cause, n’oublions pas que le Dassault Atlantique tire ses origines (et même un peu plus) du vénérable Breguet Br.1150 Atlantic conçu à la fin des années 1950 pour répondre aux besoins de l’OTAN.

Or depuis quelques années certains voix commencent à se faire entendre en France sur le remplacement futur de l’avion ! Jusqu’au début du 21ème siècle les équipes de l’avionneur clodoaldien proposaient encore un Atlantique de troisième génération, mais celui-ci n’est plus au goût du jour. Dassault préfère en effet promouvoir la version de reconnaissance maritime de son jet d’affaire triréacteur à succès Falcon 900 et plus récemment de son «petit frère» biréacteur Falcon 2000. Deux modèles d’avions qui ne sont pas forcément adaptés aux besoins de l’aéronavale française.

Il faut dire que le propre de la Patmar est de disposer de moyens de détection et de combat anti-sous-marins, ce que ne peuvent pas forcément faire les appareils de la famille Falcon. Alors quid des avions disponibles ?

Bien entendu on pense en premier au Boeing P-8 Poseidon américain, issu de l’avion de ligne biréacteur 737-800 et d’ores et déjà exporté auprès de l’Australie, de l’Inde, de la Norvège, et du Royaume-Uni. Le Poseidon pourrait d’ailleurs représenter l’avion idéal pour nos marins de par ses capacités aussi bien pour le combat que pour le renseignement et la reconnaissance. De plus les très bonnes relations diplomatiques existant entre Paris et Washington DC permettraient sans nul doute de lever les risques d’entraves de la part du Congrès américain.

L’autre seul avion contemporain susceptible d’être acquis par les Français serait le quadriréacteur Kawasaki P-1 japonais. Une machine déjà opérationnelle dans son pays d’origine mais non encore exportée, même si de sérieuses pistes existent actuellement avec la Nouvelle-Zélande. Et soyons très honnête : ce P-1 a peu de chances d’être acheté par un client aussi prestigieux et puissant que la Marine Nationale, entre autres en raisons du peu de considérations que l’on peut faire des productions aéronautiques nippones actuelles.

Alors une alternative existe : l’Airbus Defense & Space A319MPA ! Alors certes l’avion n’existe encore qu’à l’état de programme de développement. Pourtant ce biréacteur européen permettrait à la Marine Nationale d’acquérir (comme client de lancement?) un avion dans lequel les industries aéronautiques et défenses hexagonales demeureraient des partenaires de premier plan. Pour mémoire l’Airbus A319 est un membre de la «famille» A320, les grands concurrents du 737… dont est issu le Poseidon !

Cependant il faut se souvenir que ce contrat ne sera pas envisagé avant au moins 2020-2022, les militaires français ayant actuellement d’autres priorités. De même n’oublions pas que les budgets de la défense sont à l’instar de ceux de la culture, de l’éducation, de la justice, ou encore du social actuellement soumis à de sérieuses restrictions par le pouvoir exécutif. L’état-major de la Royale devra donc être très convaincant pour s’assurer du remplacement de ses Atlantique.

Photo © Marine Nationale.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

9 réponses

  1. Comme toujours, un bon article ! 🙂
    Et surtout une bonne question dans le titre …
    « pourquoi, ou pourquoi pas, passer à un biréacteur ? »

    (le message suivant est l’humble opinion d’un aviateur de salon, ouverte au débat, pas une affirmation 😉 ),

    En imaginant un instant qu’on puisse concevoir et produire un successeur made in France, quel serait le meilleur choix ?
    Les bi (ou quadri-)moteurs ont un avantage net d’endurance, l’ATL2 pouvant tenir 14 heures en l’air contre maxi 10 pour le P-8, et aller plus loin. Comme il s’agit d’avions de patrouille/surveillance/ASM, peut-être vaut-il mieux jouer sur l’autonomie que sur la rapidité, le temps d’arrivée sur zone étant moins important que la capacité à rester sur zone pour ce type de mission.
    Après, rester en l’air 14h au lieu de 10h, si l’équipage est épuisé au bout de 10h, c’est pas forcément un gros avantage…

    Pour ce qui est des coûts de MCO et à l’heure de vol, de la rusticité, je pense que l’hélice a des atouts.
    Cela dit, concevoir un appareil plutôt que prendre un appareil civil pour base est moins avantageux pour l’entretien et la disponibilité de pièces de rechange sur le long terme.

    Tiens, une autre question qui me vient à l’esprit : « pourquoi pas un quadriréacteur? »
    (toujours en s’affranchissant des limites de ce qui est disponible « sur étagère »)

    1. Virgile, un quadriréacteur sur étagère, ca serait quoi à part le Kawasaki P-1 ?
      Le choix d’Airbus, pour son projet de futur avion maritime s’est porté sur l’A319, le model le plus petit de la gamme A320. Cela signifie que le volume en cabine est suffisant.
      A l’heur où l’aviation civile opte pour des longs courriers bi-réacteurs de plus en plus gros, pourquoi devrait-on s’encombrer de quatre réacteurs ?
      Si l’on souhaite d’avantage d’autonomie on a le choix entre un A321-LR, un A330 ou un A350 avant de passer au quadri-réacteur.
      Bon nombre de spécialistes se sont interrogés sur la pertinence du choix japonais d’un quadri-réacteurs. Peut-être que la réponse tient dans le fait que le pays du soleil levant tenait à un avion 100% autochtone et qu’il ne disposait pas de réacteur japonais assés puissant, si bien qu’il a du en installer quatre plutôt que deux ? Mais ce n’est qu’une supposisiton de ma part

      Plus généralement, le choix de plateformes civiles sur étagère, plutôt que de cellules concus spécifiquement pour la surveillance maritime, modifie profondément la nature de cette tache. car les aviateurs travaillaient jusque là à très basse altitude au raz des flots, ce dont les appareils civils sont incapables. Il leur faut désormais imaginer de nouvelles procédures d’engagement et compter sur une meilleure acuité de leurs senseurs afin de travailler à plus haute altitude.

  2. P.S.
    Rappelons que les 15 ATL2 qui bénéficient actuellement d’une rénovation de leurs capteurs (nouveau radar, nouvelle acoustique anti-sous-marine, nouvelles consoles intérieures …) sont officiellement sencés durer jusqu’après 2030.
    Quand on sait que la durée des équipements est plutôt plus longue que celle prévue à l’origine, leur remplacement n’est malheureusement pas pour demain …

  3. Je suis d’accord avec Francois, je ne pense pas que le remplacement des ATL2 de la Marine Nationale soit si urgent que ça. Il est vrai que leurs cellules sont très vieilles, mais ils ont été mis à jour récemment au niveau composants électroniques, et leur endurance en vol est un réel avantage face à ces concurrents bi-réacteurs, où le temps sur zone prime sur la vitesse d’intervention. Je rajouterai aussi que l’ATL2 est le véritable couteau suisse de la Marine Nationale, au delà du Rafale, et que ses domaines d’intervention sont vastes.
    Retirer définitivement l’ATL2 serait faire une croix sur un avion turbo-prop et laisser la place au « full réacteur », dans le domaine de la patrouille maritime ça serait une erreur de mon point de vue…
    A mes yeux, l’idéal serait de développer la relève à l’ATL2, une sorte d' »ATL3″ avec une cellule et des équipements plus modernes, mais tout en gardant les capacités déjà présentes. Au mieux, renforcer les effectifs avec un bi-réacteur comme proposé dans l’article, mais encore faut il débloquer du budget…

    1. Valentin, opérer deux types d’avions différents pour la PATMAR, cela ne se fera pas, au regard de l’augmentation des couts d’exploitation que cela engendre et compte tenu de la flotte d’appareils relativement réduite dont dispose la France.

      Par ailleurs le remplaçant de l’ATL2 sera très certainement un appareils basé sur une cellule existante dans le civile, au vue des économies que cela engendre. Les Etat Unis ayant fait ce choix, en dépit d’une commande pléthorique de 68 appareils de la part de la Navy, sans compter les exportations, on ne voit pas la France se lancer avec un constructeur dans l’élaboration d’une nouvelle cellule pour à peine une vingtaine d’appareils et d’hypothétiques ventes à l’étranger.

  4. Article interessant mais qui n’explique pas pourquoi la solution Dassault ne s’appliquerait pas, absence de soute ?

    1. Steph, oui je pense que l’absence de soute est l’une des raisons. Rappelons qu’à côté de ses ATL2, la marine nationale possède une flotte de Dassault Falcon. Ces appareils n’ont donc pas le même emploi.
      Les Falcons sont employé pour la surveillance maritime, la recherche et le secours en mer, mais pas pour la guerre anti-sous marine.
      Outre leur matériel de détection ils sont équipés d’une trappe au plancher permettant le largage de kits de survie flottant. Il me semble que lors de leur rénovation la Marine Nationale avait envisagé d’y installer des trappes de largage de sonars immergés pour la détection des sous-marins, mais y a renoncé devant le cout et la complexité de l’opération. Les Falcons ne peuvent emporter de torpilles anti-sous-marines.

  5. Bonjour à tous, bonjour Arnaud, encore un article fort intéressant !.
    Effectivement la question de pose tant en matière d’appareil, que de coût, mais également en capacité de longueur de patrouille maritime et de conception pour un usage militaire. Un P8 coute 125 millions de dollars pièce (sans son armement) quand un ATL2 coûte au moins 35 millions.Il est un excellent appareil . l’autre équivalent étant le P3 Orion également un excellent appareil et encore en usage chez les australiens. Les « Orion » américains et japonais ont ou vont être remplacés respectivement par les P-8 et. les P-1.

    N’oublions pas que à l’origine, les appareil de Patmar servent également à la guerre anti-soumarine et donc leur structure est adaptée. Ils doivent être dotés de lanceurs de bouées sonars ainsi que de l’armement en soute ainsi que pour le « SAR ». Ils doivent également tirer des missiles « Harpoon » ou « Exocet » sous voilure. Il faut pour cela adapter l’appareil civil bi ou quadri-réacteur ce qui augmente le coût du projet de conversion (c’est mécanique…). Un avion de Patmar doit également être capable d’opérer « au ras de l’eau » et il doit pouvoir être suffisamment manœuvrant pour échapper à la détection au delà de l’horizon (passer sous la LDV de radars ce qui oblige à voler bas ce que fait très bien l’ATL2 notamment pour les prise de vue et d’identification de navires. Sa signature radar et infrarouge ne doit pas non plus être un problème et il doit être également doté d’avionique de détection et de guerre électronique.

    Un appareil à réaction va certes plus vite et plus loin, avec une limite de temps de patrouille moins importante, mais son exploitation à long terme est « nettement plus couteuse ». Rien que pour le P8 cela représenté 33 milliards de dollars et des poussières pour le développement et la R&D … et les premiers ont coûté 256 millions de dollars pièce (année fiscale 2015) et cela ne prends pas en compte le coût des équipages, entrainement, etc…

    Les britanniques avaient eux, une fantastique plateforme avec le « Nimrod MR2 ». capable de voler avec deux réacteurs pour économiser le carburant. Il était également ravitaillé grâce à une perche. Nos amis britanniques avaient un « superbe » outil très spécialisé. Évidemment il n’avait pas la capacité optronique de l’ATL2..,En cela, l’avion anglais, bien que quadriréacteur remplissait parfaitement son rôle avec une coût proche des avions à hélice. Cerise sur le gâteau il pouvait se défendre avec des missiles air-air ce que peu d’avion de Patmar peuvent réaliser… . Mais il faut dire qu’il a été « très bien conçu » par un fabriquant qui avait l’expérience de la 2ème guerre mondiale …. en matière anti-sous marine..et autre… Il reste une « exception ».

    Un avion à hélice coûte généralement moins « cher » à une force aérienne et notamment quand le coût est un facteur de décision. C’est pour cela qu’en période de « disette » le nombre d’appareils de Patmar a été notablement réduit avec l’arrivée des avions à réaction . Et pour les avions P8 américains n’oubliez pas qu’il doivent remplacer près de 100 P-3 !! donc il en faut au moins la moitié en équivalent en P-8 Poséidon. Les australiens eux préfèrent prolonger la vie de leurs P-3 Orion pendant encore quelques années.
    .
    En gros un choix d’appareil à hélice se « défend » :, plus d’appareil, en patrouille et/ou dans son inventaire, à moindre coût sur un long terme. La question est … les gouvernements ont-il les « yeux » plus gros que le ventre ? et favorisent-ils des avionneurs locaux pour l’acquisition de jets « à haute performance à prix d’or », là où un avion à hélice bien conçu remplit toute la panoplie opérationnelle demandée à « moindre coût ». De nombreux amiraux et généraux de forces aériennes actuelles jurent plus en terme de « hautes performances » que parfois de réalité et/ou de capacité opérationnelle.
    Les « marines » testent des « Tucanos armés » pour la soutien au sol alors qu’il est plus lent mais plus efficace qu’un avion à réaction qui n’a pas le temps de voir sa cible. car c’est ça: voir/entendre, cibler, tirer le premier et rester discret puis sortir de la zone de danger et tout cela à un cout « raisonnable » et une efficacité de frappe « certaine ». C’est plutôt en ces termes que la question doit se poser. Mais…, c’est juste un avis..

  6. Donc, pour tenter de résumer, un ATL3 (avec à peu près les mêmes coûts et perfos (améliorées) que les ATL2), éventuellement aidé par quelques Falcon, serait la meilleure solution, niveau performances et coûts ?
    Finalement, pas si éloigné de la pratique actuelle de la Marine Nationale.
    Déjà que l’Us Navy reconnait que le couple Caiman/FREMM est ce qui se fait de mieux dans le monde actuellement…
    Chapeau bas, messieurs les marins volants !
    P.S.:
    Sinon, sur étagère, il y a aussi les C-295 MPA Persuader, les DHC-8 Q300 MP ; ATR-72 MP, et le P-99.

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