Quand elle nait le 26 avril 1896 rien ne prédestine Sébastienne Guyot à entrer dans l’histoire de France. Excellente élève de l’école communale de Pont-l’Abbé dans l’ouest de la Bretagne elle obtient facilement son certificat d’étude et peut entrer au lycée. Elle est la seule membre de sa famille à suivre de telles études, son père est alors gendarme et sa mère lavandière. Son enfance est modeste mais heureuse.
À 17 ans elle obtient le baccalauréat et un an plus tard Sébastienne Guyot devient institutrice. Mais en cette année 1914 synonyme de Première Guerre mondiale la jeune femme a déjà d’autres idées en tête. Elle se rêve ingénieure et aviatrice.
L’année de son baccalauréat son père l’a emmené voir des aéroplanes à Brest et elle n’a plus qu’une idée en tête : en concevoir et en piloter. En 1917 à peine majeure elle démissionne de son poste d’institutrice et s’inscrit aux cours préparatoires de l’école Centrale. Elle rejoint donc Paris. Après une année passée place de Clichy au prestigieux lycée Jules Ferry elle intègre l’école d’ingénieurs. Sébastienne Guyot figure parmi les sept premières jeunes femmes à avoir le droit d’y entrer. Elle est alors la seule d’origine modeste.
Passionnée d’aviation et de mécanique elle travaille sans compter ses heures et enfin en juin 1921 à l’âge de 25 ans elle est diplômée. Troisième femme au classement et quarante-cinquième sur l’ensemble des étudiants elle est immédiatement courtisée par les entreprises.
Dès sa sortie de Centrale elle rejoint les rangs de l’avionneur Farman. Mais Sébastienne Guyot a la bougeotte. Lors d’un séjour en Bretagne chez ses parents la jeune ingénieure leur apprend qu’elle s’est inscrite à un club d’athlétisme. Ils ne comprennent pas, croyant cela réservé aux hommes. Peu importe elle aime courir. En 1924 à l’âge de 28 ans Sébastienne Guyot devient championne de France de cross-country. Elle conserve son titre en 1926. En parallèle elle s’essaye au demi-fond et obtient sa qualification pour les Jeux Olympiques qui en 1928 se tiennent à Amsterdam. Finaliste du 800 mètres elle obtient la médaille d’argent derrière l’Allemande Lina Radke-Batschauer.
Son travail chez Farman n’en pâtit pas, bien au contraire. Plus elle fait de sport plus Sébastienne Guyot est productive. Sa spécialité dans la transmission mécanique ne la place pas forcément sur le devant de la scène mais dans le microcosme aéronautique parisien tout le monde connait son nom. À l’automne 1928 elle est débauchée par Lioré et Olivier.
Sa carrière d’ingénieure va alors connaître un essor total. Elle est nommée cheffe de bureau de recherches et d’études aéronautiques, devenant la première femme en Europe à atteindre ce stade chez un avionneur. Elle dirige la conception de l’hydravion commercial Leo H-24 et de ses dérivés Leo H-242 et Leo H-246 qui feront les riches heures de Lioré et Olivier jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Puis elle codéveloppe le bombardier torpilleur Leo H-25 et l’hydravion de reconnaissance Leo H-43. Sébastienne Guyot est, au déclenchement des hostilités en 1939 une des femmes les plus influentes de l’aviation française.
Quelques années plus tôt elle a décidé de fonder un bureau d’étude dédié aux voilures tournantes, autogires et hélicoptères au sein de la Société Nationale de Construction Aéronautique du Sud-Est, fruit des nationalisations du front populaire. Sébastienne Guyot croit farouchement à ce type de voilure et elle obtient de l’ingénieur hispano-britannique Juan de la Cierva une licence de production pour son autogire C.30 appelé Lioré et Olivier puis Sud-Est C.302.
On pourrait alors se dire qu’entre l’athlétisme de haut niveau et son travail très prenant d’ingénieure elle pourrait en rester là. C’est mal la connaître. Sébastienne Guyot est depuis 1932 titulaire d’un brevet de pilote professionnelle. Elle possède d’ailleurs son propre avion, un petit monoplan à aile basse biplace en tandem Farman F.231. Elle se sert de celui-ci notamment pour ses déplacements personnels, entre autre quand elle rend visite à sa mère et à ses frères dans le Finistère. Son père mort en 1930 ne l’a jamais vu piloter.
Quand la guerre éclate en septembre 1939 elle rejoint le service de l’État comme cheffe ingénieure. Après la défaite de mai 1940 elle fonde un groupe de résistance avec d’anciens élèves centraliens et remet des renseignements aux services secrets britanniques.
Lors d’une tentative d’évasion au profit de son jeune frère arrêté par la Wermacht Sébastienne Guyot est arrêtée par la Gestapo. Torturée pendant des jours puis incarcérée six mois à la prison de Fresnes elle en ressort fin juin 1941 pour raisons de santé. Elle ne doit alors sa survie qu’à son amie et ex concurrente Lina Radke-Batschauer qui intervient personnellement auprès des nazis pour plaider la cause de l’ingénieure française. Très affaiblie elle reprend pourtant ses travaux d’espionnage tout en incitant les ouvriers et ingénieurs de Sud-Est à la désobéissance envers les troupes allemandes.
Elle s’éteint le 22 août 1941 à l’âge de 45 ans.
Unique femme figurant sur le monument aux morts de l’école Centrale de Paris (aujourd’hui Centrale SupÉlec) elle a été médaillée de la Résistance française à titre posthume en 1944 par décret du général De Gaulle.
Une allée de l’université Toulouse-III-Paul-Sabatier formant de nombreux ingénieurs en aéronautique porte le nom de Sébastienne Guyot. Une rue porte également son nom à Nantes, non loin du pôle universitaire. Ainsi elle demeure dans la lumière, elle qui de son vivant n’a jamais cessé d’impressionner ses entourages, personnels et professionnels.
NDLR : Sébastienne Guyot n’a apparemment aucun lien de parenté avec la célèbre aviatrice Virginie Guyot.
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