Robert ESNAULT-PELTERIE

Pionnier et théoricien de l’Aviation et de l’Astronautique

La biographie de Robert Esnault-Pelterie est décomposée en 2 parties :


 

Le pionnier de l’aviation et le constructeur d’avion

Robert Esnault-Pelterie en 1909 Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis
Robert Esnault-Pelterie en 1909
Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis

Né en 1881 dans une famille de grands industriels du textile, Robert Esnault-Pelterie très jeune est passionné par toutes les techniques prenant leur essor en ce tournant du siècle. La deuxième révolution industrielle bat son plein avec l’électricité et ses conséquences, la chimie, les cycles, l’automobile et bien sûr la certitude que l’on allait bientôt vaincre la 3e dimension : le vol humain.

C’est le siècle des machines et des inventions. Des revues détaillent à longueur de colonnes les découvertes les plus diverses. Tout paraît possible même si la vie quotidienne des plus modestes est encore peu touchée, sauf par le réseau de voies ferrées qui révolutionne les communications.

Le jeune Robert, parallèlement à des études scientifiques qui avaient révélé ses talents pour les mathématiques (bien qu’ayant raté Centrale) se consacre à son laboratoire privé de physique et de chimie que son père lui a permis d’installer dans un appartement. Il fait des études d’agronomie mais ce sont les machines qui le passionnent, et la fortune paternelle lui permet de s’y consacrer bientôt à plein temps.
C’est un véritable chercheur. Il théorise, met en équations, élabore un modèle qu’il vérifie expérimentalement. C’est la méthode scientifique, celle de Claude Bernard, Pasteur…

Il a le niveau suffisant pour appréhender les théories les plus complexes comme celle de la Relativité. Ce n’est pas un « bricoleur de génie » comme tant d’autres pionniers de l’aviation. C’est un scientifique, mais qui expérimente lui-même.

Un grand pionnier de l’aviation : le premier monoplan

Depuis 1898 il calcule et dessine des « avions », terme employé par Ader. Les premiers pionniers ont défriché le terrain : planeurs (Lilienthal) moteur à vapeur (Ader) théorie du vol (Chanute). En 1903 les frères Wright volent mais cachent leur appareil.

Il calcule par diverses expériences l’énergie nécessaire au décollage : char à voile puis grand cerf-volant qui le fait décoller accidentellement. Et il découvre que ce qui manque le plus aux planeurs de l’époque, c’est un moteur suffisamment léger et puissant.

Rep_5cyl_3Esnault-Pelterie prend un brevet pour une turbine à explosion à propulsion intermittente, préludant à ce qui s’appellera un pulso-réacteur. Il reviendra d’ailleurs plusieurs fois sur ces recherches et rencontrera l’ingénieur Rateau, inventeur du turbocompresseur. Mais toutes les recherches de ce genre butent sur la résistance des matériaux.

Il se tourne vers les moteurs à explosions, bien connus dans l’automobile (d’ailleurs il dépose plusieurs brevets dans ce domaine) et pour les alléger il invente le moteur en étoile. Celui-ci n’a pas de carter ni de système de refroidissement liquide. Mais le problème de lubrification des cylindres du bas lui font mettre ses cylindres en haut, en une puis deux rangées.

REP1-02Les exploits des frères Wright commencent à être connus et il veut vérifier leurs résultats. Cependant il ignore beaucoup de choses. Il en déduit que c’est leur science du vol plus que leurs innovations qui les distingue. Ne sachant pas ce qui les fait tourner (gauchissement des ailes) il invente … les ailerons.

Il suit une autre voie : il étudie et construit un monoplan, ce qui est rare à l’époque. Il l’achève en 1907. Une toile caoutchoutée est tendue sur une armature bois-acier-aluminium. Tout y est original : train monotrace avec roues de stabilisation en bout d’ailes, 2 leviers de commandes pour l’assiette et la direction. Le pilote est bien assis dans un baquet entre les ailes. Il ressemble vraiment à un avion, pas à une de ces nombreuses « cages à poules » où le pilote est en équilibre sur de frêles échafaudages.

Le REP 1 de 1907 au musée des Arts et Métiers Paris
Le REP 1 de 1907 au musée des Arts et Métiers Paris

Il essaie lui-même son aéroplane sur le terrain privé de Buc (qui deviendra l’aéroport de Toussus-le-Noble) le 19 octobre 1907. Les essais sont difficiles : à cette époque il faut apprendre à voler, à se servir de ces machines fragiles et capricieuses. Il vole peu car il théorise d’abord. Son avion est bien sûr instable, mais ils le sont tous à l’époque.

Un industriel de l’aviation

Il le perfectionne sans cesse, ajoute une dérive verticale au dessus de la queue, un amortisseur oléopneumatique, un moteur plus puissant de 70 ch., un nouveau centrage et surtout, ce qui restera comme la grande invention de Robert Esnault-Pelterie, un levier vertical omnidirectionnel qui permet de piloter instinctivement. On n’a pas trouvé mieux en un siècle d’aviation : c’est le fameux « manche à balai » ou en anglais « joystick ». Il invente aussi la ceinture de sécurité élastique, qui lui sauve la vie en 1908.

Salon de la locomotion aérienne 1908
Salon de la locomotion aérienne 1908

Au premier salon de l’aéronautique du Grand palais, encore couplé à l’Automobile, REP triomphe. Il reçoit la médaille d’or du prix des ingénieurs en 1908. Wilbur Wright vient le voir. Mais il ne restera pas dans l’Histoire comme un des plus grands noms des débuts de l’aviation car il se disperse : recherches sur l’Automobile (entre autres), perfectionnisme, manque de pratique car il ne vole plus après l’accident et doit former des pilotes. Théoricien imbu de sa supériorité et de l’antériorité de ses découvertes, il a peu de rapports avec les autres aviateurs.

Il ne fait aucune grande première. Ah s’il avait traversé la Manche ou la Méditerranée ! Mais Blériot, Latham, Roland Garros sont des risque-tout et se posent moins de questions. Si au moins Blériot avait gardé le moteur REP sur son Blériot XI ! Mais il change au dernier moment pour l’Anzani plus fiable. Et en plus, il manque de chance : au grand meeting de Champagne ses pilotes manquent d’expérience et… s’embourbent avec leur train monotrace dans la boue.

Il installe cependant une véritable usine à Boulogne sur Seine dans laquelle il fabrique moteurs et cellules.
Mais il en vend peu. Ce n’est pas un commerçant. Ses avions sont peu fiables car ils ne sont pas très au point et il les améliore sans cesse. Pas de normalisation comme chez Blériot.

Un constructeur qui ne parvient pas à s’imposer

Le REP type D en 1910 abandonne le train monotrace et est doté d’un nouveau moteur à 5 cylindres. Son pilote Bournique bat le record de l’heure (79km) avec passager et remporte la coupe Deperdussin (100 km en 1h16).

Carte photo aéroplane monoplan REP Robert Esnault-Pelterie salon aéronautique 1910
Carte photo aéroplane monoplan REP Robert Esnault-Pelterie salon aéronautique 1910

Cet avion est plus fiable et plus résistant que les autres aux intempéries. Au 3e salon de 1911 Robert Esnault-Pelterie expose trois avions et met au point un « hydro aéroplane ». Depuis le vol du premier hydravion de Fabre sur l’étang de Berre c’est la mode et tout le monde en fait. Ses participations aux concours aériens et aux expositions attirent l’attention, ainsi que son usine qui est visitée par de hautes personnalités. Mais il ne vend que très peu d’avions. Il a peu d’appuis politiques, rate le principal marché qui s’ouvre brusquement lorsque l’armée française prend conscience de l’utilité de l’aviation. Il faut dire qu’on est dans la préparation de la revanche et qu’il s’agit de ne pas se laisser dépasser par l’ennemi héréditaire !

Lorsque les appareils REP deviennent fiables, Blériot, Farman, Morane, le motoriste Gnome avec son moteur rotatif ont remporté l’essentiel des marchés. Il ne vend que quelques unités par an. Il faut dire que les monoplans REP sont plus de deux fois plus chers car mieux finis et produits sans standardisation.
La malchance le poursuit : deux de ses appareils militaires s’écrasent par décollement de la toile : un fournisseur négligent n’avait pas fourni la bonne colle ! Deux officiers tués ! Il tente de réagir en proposant à l’armée un appareil à aile haute comme le Morane parasol, pour améliorer la visibilité de l’observateur (l’armée n’envisage pour le moment que l’activité d’observation pour ses avions), et même un avion blindé. Mais là, il a une guerre d’avance !

Reste le marché à l’exportation. REP est connu par ses brillantes conférences et grâce à ses relations. Mais il ne sait pas exploiter les opportunités : il vend la licence de fabrication à Vickers en Angleterre au lieu de créer sur ce marché porteur une filiale comme Blériot. Vickers en tire vite des modèles à lui et devient un concurrent, avec l’avenir qu’on lui connait. Robert Esnault-Pelterie voyage en Russie, brille par ses conférences, rencontre les grands de ce monde (roi d’Espagne, Grand duc de Russie) mais ne vend rien ou très peu. Il faut le début des crises balkaniques pour qu’il exporte quelques machines en Turquie et en Serbie.
En 1913, il a 32 ans. Il renonce à la création d’avions car il y a perdu une bonne partie de la fortune familiale. Ses productions n’ont jamais gagné d’argent. De toute façon, fils d’industriel, il n’a pas la « fibre ». C’est la recherche qui l’intéresse. Toute sa vie il déposera des brevets à un rythme incroyable, et pas seulement en aviation.

Un industriel de guerre

Les quelques REP vendus à l’armée constituent deux escadrilles, et comme c’est la règle en 1914 on appelle ces groupes du nom des constructeurs : REP 15 et 27. Peu pratiques pour l’observation, ils volent par tous les temps mais se consument vite dans le monstrueux conflit.

Escadrille REP 15 devant un REP K Archives Musée de l'Air d'après ouvrage de Felix Torres et Jacques Villain : Robert Esnault Pelterie
Escadrille REP 15 devant un REP K
Archives Musée de l’Air d’après ouvrage de Felix Torres et Jacques Villain : Robert Esnault Pelterie

Millerand le ministre de la guerre normalise les achats de l’Etat : Farman, Caudron et Morane seulement. Cependant il confie à Robert Esnault-Pelterie la construction d’une usine loin du front. Il la crée à Lyon et il y fabrique, non sans avoir l’impression de déchoir, des biplans Caproni (CEP 1 B2), des Voisin et des Sopwith. Cette usine fera travailler 1000 ouvriers en 1918.

Parallèlement il se consacre à l’organisation de la production de guerre à la tête de la Chambre Syndicale des Industries Aéronautiques. Mais après le conflit, il abandonne définitivement la construction d’avions.
C’est une nouvelle vie pour lui. Il regarde plus loin, plus haut. Vers l’espace !

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Bernard
Bernard
professeur d'Histoire, à la retraite depuis peu mais passionné d'aviation depuis toujours, et en particulier bien sûr d'histoire de l'aviation.
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