Une Alouette III chez les pompiers de Paris

Si vous passez par Paris et son Hôtel de Ville vous ne pourrez bien entendu pas raté l’exposition* sur le cinquantenaire de la fondation de la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris, véritables héros du quotidien de la capitale. Quel rapport avec l’aviation me direz-vous ? J’y viens justement. Car parmi les nombreuses anecdotes racontées figure celle du seul et unique hélicoptère utilisé par la BSPP entre 1968 et 1972 avant que l’appareil ne soit rétrocédé à la Préfecture de Police. Cet appareil était un monoturbine Sud Aviation SA-316B Alouette III, déjà porteur de la célèbre livrée rouge.

Si l’Eurocopter EC145 codé Dragon 75 est désormais bien connu des Franciliens (et un peu aussi de nos lecteurs) entre autre en raison de ses missions conjointes avec les pompiers de Paris il faut en effet savoir que la Brigade posséda un temps son propre appareil. Cette Alouette III fut livrée au cours du printemps 1968, à une époque où les Parisiens avaient autre chose à faire qu’à regarder le ciel et les grosses machines bourdonnantes qui y volaient.

En fait, la décision d’affecter cet hélicoptère relevait notamment de la décision prise en janvier 1967 d’étendre les missions de lutte contre l’incendie et de secours d’urgence à la majorité des communes des trois départements de la Petite Couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, et Val de Marne) et non plus uniquement à Paris intramuros.
Il fallait donc pour les pompiers de Paris, et notamment son infirmerie centrale basée à Port Royal dans le quatorzième arrondissement, disposer d’un moyen d’évacuation médicale très rapide. L’hélicoptère était alors le moyen ayant le vent en poupe. Pour mémoire à cette époque le premier secours n’était pas encore à la charge des soldats du feu parisien mais bel et bien des gardiens de la paix de la Préfecture de Police, la fameuse mission de police-secours.

Afin de la rendre plus reconnaissable l’Alouette III en question, immatriculé F-ZBDC, fut intégralement repeinte en rouge… pompier. Cependant n’ayant aucun moyen de la baser dans un de ses centres de secours (à Paris on ne parle en effet pas de caserne) la BSPP dut se résoudre à l’installer sur l’héliport d’Issy-les-Moulineaux à flanc de boulevard périphérique. C’est donc de là qu’elle allait devoir prendre les airs, ou comme disent les soldats du feu parisiens qu’elle allait décaler.

Et force fut de constater qu’elle n’allait pas tant décaler que ça. Certes l’Alouette III était un formidable outil d’évacuation sanitaire mais elle demeurait rare dans le ciel de Paris et de ses alentours, la BSPP rechignant à l’époque à la mettre au service d’autres composantes étatiques. Les brouilles à son sujet étaient alors régulières avec la Préfecture de Police. Il faut dire que Dragon 75 n’existait alors pas et que la guéguerre Police Nationale – Gendarmerie Nationale était repartie de plus belle après mai 68. Donc impossible pour les policiers parisiens de demander des Bell 47, Alouette II ou encore III bleues.

Du temps de son service au sein de la BSPP…

L’une des anecdotes qui illustre le mieux le rôle pour le moins bancale de l’Alouette III des pompiers de Paris remonte au 19 janvier 1969. Ce matin là deux militants pacifistes de la cause vietnamienne avaient accroché leur drapeau à la flèche du transept de Notre-Dame. À 96 mètres au-dessus de l’île de la Cité il fallait aller décrocher l’étendard. Si aujourd’hui on enverrait les policiers d’élite de la BRI ou du RAID ou les pompiers surentraînés du GRIMP à l’époque il en était tout autrement, ces unités n’existaient pas encore. L’Alouette III prit alors les airs avec deux membres de l’équipe spéciale de gymnastes de la Brigade qui suspendus à un filin d’acier accroché au treuil métallique allèrent arracher tant bien que mal le drapeau asiatique. La cathédrale parisienne pouvait désormais retrouvé sa sérénité… et ses milliers de touristes quotidiens.

À la fin de l’année 1972 l’hélicoptère fut finalement versé à la Préfecture de Police qui en 1975 le rétrocéda à la Sécurité Civile où il devint le premier Dragon 75. Entre 1972 et 1975 elle vola aussi bien pour les besoins des pompiers que de la police, et même pour les déplacements personnels (officiels ça va de soit) des différents préfets de police qui se succédèrent à l’époque. C’est avec cet appareil que les policiers parisiens développèrent le concept de comptage aéroporté des manifestants, une technique depuis reprise dans le monde entier.

… et après son changement de propriétaire.

Si vous souhaitez voir cette Alouette III pour de vrai, elle est préservée de nos jours mais loin de la capitale. C’est en effet dans le petit musée aéronautique de Saint-Victoret dans les Bouches-du-Rhône que l’hélicoptère est exposé, aux côtés d’un Tracker bombardier d’eau. Un autre héros de la lutte anti-incendie.

* Jusqu’au 29 avril 2017, entrée gratuite.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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