On pourrait croire à un sketch du « SAV des Émissions » de Fred et Omar, tellement le récit de cette histoire est rocambolesque. Imaginé donc : un pilote de l’USAF qui tient une visioconférence avec cinq ingénieurs de chez Lockheed pour tenter de sauver son avion en plein vol. J’y vois aussi une scène de film catastrophe, mais plutôt tendance nanar, quoique Hollywood n’est pas en reste pour les aberrations aéronautiques. Pourtant, c’est bien ce qui s’est produit au-dessus de l’Alaska, fin janvier 2025, lorsqu’un F-35A Lightning II s’est retrouvé prisonnier d’une avarie de train d’atterrissage. Les images spectaculaires de l’incident avaient déjà circulé à l’époque, mais l’enquête récente apporte désormais des détails inédits sur le rôle déterminant de cette assistance en visio et sur le caractère tout à fait singulier de ce crash, comme le relate CNN. Près d’une heure de dialogue technique, deux tentatives de manœuvres d’urgence, puis une éjection forcée : l’avion a fini en boule de feu sur le tarmac glacé de la base du grand nord. L’histoire ferait sourire si elle n’était pas révélatrice des fragilités d’un programme censé incarner l’apogée technologique de l’aviation de combat occidentale.
L’incident débute banalement, par une alerte au tableau de bord : le train avant refuse de se rétracter correctement après son décollage des piste de la base d’Eielson. Pire, lorsqu’il se bloque, l’avion croit qu’il est déjà posé au sol. Les capteurs, dupés, passent en « mode terrestre » automatique, privant la machine de ses réflexes de vol. Pour gagner du temps, le pilote accepte une solution inédite : se connecter à la mode « Zoom » ou « Teams » avec le staff de Lockheed-Martin. Dans un salon virtuel improvisé, cinq ingénieurs détaillent procédures, vérifications, contournements possibles. On imagine sans peine l’ambiance un poil stressante d’une telle réunion, où la moindre mauvaise manipulation pourrait condamner l’avion et laisser partir en fumée plusieurs centaines de millions de dollars.
Deux tentatives de « touch and go », par de brefs contacts avec la piste destinés à réaligner le train avant, n’y changent rien. Pire encore, les trains principaux finissent par se figer à leur tour, à cause d’un froid polaire qui transforme les fluides en solides. L’appareil, pris dans sa propre logique numérique, devient quasiment incontrôlable. Le pilote finit par s’éjecter, indemne, pendant que son avion poursuit sa chute dans une boule de feu. Neuf jours plus tard, un autre F-35 basé à Eielson connaîtra un problème similaire. Cette fois, l’avion réussit à se poser sans dommage, preuve que le facteur déterminant n’était pas seulement la panne technique, mais aussi la gestion en temps réel de l’incident.
À ce moment-là, c’est moins l’enquête que les images spectaculaires de l’éjection qui ont marqué l’opinion. Diffusées rapidement par plusieurs médias américains, elles montraient la fragilité d’un avion de 5ᵉ génération réduit à un bloc de métal incontrôlable tel un modele réduit ayant perdu la connexion avec son émetteur. Désormais, les investigations techniques permettent de dépasser le simple voyeurisme et d’éclairer le vrai caractère inédit de cet épisode : un appareil guidé en direct par ses ingénieurs, jusqu’à l’ultime impasse.
L’enquête révèle une cause assez archaïque du monde de l’aviation et aussi assez triviale : un tiers du fluide hydraulique aurait été contaminé par de l’eau, qui a gelé sous l’effet des températures extrêmes. Le bulletin d’entretien publié dès avril 2024 par Lockheed-Martin avait pourtant averti les unités dotés du Lightning II : en environnement arctique, les circuits hydrauliques nécessitent une surveillance renforcée. Mais entre recommandations théoriques et rigueur appliquée sur le terrain, la chaîne de maintenance n’a pas tenu. La défaillance n’est donc pas uniquement celle de la machine, mais aussi celle d’une logistique propre à l’USAF.
Dans ce drame évité de justesse, un symbole frappe : l’avion le plus avancé du monde, conçu pour la guerre en réseau et la supériorité aérienne du XXIᵉ siècle, réduit à un échange vidéo de dépannage improvisé, puis abandonné par son pilote. On voit d’ici le clin d’œil amer des anciens aviateurs, pour qui la robustesse mécanique comptait davantage sur la sophistication logicielle. À quoi sert la furtivité si l’on chute sur un simple gel de conduite hydraulique ?
L’histoire retiendra sans doute l’image paradoxale de cet accident : un pilote coincé dans son cockpit parlant en visio avec des ingénieurs à des milliers de kilomètres, eux-même cherchant à sauver un aéronef conçu pour dominer du ciel tous les champs de bataille… et terminant son entrainement sous un parachute, tandis que l’avion s’écrase sous lui. Derrière le spectaculaire, il reste une leçon intemporelle : la guerre des airs se gagne avec des avions fiables, pas seulement intelligents. Suivez mon regard 😉
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14 réponses
Les pilotes européens, notamment belges et suisses, sont prévenus : le service après-vente de Lockheed-Martin n’est pas exactement à la hauteur du prix unitaire d’un F-35A. N’est pas Darty qui veut…
Ce qui, n’empêchera, d’autre pays européen, l’Allemagne, de toujours acheter aux USA.
Incident tout à fait typique de la logique ou l’idéologie, qui veulent que la maintenance soit superflue et que nos super technologies ne tomberont, de toute façon, en panne que tous les 200 ans. Mais voilà, les géniaux concepteurs, du plus super génial des avions made in USA, ont tout simplement oublié que, même sur les F35, l’eau gèle.
Après la très belle image rafraîchissante du Rafale dans le Grand Nord publiée au début de l’été par Arnaud, il semble (n’ayant rien lu à ce sujet) qu’aucun événement fâcheux n’ait obéré les capacités de mission du Rafale par froid polaire.
Les incidents ayant impactés les 2 F35 d’Eielson par temps polaire sont quelque part un peu surprenants aussi, car en haute altitude il fait aussi -50°C et en subsonique, l’échauffement cinétique est considéré comme faible (voire négligeable). les fluides hydrauliques frelatés par la présence d’eau gèleraient tout autant en vol à haute altitude non ? (Question de béotien, je ne possède aucune compétence en thermodynamique des fluides). Cela ne s’est pas encore produit il me semble.
Le F35 est un avion éminemment compliqué à maintenir car tout, absolument tout, a été calculé au plus juste, cet avion est trop lourd. Je reïtère ici mes écrits qui ont failli me valoir une modération par Arnaud il y a quelques années lors de mes débuts sur le site (ce qui m’a fait fuir quelques temps). J’ai lu dans le magazine Air et Cosmos il y a peut-être 20 ans, que les ingénieurs de LM recevaient une prime pour chaque livre (pound, 254 g) gagnée lors de la phase de conception de cet avion. Je m’en souviens très bien car cela m’a vraiment marqué, et je suis incapable d’inventer cela. C’est aussi pourquoi la plupart des (nombreux) problèmes endémiques qui touchent cet avion sont insolubles: il n’y a pas de marge pour des modifications ultérieures (en tout cas à coûts raisonnables, doux euphémisme pour le F35).
Pour infos Soleil Levant la photo du Rafale en question n’a pas été dénichée par moi mais bel et bien par Gaëtan : https://www.avionslegendaires.net/2025/07/actu/un-rafale-rafraichissant/
Rendons à César ce qui appartient à Gaga.
Bon ben pour la peine je vais durement m’infliger une punition: acheter 2 posters de la dernière fournée: Rafale B du 2/4 Lafayette (magnifique) et les cocardes (extra)…
Edit: C’est fait… Ouch! Ça fait mal quand même 😉
Et une livre (pound) c’est 454 g, scuzi…
Alors ce genre d’autoflagellation me convient parfaitement 😉
Salut,
Mes connaissances en thermo sont aussi limités mais les différences de pression entre de la basse altitude et la haute altitude permettent peut être de compenser les écarts de températures ?
En tout cas cet incident nous rappel que les meilleurs des technologies ne pourront jamais permettre d’éviter les simples (et bêtes) erreurs humaines…
Comme je disais souvent, on a beau une machine super intelligente mais si elle ne perçoit pas la réalité, elle donnera des erreurs, voir pb de tubes Pitot qui avait conduit au crash de l’A-330.
Pour détecter si l’avion est au sol, ils auraient pu se baser aussi sur la variation de l’altitude l’avion et/ou comparer cette dernière avec celle du sol de la zone.
Sinon avoir de l’eau dans les circuits hydrauliques n’est pas top à cause de la corrosion.
Bonjour James et à tous les passionnés,
je suis pas sûr qu’à ce jour les (gros) problèmes connus de fusion des données du F35 aient été résolus.
Quant à la tragédie absolue du vol AF440, le givrage des sondes pitot peut certes aboutir à une indication de vitesse erronée, mais un avion de ligne dispose d’autres moyens pour connaître sa position et sa vitesse (GPS et autres systèmes satellitaires dédiés). L’avion chutait de 4000 m /minute. Impossible de ne pas sentir cela « aux fesses » et il me semble que l’enquête à conclut logiquement à, une lourde responsabilité des pilotes. Lorsque j’ai passé mes qualifs (au treuil et remorqué) emport passager pour le vol à voile , l’instructeur avait scotché tous mes instruments en me disant « tu voles au plan et aux fesses ». Après nous être éloignés du terrain (les Alpilles) il a sorti plein AF (aérofreins) et m’a dit « tu rentres!. C’est pour simuler un passager qui tire et s’aggrippe tétanisé à la commande d’AF (du vécu…). Demi-tour et posé plein travers sur la piste… Chesley Sullenberger « Sully » qui fit amerrir l’A320 sur l’Hudson a commencé par le vol à voile (et instructeur à 15 ou 16 ans je ne sais plus) => sacré toucher de manche… Désolé pour l’HS.
@Soleil Levant
Pour le pilotage, très lié à l’aérodynamique, c’est la vitesse p/r à l’air qui compte et seules les prises de pression via les tubes Pitot peuvent la fournir, notamment pour détecter le décrochage.
D’autre part, piloter aux fesses suppose que le pilote puisse agir directement sur les commandes des gouvernes, ce qui n’est plus le cas des avions à commandes de vol assistées par ordinateur, les ordres du pilote sont traduits en signaux électriques ou numériques et ce sont les ordinateurs qui suivant les conditions autour de l’avion à cet instant « adaptent » ces ordres aux actionneurs.
Il faudrait prévoir en secours un mode dégradé où le pilote puisse agir directement sur les gouvernes.
Une autre preuve, s’il en fallait une, que le travail de maintenance des mécanos et techniciens est cruciale pour le bon fonctionnement d’un avion. Une erreur de débutant !
Pour avoir été mécano sur MIR IIIR et MIR F1CR, je ne vois pas comment le froid peut avoir facilité la pollution du circuit hydraulique…. En principe ce circuit est étanche. La pollution ne peut venir que d’une opération de maintenance mal faite. En effet lorsqu’on branche un groupe de pression hydraulique pour des essais au sol, il faut le faire tourner à vide un long moment pour sa dépollution aux particules et à l’eau. Ensuite on peut mettre l’avion « sous pression »… La logique informatique interne n’a fait qu’empirer la situation, car ne comprenant pas le vol de l’avion.
Il s’est passé la même chose avec le crash de l’A320 d’Habsheim en Alsace. Le pilote à voulu faire un passage bas, train sortit basse vitesse; conclusion le système pensait que le pilote se posait…. La remise des gaz ayant été trop tardive le crash était inévitable…
Cet article m’a irrésistiblement fait penser à l’histoire d’Apollo 13. Là aussi, une équipe d’ingénieurs s’est démenée au bout du micro pour identifier et résoudre les problèmes. Heureusement, ils y sont arrivés, parce qu’il n’y avait pas de plan B.