Des Lockheed-Martin F-35B pour les aéronavales japonaises et sud-coréennes ?

C’est l’information qui titille tous les aérophiles du monde entier en ce moment. Tokyo et Séoul auraient informé Washington de leurs intentions respectives de commander la version à décollages et atterrissages verticaux du nouvel avion de combat américain afin d’en équiper leurs bâtiments porte-hélicoptères. Bien entendu il s’agit là d’une réponse à l’expansion militaire nord-coréenne et à ses menaces de feu nucléaire.

Si les deux contrats se confirment le Japon et la Corée du sud seraient troisième et quatrième clients à l’export du Lockheed-Martin F-35B Lightning II après l’Italie et le Royaume-Uni. Deux nouveaux clients de poids pour l’avionneur américain et un sacré bon coup porté au moral de ses détracteurs.
Mais surtout ce serait deux contrats historiques !

En effet si la Corée du sud n’a jamais possédé autre chose qu’une aéronavale terrestre il en est tout autrement du Japon. En effet l’archipel nippon a véritablement marqué l’histoire aéronavale durant l’entre-deux-guerres et surtout la Seconde Guerre mondiale. Cependant depuis 1945 elle aussi ne possède plus que des avions basés à terre. Imaginez donc qu’avant ces futurs Lockheed-Martin F-35B l’aéronavale japonaise volait sur un des avions les plus légendaires : le Mitsubishi A6M. Excusez du peu !
Aussi bien au sein de la Republic Of Korea Navy autant que de la Kaijō Jieitai seuls les hélicoptères (et parfois certains drones) sont embarqués à bord de navires de guerre.

Alors du coup se pose la question du type de bâtiment à partir duquel Japonais et Sud-Coréens comptent déployer leurs futurs Lightning II ADAV. Dans le cas des premiers c’est à partir de quatre navires et dans celui des seconds d’un… et demi.


En effet la marine japonaise arme actuellement quatre «destroyers porte-hélicoptères» ayant la capacité de recevoir et de mettre en œuvre ces avions de combat : les deux de classe Izumo et deux plus légers de classe Hyūga déplaçant respectivement 27000 et 19000 tonnes. Il semble désormais exclu que les F-35B japonais puissent un jour opérer depuis le pont d’envol des trois navires d’opérations amphibies de la classe Ōsumi.
Côté marine sud-coréenne les espoirs reposent actuellement sur un seul et unique bâtiment, le porte-hélicoptère d’opérations amphibies Dokdo et (théoriquement) à partir de 2020 de son sister-ship le Marado.

Sauf que si chez Lockheed-Martin on se frotte les mains de ces deux intentions d’achat qui s’élèveraient à respectivement une quarantaine et une vingtaine d’avions pour les Japonais et les Sud-Coréens des restrictions existent.

  • La première concerne le Japon au travers de l’article 9 de sa constitution de 1946 qui prévoit le renoncement à toute action de guerre et à la mise en œuvre de moyens permettant cela. En gros c’est grâce à cet article qu’actuellement toutes les forces nippones ne sont strictement destinées qu’à l’autodéfense. Difficile en effet d’argumenter sur le fait qu’un porte-avions soit un outil d’autodéfense alors même que son rôle premier est de porter l’action militaire au plus loin. L’expérience de la guerre du Pacifique ne plaide pas forcément en faveur des militaires nippons.
  • La deuxième concerne encore le Japon et l’opposition très marquée auprès des jeunes générations nées largement après 1945 et qui ne veulent surtout pas revivre les humiliations qu’ont connu leurs parents et grands parents du fait des crimes de guerre commis durant la Seconde Guerre mondiale. Le sentiment pacifiste est omniprésent dans cette société, et souvent il confine même à une forme d’antimilitarisme tellement exacerbée qu’elle en devient difficilement compréhensible pour nous autres occidentaux.
  • La troisième enfin concerne l’Amérique elle-même et certaines réticences (autant dans le camp démocrate que républicain d’ailleurs) à voir émerger deux puissances aéronavales dans le Pacifique alors même qu’il s’agit là du pré-carré de l’US Navy. Et ce même si la Corée du sud et le Japon sont deux très proches alliés des États-Unis. D’autant que l’apparition de ces avions de combat embarqués pourrait envenimer la situation également avec la Chine et ses velléités expansionnistes sur certaines îles de la région.

Du coup même si sur le papier il est intéressant d’envisager de voir des F-35B Lightning II apponter sous cocardes japonaises et/ou sud-coréennes cette possibilité demeure actuellement encore très fragile, et pour tout dire totalement hypothétique.
Alors par contre coupons immédiatement l’herbe sous le pied de ceux qui rêvent de porte-avions «classiques», cela n’est nullement prévu donc pas la peine de rêver à des Rafale M évoluant frappés de la célèbre meatball.

Photos © US Department of Defense.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

13 réponses

  1. La mise en œuvre du F-35B nécessiterait tout de même quelques modifications sur les navires concernés, notamment au niveau du revêtement de pont qui doit pouvoir supporter la chaleur du réacteur orienté vers le bas (et qui pose encore quelques soucis au sein même de l’US Marine Corps), ainsi qu’un agrandissement de la soute à munition et surtout de la soute à carburant, un avion consommant bien plus de kérosène qu’un hélicoptère.

  2. Selon moi je pense qu si le japon n’était pas limité par l’article 9 de la constitution, la jmsdf serait tout à fait capable de (re)construire des porte avions, a propulsion classique.

    1. La difficulté réside non seulement dans la construction du bâtiment, pour la quelle les japonais pourrait faire appel à l’aide technique de leur fidèle allier américain, mais également dans la mise en œuvre d’un groupe aérien embarqué.
      A ce titre l’exemple britannique est significatif. Ces derniers avec les Harrier avaient une longue expérience de l’emploi des aéronefs embarqués. Or il n’a fallu que quelques années d’interruption de cette pratique pour que la Royal Navy perde une grosse partie de son expérience acquise. Ainsi si la mise en service officielle du Queen Elisabeth se fera en 2020, la mise en service opérationnelle effective du groupe embarqué prendra quelques années supplémentaires.

  3. A propos du F-35B, le comité de défense de la chambre des communes britannique (HCDC), organisme de surveillance du parlement anglais, se plaint de quelques problèmes et s’appuie notamment sur le rapport du directeur des tests opérationnels et de l’évaluation aux Etats Unis (DOT&E)
    Il est fait état des désordres habituellement évoqués pour l’appareil, et pour les quels on est désormais habitué, comme le manque de transparence au niveau des couts de maintenance, l’absence de souveraineté du pays utilisateur les codes source n’étant pas divulgués par les USA, la vulnérabilité du système ALIS (système informatique de maintenance centralisé aux USA) aux éventuelles attaques informatiques. Mais le HCDC évoque un problème bien plus étonnant :
    Face aux performances de vols qui s’avères désormais plutôt médiocres, les partisans du F-35 évoquent habituellement les performances exceptionnelles de ses censeurs et ses capacités à communiquer les informations récoltées aux différents acteurs du champs de batailles. Or voilà que l’appareil serait incapable de communiquer en terme de liaison de données, avec les futurs navires de la Royale Navy !!! Les britanniques seraient contraints de financer un système de transfère des données du F-35 aux bâtiments de guerres via les Eurofighter !!!

    Par ailleurs face aux coûts prohibitifs de l’appareil, nos voisins anglais n’atteindront pas l’objectif initiale d’acquisition, qui était de 138 F-35B. Convenons en, les révisions à la baisse des objectif initiaux sont monnaie courante en matière d’avions de chasse. On aurait d’ailleurs du mal à citer un programme qui depuis la fin de la guerre froide a atteint sa cible de départ. Mais il se dit qu’outre une baisse conséquente du nombre d’appareils, l’armée britannique envisage de troquer une partie des commandes de F-35B contre des F-35A. Ce dernier modèle ne peut certes pas embarquer sur les navires de guerre, mais il est moins cher et dispose en outre d’une allonge et d’une capacité d’emport d’armement supérieur au F-35B, celui-ci étant fortement handicapé par la masse de sa soufflante verticale.

  4. Bonjour François,
    J’ai effectivement lu les mêmes informations et en dehors du fait que cet appareil sera je le pense excellent lorsqu’il sera tout à fait au point, ce qui m’interpelle c’est le nombre dont vont pouvoir s’équiper les forces européenne qui l’ont choisi.
    Or il ne faut pas oublier que ces pays sont quand même nos plus proches alliés.
    Que va t il rester d’une coalition ( je parle pas d’une défense ) européenne qui ne pourra aligner que quelques appareils face aux grands blocs que sont la Chine, l’Inde voire nos grands alliés (?) US.
    Sans compter que ceux ci possèdent en plus le moyen de contrôler l’utilisation de cet appareil nous privant de toute autonomie stratégique.

    1. Si on fait l’addition de toutes les forces aériennes européennes cela représentera quand même un nombre d’avions assez significatif. Et sommes nous obligés de faire jeu égale en quantité d’appareils avec l’Inde ou la Chine ?

      Concernant la dépendance au matériel américain, si bon nombre de pays ont déjà opté pour le F-35, une partie non négligeable de l’avenir européen va encore se jouer avec le choix de la Belgique pour le remplacement de ses F-16 et surtout le choix de l’Allemagne pour le remplacement de ses Tornado.
      Si cette dernière décide d’acquérir d’avantage d’Eurofighter et de le rénover en améliorant ses performance au bombardement et à l’attaque au sol rapprochés, elle pourra opter pour un futur avion de chasse commun avec la France pour le remplacement par la suite des Rafales et Eurofighter.. A condition bien sure que les deux pays parviennent à s’entendre, ce qui est loin d’être fait, Paris ayant déjà émis quelques craintes quant à l’équilibre de ce futur accord . La France détenant un savoir faire complet en matière d’avion de chasse, elle craint de voir ses connaissances cannibalisées par son voisin germain qui lui a quelques relatives lacunes en la matière, notamment au niveau de l’optronique, du système d’autodéfense et du radar.
      A noter que l’Eurofighter est l’option préférée du ministère allemand de la défense.

      Si l’Allemagne décide de remplacer les Tornado par le F-35, qui est l’option préférée du chef d’état major de la Lufftwaffe, on peut craindre qu’elle ne s’engage à long terme sur une « américanisation » de son aviation en communauté avec les autres usagés européens du Lightning II.

      1. J’espère comme vous, et d’autres, qu’il restera de la place pour une solution européenne concernant l’équipement de certaines forces ( je pense ici à la Belgique ).
        Pour ce qui concerne les allemands, je reste dubitatif. Ils souhaiteraient effectivement l’Eurofighter, mais dans leur mesquinerie industrielle ne souhaitent pas vouloir en assumer les coûts sauf si ça rapporte exclusivement à leurs industriels.Et en ce qui concerne une coopération avec la France, j’ai peur (à moins d’une clairvoyance de nos « elites ») que nous ne soyons les dindons de la farce.
        Pour le total de nos forces, si aujourd’hui le nombre est encore significatif, et sans vouloir faire une course avec d’autres, il faut quand meme avoir ce qu’il faut au cas ou, mais les chiffres annoncès pour le reequipement de certains me laisse à penser que l’on sera loin du compte.
        Au plaisir de vous lire
        PS: bonne fin d’année Arnaud et tous les intervenants. Et que vive longtemps cet excellent site.

      2. Bonjour,
        Rappeler les « quelques relatives lacunes » de l’industrie allemande en dit long sur les inconvénients d’une prétendue coopération qui n’est rien d’autre que la dépendance d’un groupe sur un seul. Car dans ce domaine, « coopérer » c’est accepter que sa direction soit assurer par la seule France, les autres n’étant, en quelque sorte, que des filiales.
        Surtout, quelle déchéance pour l’Allemagne! Quant on se rappelle ce que fut l’extraordinaire industrie aéronautique de ce pays, en avance dans bien des domaines et véritablement pillée à la fin de la guerre, on se rend compte de que coûte la repentance et la volonté tenace de faire oublier ses crimes passés.
        Plus d’industrie militaire ou si peu, plus d’industrie civile (phagocytée par Airbus) ou si peu..
        Où sont les descendants des Fw 190, Bf 109, Me 262, Fw 200 Condor, BV 238, Bf 110, He 162, Horten Ho 229 etc.? on en passe des tonnes! Aujourd’hui, c’est interdit, donc obligation de s’aligner sagement sur la France en Europe et les USA par ailleurs.
        Si on leur avait dit à l’époque qu’un jour ils seraient relégués à un rang mineur de suivistes, ils n’auraient pu le croire. Certes, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes et constater ce qu’il en coûte de confier son destin à des fous criminels.
        Cela dit, on peut, sur le stricte plan technique, regretter ce qui faisait la vrai richesse de l’Europe à savoir le nombre de pays à l’imagination fertile en aviation. Allemagne, France, Angleterre voire Italie, chacun sa personnalité et ses spécificité. Désormais, obligation d’éviter une lutte « fratricide » eupéo-européenne, Moule commun obligatoire avec un seul chef !

        1. En matière de coopération militaire franco-allemande si les français s’inquiètent c’est qu’on semble s’orienter vers un leadership allemand; Ainsi comme en a fait part le Gal Lecointre, Chef d’Etat Major des Armées devant la Commission Sénatoriale des Affaires Etrangères et des Forces Armées, cette alliance binationale aurait pour but aux yeux des allemands de combler leur retard dans certains domaines technologiques dont ils sont absents depuis quelques temps. La France se verrait ainsi pillée de ses compétences, écrasée par le poids lourds économique. germanique.
          L’exemple du programme de drone MALE RPAS (Medium Altitude Long Endurance Remotely Piloted Aircraft System) est révélateur. La direction a été attribuée a l’Allemagne et celle-ci est parvenue à imposer la formule bimoteur comme le souhaitait Airbus. Dassault et les français étaient favorables au monomoteur, comme le Reaper américain, pour des raisons de coût d’acquisition et de maintenance, préférant investir dans la charge utile plutôt que dans le vecteur et jugeant qu’un appareil plus léger serait plus facilement exportable;
          Pas facile de faire converger des intérêts divergeant …

    1. En matière de défense, la souveraineté est une question de niveau. Rares sont les nations totalement souveraines. Le pays qui ne possède pas la bombe atomique est moins souverain que celui qui en est pourvu. L’état qui fait partie d’une alliance telle que l’OTAN, ou autrefois le Pacte de Varsovie, est moins souverain que celui qui reste non aligné. Le pays qui importe son armement est moins souverain que celui qui le fabrique lui-même. Et les états, tels que le Japon ou l’Allemagne, dont la constitution limite les capacités de l’armée (sous la contrainte des Alliés au sortir de la 2ème guerre mondiale) sont moins souverains que les autres.

      Mais pour en revenir au F-35, la Norvège s’est aperçue il y a quelques semaines, que ses Lightning II transmettaient, à son insu, des informations confidentielles aux américains, via ALIS, le système informatique de maintenance centralisé au Etats Unis.
      Et concernant ce fameux système ALIS, qui transmet de par le monde des données hautement sensibles, et dont beaucoup craignent la vulnérabilité aux « hackers », Lockheed-Martin avait annulé il y a quelque temps un test de solidité face au piratage informatique. Des hackers volontaires devaient relever le défis de s’introduite dans le système informatique du F-35. Mais cette évaluation a été abandonnée par l’avionneur qui a préféré s’abstenir !

  5. Il faut reconnaître que c’est la manière la moins chère et le plus rapide pour avoir une aviation embarquée suffisante pour se défendre en cas de conflit limité face à une grande armée comme celle de la Chine par ex.

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