Vieille guéguerre entre l’Académie française et l’Office Québécois de la Langue Française : qui protège le mieux notre langue commune sans la freiner dans son évolution naturelle ? Et c’est clair que cette histoire d’avion-citerne ne risque pas d’arranger les choses puisque d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique Nord ce mot prend deux significations différentes. De ce fait un avion-citerne en français de France ne sera jamais un avion-citerne en français du Québec… ou alors moyennant des modifications vraiment importantes. D’ailleurs l’inverse est également valable.
Rappelons d’abord que le mot avion en lui-même n’est devenu un nom commun qu’au début des années 1920. Jusque là c’était un nom propre utilisé par le pionnier Clément Ader pour désigner certaines de ses machines volantes. Par antonomase il est donc entré dans le langage courant comme la poubelle l’a été par anthroponymie à la fin du XIXe siècle. On en vient donc à cet avion-citerne qui en français de France ou en français du Québec s’écrit de la même manière, c’est à dire avec un tiret entre avion et citerne. Et c’est bien ce second mot qui vient tout embrouiller entre Français et Québécois. Quelle acceptation entendre ici de la citerne ?
Pour faire simple l’avion-citerne en France désigne un avion doté de réservoirs permettant de transférer en plein vol du carburant à d’autres avions, qu’ils soient de chasse, de reconnaissance, ou encore de transport. Les plus célèbres actuellement sont l’Airbus Defence A330 MRTT européen, le Boeing KC-135 Stratotanker américain, ou encore l’Ilyushin Il-78 Midas russe. Pour nos amis du Québec un avion-citerne est un avion équipé de réservoirs destinés à transporter de l’eau ou du liquide retardant afin de combattre les feux d’espaces naturels. Les machines de ce genre les plus populaires sont le Canadair CL-215 et le Bombardier CL-415 tous deux canadiens ou encore le Beriev Be-200 russe.
Magie du jargon aéronautique et de la langue française le mot avion-citerne possède également des synonymes parfaitement compréhensibles d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique Nord. Pour l’acceptation française du mot on retiendra les expressions avion ravitailleur (sans tiret) et ravitailleur en vol ou encore le nom commun d’origine anglaise tanker. Vis-à-vis de son acceptation québécoise on ira plutôt vers avion bombardier d’eau ou parfois simplement bombardier d’eau. En fait que ce soit d’un côté ou de l’autre de l’océan le mot avion-citerne est désormais vieillissant, comme l’a été aéroplane dans les années 1920 quand le nom commun avion est entré dans le langage courant et dans les dictionnaires.
Le français est une langue vivante, et pour qu’elle le reste elle doit évoluer. Ses locuteurs et locutrices doivent l’accepter même si cela oblige à faire des concessions en faisant entrer des expressions là ou jadis existaient des mots composés. Vous ne croyez pas ?
Photos © Cal Fire et US Air Force
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11 Responses
Heureusement que les pays soient assez éloignés pour qu’un avion-citerne québecois ne ravitaille un chasseur français ou qu’un avion-citerne français ne déverse sa cargaison sur une forêt en feu au Canada 🙂
Je suis loin…..
En effet !!!
C’est écœurant (version Québéquoise)
Les subtilités du français de France et le français du Canada …
« Tantôt » en France veut dire en général cette après-midi.
« Tantôt » au Canada français veut dire plus tard … J’en ai fait les frais un jour dans un garage de Montréal !
On retrouve ces différences dans l’aviation, ce qui est intéressant.
La francophonie est un espace si bigarré ! Ailleurs, certains ne partagent pas sur la définition de « chasseur » non plus … Mais à un point presque comique.
https://www.avionslegendaires.net/2024/08/actu/non-le-burkina-faso-ne-va-pas-recevoir-de-chasseurs-de-la-part-de-la-russie/
Sa veut dire quoi sa avion citerne ? C’est du n’importe quoi.
Même dans l’AA l’appellation était galvaudée :la serie 200 des F1 était appelée ravitailleur alors qu’ils n’étaient que ravitaillables , de même avec les Transall C160 NG série 200 , du 201 au 215 ils étaient ravitailleurs et ravitaillables car on pouvait leur monter une nacelle de RVT et du 215 au 227 uniquement ravitaillables.
Un article très original et c’est pour ça que j’aime votre site. Vous passez facilement de sujets graves à des choses plus légères comme celui-ci. Bravo.
Les étatsuniens écrivent le mot « harbor » sans « u » tandis que les anglais l’écrivent avec un « u » « harbour » Ceux-ci n’en font pas un drame! Même attitude pour les espagnols et portuguais. Mais entre francophones d’Europe et d’Amérique le contexte diffère. Pardonnez-moi, Arnaud, si je fais une « montée de lait »[s’énerver, s’emporter] . « De l’autre côté de l’Atlantique, le Français renvoie parfois l’image d’un grand frère arrogant et intolérant, qui, à cause d’une langue et d’une histoire partagées, omet l’adaptation culturelle dont il faut normalement faire preuve à l’étranger. « (1) Au XX siècle la culture étatunienne, avec le cinéma et les autres médias, les deux guerres mondiales s’est répendue en Europe et à travers le monde. Avec la révolution tranquille des années 1960, le Québec a rompu avec ses valeurs traditionnelles et est devenu une société moderne ouverte sur le monde. Je partage le point de vue de Michelle Lin » Enfin j’aimerais répondre à la question : y’a-t-il un bon et un mauvais français? Le Québec étant une province canadienne, le français québécois est influencé par des facteurs différents du français de France. Il n’existe pas de « bonne version » d’une langue car la langue évolue pour s’adapter aux gens qui l’utilisent, c’est le principe d’une langue vivante. Ce sont les multiples variations d’une langue qui en font sa richesse. »(2)
1. https://www.lefigaro.fr/international/entre-admiration-et-mepris-comment-les-quebecois-jugent-ils-les-francais-20240413
2 .https://french-future.org/une-langue-differentes-variations-le-francais-en-france-et-au-quebec/#:~:text=La%20langue%20fran%C3%A7aise%20en%20France,langue%20de%20la%20nation%20enti%C3%A8re.&text=En%20plus%2C%20les%20accents%20et%20les%20voyelles%20sont%20diff%C3%A9rents.
Vous savez Simon qu’en français le mot « étatsuniens » est considéré par l’Académie comme péjoratif et même xénophobe.
Au Québec l’utilisation du mot « étatsuniens » n’est condidéré comme comme péjoratif comme en France! Sur le site officiel de l’Office québecois de la langue française « Comme le terme Américain désigne aussi une personne vivant en Amérique (du Nord, du Sud ou centrale), certains contextes ne permettent pas toujours de discerner clairement le sens donné à ce terme.
Les graphies en un seul mot, Étasunien et Étasunienne, Étatsunien et Étatsunienne, existent aussi et répondent à la tendance à la simplification de l’orthographe du français.
Le terme États-Unien correspond à la façon normale de dénommer les habitants d’un pays, en l’occurrence les États-Unis (forme elliptique pour États-Unis d’Amérique, plus largement utilisée que cette dernière), tout comme un habitant du Canada est un Canadien, et il ne présente aucune ambiguïté. Pour toutes ces raisons, l’emploi du terme États-Unien peut se justifier pour désigner un habitant des États-Unis. »(1)
1. https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/8870677/americain