Et si finalement le plus gros souci du SCAF s’appelait Dassault Aviation ?

L’avionneur clodoaldien sait faire de très bons avions, depuis le Mystère IV et jusqu’à l’actuel Rafale cela se vérifie. La question qui se pose désormais est de savoir si Dassault Aviation est en capacité de le faire en partenariat avec d’autres, en l’occurrence le groupe Airbus. Aux vues des récentes déclarations de son PDG devant le Sénat on est largement en droit de se poser la question. On en finirait presque par penser que l’avionneur français veut planter ce programme, au risque ainsi de jouer le jeu de la Chine et des États-Unis.

Alors que les Britanniques, les Italiens, et les Japonais ont déjà structuré la coentreprise Edgewing qui assurera la construction et la commercialisation du GCAP les Allemands, les Français, et les Espagnols en sont encore à se chamailler pour savoir qui conservera ses chasses gardées et ne partagera rien avec les autres. Car c’est bien ça le cœur du problème : Dassault Aviation refuse catégoriquement de partager ses informations et son savoir-faire avec Airbus Defence. Rappelons qu’en matière d’industrie aéronautique de défense ce dernier n’est pas un ignare. L’Eurofighter c’est en bonne partie des technologies allemandes et espagnoles, en plus des britanniques et des italiennes.

Alors bien sûr en France on sait toujours tout mieux que tout le monde. C’est d’ailleurs ce que nous reproche à peu près tout le reste de l’humanité. Aussi quand devant les sénateurs le PDG de Dassault Aviation indique : «La gouvernance Eurofighter consiste à faire une J.V. où tout le monde met sa propriété intellectuelle au milieu. On donne tout à tout le monde et puis on fait un avion qui finalement répond aux besoins de chaque industriel» on comprend qu’il persiste à voir le SCAF comme un Typhoon bis. À se demander s’il a compris les évolutions du monde, entre un futur Boeing F-47 qui fera tout pour détruire le GCAP et le SCAF et une industrie aéronautique chinoise qui galopent derrière les Américains et bientôt devant les Européens. Et donc les Français.

Bien sûr l’homme est intelligent. Il dirige Dassault Aviation depuis des années. Pour autant je ne suis toujours pas sûr que lui et ses équipes sachent vraiment jouer en équipe. Dassault Aviation, et avant cela Dassault-Breguet, n’ont jamais eu à produire leurs avions de combat en coopération. Il y a bien eu l’Alpha Jet mais c’était un avion d’entraînement et l’avion de ligne Mercure 100, codéveloppé avec certains partenaires européens, a été un énorme plantage commercial.

Tout n’est cependant pas perdu. La balle est dans le camp d’Airbus Defence. C’est aux Allemands et aux Espagnols de la jouer européens en s’écrasant devant les Français, devant Dassault Aviation. On remarquera qu’au niveau de la motorisation de l’avion les relations entre les partenaires sont bien meilleures, en même temps Dassault Aviation n’en fait pas partie. Et pourtant la France est représentée par le groupe Safran. Comme quoi dans l’Hexagone certains savent jouer en équipe…

Chez Dassault Aviation le modèle voulu c’est celui du drone stratégique nEUROn, dans lequel l’avionneur français était maître d’œuvre. En gros le constructeur français se voit capitaine d’équipe, mais un capitaine autoproclamé. Et en industrie, comme en sport, ça ne se passe pas comme ça. Un capitaine ça se désigne, par ses pairs.

Affaire (forcément) à suivre.

Illustration © Airbus


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

12 réponses

  1. Je pense que sur ce sujet il n’y aura pas de consensus ; tout le monde aura ses arguments pro-européens ou franco-français . En revanche l’article sur le F5 démontre que Dassault est largement à même de développer le vecteur NGF ; de même on constatera que le Panavia et l’Eurofighter sont des échecs commerciaux quant on regarde leur pourcentage d’appareils vendus à l’export par rapport aux appareils produits. Force est de constater que les aéronefs militaires européens qui ont été conçus conjointement ne se vendent pas ; l’histoire est là pour le prouver.

    L’exemple à ne pas suivre c’est l’Eurodrone … Sujet essentiel que j’avais oublié la France a t elle les moyens de dépenser 100 milliards d’Euros pour un appareil de 6 ème génération; au bout du bout qui paye .

    1. Euh Rondeau en quoi l’Eurofighter Typhoon serait un échec commercial ? En dehors de ses pays développeurs et constructeurs le chasseur européen a été vendu à l’Arabie Saoudite, à l’Autriche, à Oman, au Koweït, et au Qatar. J’ai beau cherché, l’échec commercial ne me saute pas aux yeux. Le chauvinisme pro Rafale c’est bien, l’honnêteté intellectuelle parfois c’est mieux. Donc non l’Histoire ne prouve ici que dalle !

        1. Les chiffres parlent d’eux même Rondeau quand ils sont vrais. Les vôtres sont bidons. Attention à ne pas balancer de telles contre-vérités si vous ne voulez pas vous retrouver en modération. Vos 55% c’est un lapin blanc, vous les sortez du chapeau d’un magicien. Idem pour vos 25%. Et ça j’en suis sûr et certain à 100%.
          Premier et dernier avertissement.

          PS : Ici le sujet c’est le SCAF pas le Rafale ou le Typhoon.

        2. Je vous avais mis en garde Rondeau vous avez visiblement voulu passer en force à 2h49, vous avez été modéré. Le sujet ici c’est le SCAF, pas le Rafale ni le Typhoon.

        3. Si l’on considère la réussite commerciale par le seul rapport marché national vs export, alors le F35 doit être un sacré flop commercial.

          Je pense que le SCAF va capoter à force. Si on finit par le faire seuls ça coûtera plus cher mais au moins il sera pleinement adapté à nos besoins

        4. Sauf Edouard que la France, qui adore donner des leçons d’Europe, ne peut plus exister sans ses partenaires. C’est fini le 20e siècle. Si Dassault Aviation est incapable de travailler en équipe cet avionneur est appeler à un sombre avenir.

  2. En fait sur ce dossier, j’aimerais savoir où est le coeur du problème:

    – La divulgation et le partage des brevets de Dassault Aviation dans une entité européenne ?
    – L’attribution de la gouvernance à une société (Airbus Defence ou Dassault) européenne ?

    Si c’est un problème de gouvernance et de maîtrise d’oeuvre, il est logique que Trappier se réfère au bilan Rafale pour Dassault et au bilan Eurofighter pour Airbus, que ce soit en termes technologiques, commerciaux ou financiers et de la capacité à exporter le SCAF.

    D’une façon générale, exonérer l’Allemagne de toute intention hégémonique sur le marché de la défense, est une thèse difficilement vendable.

    1. En France dès lors qu’on parle de Dassault Aviation les gens perdent toute forme d’objectivité. Ajoutons à cela une vieille germanophobie bien rance et on obtient le combo qui fera que de toutes manières l’avionneur clodoaldien plantera ses partenaires et ira ensuite pleurnicher que les Européens ne veulent pas travailler sous ses ordres.

  3. Il me semblait que le souci provenait de deux facteurs critiques avec des influences notables sur le devis de masse et la conception : le fait que le SCAF doit devenir le vecteur principal de la dissuasion française ET la version aéronavale, que les allemands, en tout cas, ne souhaitent pas financer. Les Espagnols, c’est peut-être moins sûr.
    Souci : on ne navalise pas un chasseur conçu primo-terrestre, ça ne fonctionne pas. Il doit d’abord être conçu en tant que tel comme une plateforme embarquée et l’on doit en tenir compte dès la conception.
    Ça influe sur la masse, les moteurs, et la structure.
    Ces divergences sont déjà à l’origine de la première scission qui a donné les deux eurocanards. Tout porte à croire que l’on va vers un bis repetita.

    1. Je saisis la balle au bond sur les divergences en ce qui concerne le devis de masse dû aux différences non conciliables des missions à faire effectuer à l’avion par les différentes armées des pays du projet.
      Dans un projet civil, c’est l’aspect vente qui prime, critère assez commun et qui ne s’arrête pas aux frontières entre pays.
      Je pense que la « résistance » de Dassault n’est pas due à la différence de technicité des ingénieurs/techniciens entre Dassault et Airbus Defence, vu qu’ils ont été formés par les mêmes écoles, en tout cas en ce qui concerne les français.
      Avec l’expérience que Dassault a acquis, elle sait très bien éviter d’embarquer dans des projets qui risquent d’aboutir à un mauvais résultat.
      Il est bon à rappeler que la conception d’un commence par la masse maxi à ne pas dépasser, tout le reste en découle.

  4. Bonjour à tous avec beaucoup de fraîcheur.

    Avec pas mal de retard, j’ai lu avec plaisir votre prose si juste…

    Aujourd’hui, vous avez fait ma journée, en reconnaissant que le nombrilisme de certaines entreprises françaises est souvent la règle qui les détruit par un conservatisme souvent technologique, mais surtout financier.

    Comme je l’ai déjà écrit ici si le Rafale ne, c’est pas mieux vendu dans les pays OTAN, c’est dû au nombrilisme de Dassault et de la DGA, qui a toujours refusé d’américaniser le Rafale, la France ayant signé le Traité de non-prolifération nucléaire, les bombes US sont déjà dans notre pays sous la garde d’une unité spéciale de l’armée US.

    Amicalement..

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