Aéroport de Skagway, Alaska – aux portes du Klondike

Lors d’un récent séjour à Whitehorse au Yukon, j’ai pris une journée afin de me rendre à Skagway en Alaska en roulant sur la légendaire «Klondike Highway». Longue de 175 km, cette route aux paysages spectaculaires relie ces deux villes jumelles en franchissant le col White, dans les montagnes côtières chevauchant la frontière canado-américaine. Seul accès routier de Skagway, le «Klondike Highway» (ou Alaska Route 98) est sensiblement parallèle aux sentiers empruntés par les «stampeders» à la fin du 19ème siècle lors de la ruée vers l’or du Klondike. Sa construction fut achevée en 1978 et ce ce n’est qu’à compter de 1986 que la route fut ouverte à l’année, bien que des blizzards et avalanches provoquent encore des fermetures temporaires à l’occasion. Cette route est dorénavant une expédition incontournable pour une nouvelle race d’explorateurs que l’on nomme «touristes». Ceux qui ne veulent pas prendre le volant, peuvent toujours relaxer à bord du train touristique opéré par l’entreprise White Pass & Yukon Route Railroad, ou encore prendre un vol en direction du petit aéroport de Skagway… tout aussi particulier que la ville elle-même.

Skagway White Pass
Klondike Highway
Skagway White Pass 2
White Pass & Yukon Route Railroad
Skagway2
Approche de l’aéroport de Skagway – côté montagnes

Blottie au fond d’un fjord entouré de montagnes, les lieux furent d’abord occupés par le peuple Tlingit qui lui donnait le nom «Skagua» qui signifie «là où le vent souffle». Le premier non autochtone à s’y établir fut le Capitaine William Moore en 1887. Rappelons que l’Alaska n’était encore à cette époque qu’un lointain territoire vendu par l’Empire russe aux États-Unis en 1867 pour la somme dérisoire sept millions de dollars. À compter de l’été 1897, la quiétude de cette minuscule communauté fera place à la folie de la ruée vers l’or du Klondike. Afin d’accommoder l’afflux des chercheurs d’or désirant emprunter le col White vers le Yukon, une petite ville fut construite en quelques mois. Skagway comptait déjà plus de 8 000 habitants dès l’automne 1897, sans compter le millier de prospecteurs transitant par la ville à chaque semaine. Véritable ville du «Far West» sans foi ni loi avec ses saloons, bordels et resquilleurs de toute sorte, sa population déclina rapidement à la fin de la ruée vers l’or au début des années 1900.

Skagway 7
Skagway, hommage aux chercheurs d’or

L’évènement du premier avion à se poser à Skagway se produisit le 6 juillet 1922. Le petit biplan baptisé «Polar Bear» par son pilote et constructeur, le californien Clarence Oliver Prest, se posa tout en douceur sur la plage du petit hameau pas encore doté d’un aérodrome. Instructeur de vol durant la Première guerre mondiale, il se consacra aux spectacles d’acrobaties aériennes comme bien des pilotes militaires démobilisés à la fin du conflit. Disposant de peu de moyens, et ne comptant que sur la générosité de la population où il se posait, C.O. Clarence se lança dans la folle aventure d’un vol en solitaire visant à relier le Mexique à la Sibérie en passant par l’Alaska. La prochaine étape de son périple fut Whitehorse au Yukon où il attira une foule, n’étant que le deuxième à se poser sur la piste rudimentaire aménagée deux ans plus tôt. Son périple se termina par un atterrissage forcé près d’Eagle en Alaska dû au mauvais temps. Il s’en tira indemne après une semaine de survie dans la brousse. Ce périple inachevé n’en demeure pas moins remarquable sachant que les conditions de vol dans ces contrées sauvages sont encore aujourd’hui souvent périlleuses.

Skagway first
Le Polar Bear survolant Skagway
Skagway Prest Biplane
Le Polar Bear à Whitehorse

Ce n’est qu’en 1929 que la construction d’un aérodrome débuta à Skagway. À la fin des années 1930, diverses entreprises régionales offraient des vols réguliers vers Skagway, dont la Yukon Southern Aiways qui effectuait des navettes vers Whitehorse, Dawson, Fairbanks et Juneau à bord d’avions aussi gros que le Curtiss Condor. L’attaque de Pearl Harbor en décembre 1941 va toutefois marquer un nouveau tournant dans l’histoire de la petite ville de Skagway qui sera envahie une deuxième fois, cette fois-ci par 3 000 militaires américains. Disposant d’un port en eau profonde libre de glace à l’année et pourvu de l’unique chemin de fer reliant l’Alaska au Yukon, Skagway deviendra un centre stratégique d’approvisionnement pour la construction du «Alaska Highway» et l’agrandissment de l’aéroport de Whitehorse, un relais important du Northwest Staging Route (NWSR). Coincé dans une étroite vallée souvent sujette au brouillard et aux vents violents, le petit aérodrome fréquemment endommagé par les débordements de l’impétueuse rivière Skagway, sera certes consolidé par les ingénieurs de l’U.S. Army mais ne deviendra pas un aérodrome militaire d’importance majeure. Les militaires quitteront la ville dès la fin de la Deuxième guerre mondiale.

Skagway WWII
Skagway, matériel roulant en direction du Yukon durant la Deuxième guerre mondiale

Aujourd’hui, Skagway n’est qu’un charmant village d’un peu plus de 800 résidents permanents qui connaît une troisième vague d’envahisseurs à chaque printemps, soit celle des touristes qui débarquent d’énormes bateaux de croisière qui y font escale. Jusqu’à quatre de ces mastodontes luxueux peuvent s’amarrer simultanément dans le port. Heureusement, un seul de ces paquebots était à quai lors de mon séjour ! Ce qui m’a frappé dès mon arrivée à Skagway c’est la vue et l’odeur des lilas en fleurs en cette fin de mois de mai. Skagway, avec son climat comparable à celui de Montreux, s’autoproclame d’ailleurs le «Garden City of Alaska». L’autre chose frappante, du moins pour les aérophiles, est l’aéroport coincé entre la rivière et la ville. À sa vue on se dit que seuls les pilotes chevronnés ou inconscients doivent oser s’y risquer. Nombre de pilotes inexpérimentés y ont d’ailleurs perdu la vie. À l’évidence, ce pas un endroit pour y poser de gros avions de ligne. Ce sont plutôt les avions de brousse et appareils aux capacités ADAC qui y règnent, tels le DHC-6 Twin Otter, le Britten-Norman Islander ou encore le Cessna Caravan. Le pont piétonnier qui traverse la rivière au bout de l’aéroport constitue l’endroit idéal pour y observer les avions qui décollent ou se posent dans ce décor impressionnant.

Skagway 6

Skagway Twin Otter
DHC-6 Twin Otter à Skagway
Skagway Britten-Norman Islander
Britten-Norman Islander à Skagway
Skagway Cessna Caravan
Cessna Caravan à Skagway

Malgré la magnifique journée ensoleillée et les vents relativement faibles, je n’y ai vu aucun avion en action. Un peu déçu, je me suis tourné vers l’héliport situé plus près des quais, où il y avait davantage d’action. L’entreprise Temsco Helicopters y exploite une flotte d’hélicoptères américains Hughes 500 et Bell 212, mais aussi des appareils européens Eurocopter AStar 350 pour les vols touristiques au-dessus des glaciers et montagnes. Le renommé Glacier National Park, uniquement accessible par la voie des airs, fait la joie des ceux qui le survolent et s’y posent. Mountain Flying Service, une autre entreprise installée Skagway, offre également des vols d’observation vers les glaciers à bord d’appareils DHC-2 Beaver et qui y déposent skieurs et randonneurs.

Skagway Héliport
Héliport de Skagway
Skagway Héliport 2
Eurocopter AStar 350 à Skagway
Skagway Beaver
DHC-2 Beaver en Alaska

Avoir su à l’avance, j’aurais sans doute pris une journée de plus pour admirer la région du haut des airs, mais je devais prendre un vol de retour vers Québec tôt le lendemain matin à Whitehorse. Je me suis consolé en allant déguster un bon repas et une  bonne bière brassée localement à la Skagway Brewing Company ouverte en 1897 pour assouvir la soif insatiable des chercheurs d’or. La Spruce Tip Blonde aromatisée aux bougeons d’Épicéa de Sitka y est une spécialité unique. L’histoire dit que les bourgeons d’épicéa permettait à cette bière de contenir une bonne dose de vitamine C pour éviter le scorbut. Je soupçonne toutefois que les prospecteurs en consommaient en grande quantité pour d’autres raisons… car elle est excellente !  Mais pas d’abus pour moi, car je devais reprendre la route tout en me disant que j’aimerais bien revenir un jour à Skagway  pour m’envoler vers les glaciers !

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Approche de l’aéroport de Skagway – côté mer
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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Marcel
Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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