Robert ESNAULT-PELTERIE

Pionnier et théoricien de l’Aviation et de l’Astronautique

La biographie de Robert Esnault-Pelterie est décomposée en 2 parties :


Le pionnier de l’Astronautique, le père de la dissuasion par les missiles

Un des grands théoriciens de l'Astronautique
Un des grands théoriciens de l’Astronautique

Après la grande Guerre, Esnault-Pelterie se coupe du milieu aéronautique pour deux raisons : Il n’a pas les bureaux d’études nécessaires pour étudier des appareils beaucoup plus complexes qu’avant – guerre et au fond, ce qui l’intéresse c’est d’innover de manière radicale : il ne se consacre plus qu’aux projets de moteurs révolutionnaires. Et deuxièmement, il fait des procès à tout le monde pour faire reconnaître sa paternité du manche à balai omnidirectionnel, et en toucher les droits afférents.Par conséquent il passe les années vingt à voyager, entre l’Europe et les Etats-Unis pour participer à des procédures judiciaires. La guerre l’a enrichi, les procès sont souvent gagnés, mais les frais sont énormes et il est rattrapé par l’impôt sur les bénéfices de guerre, qui peut atteindre 85% ! On a oublié de tels taux aujourd’hui, même pour les footballeurs.

Il commence à lorgner vers la Suisse. Il n’est pas le seul. Il finira par s’y établir. Il reprend sérieusement ses recherches à l’orée des années Trente. Ce qui l’a amené à l’avion et au moteur en étoile, c’est la quête de l’allègement de la masse inerte dans les moteurs. Il poursuit et cherche d’autres solutions que le moteur à explosions. Il a deux pistes : la turbine et la fusée chimique.

On verra que la première piste ne sera que peu exploitée par lui. En revanche la deuxième recoupe un autre vieux rêve de l’Humanité : le voyage sidéral ! Cela restait du domaine de la science-fiction depuis Jules Verne et même Cyrano de Bergerac (oui, il a existé et c’était un visionnaire. Il décrivait un homme s’élevant dans les airs dans les États et empires de la Lune grâce à des fioles de rosée). Mais avec les progrès de la science, voilà qu’on commençait à y penser vraiment et à le calculer.

Dès 1912 il avait donné une conférence sur cette question. Mais il n’est pas le premier.

Constantin Tsiolkovski
Constantin Tsiolkovski

Le russe Constantin Tsiolkovski dès 1903 avait posé les bases scientifiques de la recherche en astronautique comme le fonctionnement du moteur fusée, le principe de la fusée gigogne. REP n’en a rien su. Il évoque le combustible nucléaire, avec le radium pour une accélération longue car carburant et comburant seront vite brûlés dans le lanceur lors des voyages spatiaux. C’est qu’il envisage vite d’aller sur Mars en quelques….jours !

fusée tsiolk
Il est considéré aujourd’hui comme un des quatre pères de l’astronautique, car après le Russe il effectue des travaux comparables et contemporains de Robert Goddard l’américain et Hermann Oberth l’Allemand.

L’idée du voyage spatial crée un engouement à la fin des années vingt, les « années folles », où l’on commençait à oublier l’horreur de 14-18. Les Russes organisent en 1927 une exposition sur le voyage spatial dans laquelle figurent des espaces dédiés aux auteurs visionnaires (Jules Verne, Wells) et aux chercheurs ci-dessus cités, dont REP bien sûr. Celui-ci continue ses conférences mais ailleurs on expérimente (Max Valier en Allemagne) ou on rêve (« le voyage d’une femme dans la lune de Fritz Lang).

En 1930 il publie son ouvrage majeur : l’Astronautique, dans lequel il expose les principaux problèmes et les solutions qu’il propose : moteur fusée à combustibles liquides orienté par cardan, petits propulseurs latéraux, et pour la rentrée, rétrofusées et parachute. Avec le guidage par gyroscope et accéléromètre, tout y est ! Il y décrit en particulier le concept de la navigation inertielle et présente le calcul des trajectoires des futurs engins ainsi que les conditions d’un voyage autour de la Lune.
L’ouvrage a un grand retentissement, y compris aux Etats-Unis.

Il dédie son laboratoire de Boulogne sur Seine à des essais de moteur fusée. Il y investit sa fortune et finit par y intéresser les services de l’armée à partir de 1931, ce qui lui permet de toucher une subvention mensuelle, augmentée deux ans plus tard, après une explosion dans son laboratoire qui lui arrache quelques doigts.  Il perçoit en effet tout de suite la révolution que constituerait pour l’armement le développement de tels engins balistiques. Et parallèlement il prend conscience du danger du réarmement allemand. En effet letraité de Versailles, s’il imposait une absence complète de construction d’avions de guerre, de chars, de cuirassés, n’évoquait pas, et pour cause, les fusées.

Chacun étudie le moteur possible d’un projectile propulsé destiné à sortir de l’atmosphère, et Goddard comme les deux autres s’orientent vers les combustibles liquides. L’Américain fait décoller (brièvement) un engin en 1926. REP donne une conférence en Sorbonne sur « l’exploration de la haute atmosphère par les fusées et la possibilité des voyages interplanétaires ». Les principaux concepts, qui seront développés par Von Braun, sont détaillés : combustibles liquides (il existe des variantes, des alternatives), guidage, turbines pour alimenter en liquides la chambre de combustion.esnault02

Il crée un prix international d’astronautique avec son ami André-Louis Hirsch… pour savoir exactement où en sont les Allemands ! Et bien sûr c’est Oberth qui remporte le prix, ce qui permet aux français d’évaluer l’avance de ce « savant » dans les combustibles liquides hydrogène et oxygène.
Il essaie de persuader les « autorités » de la nécessité de construire de tels engins, car, comme on ne peut les arrêter, il est nécessaire d’en avoir pour dissuader l’éventuel ennemi. Il a inventé la dissuasion, et dès le début il a appréhendé l’utilisation militaire des fusées. L’avenir lui donnera sinistrement raison.

La Reischswehr, avant même l’arrivée d’Hitler au pouvoir, prend conscience de l’avenir de cette arme et engagera un certain nombre de jeunes chercheurs passionnés qui œuvraient dans des sociétés savantes, dont un certain Von Braun (en 1932). Hitler bien sûr poursuivra dans cette voie et donnera à ces chercheurs d’énormes moyens, en particulier avec le développement de la base de Peenemünde. On connait la suite.

Schéma du moteur fusée essayé à Satory
Schéma du moteur fusée essayé à Satory

En mai 1936, alors qu’il vient d’être élu membre de l’Académie des Sciences, REP réussit à Satory le premier essai au banc d’un moteur fusée. Cette réussite attire les plus hauts responsables de l’armée, qui sont attentifs bien que n’ayant pas cru jusqu’à présent à l’avenir des missiles autopropulsés : Le maréchal Pétain, le Général Maurin entre autres. Mais REP se heurte à des problèmes de matériau pour les partie chaudes et il essaie divers réfractaires : carbone, tungstène, carbures.

C’est toujours le même jeu avec l’Armée : elle le somme de lancer une fusée « pour voir », lui veut avancer à coup sûr, perfectionne le moteur, puis le guidage. Comme avec les avions il ne se lance pas alors que les autres avancent : dans l’été 1939 la fusée A5 de Von Braun atteint 12km, les Russes et Goddard avaient fait des essais, certes plus modestes depuis plusieurs années.

En mai 1940 l’occupation arrête ses travaux. Il essaie de partir aux Etats-Unis avec un projet de… turboréacteur. Mais échouant car il ne veut pas partir sans sa famille, il se réfugie en Suisse.
C’est son collaborateur au laboratoire de Boulogne puis à Satory, le polytechnicien Jean-Jacques Barré qui continue ses travaux. Celui-ci construit en zone libre en 1941 l’EA 1941 (EA Engin autopropulsé) qui devait

Fusée EA1 (engin autopropulsé 1)
Fusée EA1 (engin autopropulsé 1)

pouvoir porter à 100 km et porter 25kg avec un combustible oxygène liquide – éther de pétrole. Les essais, mitigés, seront repris après la libération. Cette fois les Français ont compris les possibilités de la fusée et créent le LRBA (Laboratoire de recherche balistique et aérodynamique) en 1946. Barré le rejoint ainsi que de nombreux techniciens allemands. Ils lanceront les premières fusées françaises à Hammaguir au Sahara. Il y aura Véronique puis Diamant, ancêtre d’Ariane.

Esnault-Pelterie avait été contacté en 1945 pour participer à cette aventure, recevant ainsi une reconnaissance officielle. Mais désabusé, fatigué, il reste à l’écart, donnant quelques conférences mais il est maintenant dépassé. C’est l’heure des hommages comme l’attribution de médailles et de noms de rue de son vivant, hommages bientôt posthumes comme celui de l’académie des sciences de l’URSS. Car il a eu la chance de voir se réaliser une de ses prédictions après celle des missiles armés: le lancement du premier satellite artificiel de la terre.

On peut dire que Robert Esnault-Pelterie est le père de l’astronautique française même si le manque de résultats rend sa vieillesse amère. Il aura le bonheur de se voir reconnaître cette paternité et la joie, lors du lancement du Spoutnik le 4 octobre 1957, de recevoir un hommage des scientifiques et des journalistes soviétiques en tant que précurseur, à l’égal de Tsiolkovski, de l’Astronautique.

Il serait fier d’Ariane et des succès du CNES et de l’ESA comme la sonde Rosetta ! Le nom d’Esnault-Pelterie a été donné à un cratère de 79 km de diamètre sur la face cachée de la Lune, cette face cachée qu’il aurait tant aimé voir !Esnault_Pelterie_GF

Cet article doit beaucoup à l’ouvrage très complet et passionnant de M. Villain et Torres aux éditions confluences : Robert Esnault-Pelterie, du ciel aux étoiles, le génie solitaire.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Bernard
Bernard
professeur d'Histoire, à la retraite depuis peu mais passionné d'aviation depuis toujours, et en particulier bien sûr d'histoire de l'aviation.
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