Que s’est-il réellement passé à bord du vol FPO216 d’Europe Airpost ?

Depuis quelques jours c’est l’effervescence sur les réseaux sociaux. Un biréacteur de ligne Boeing 737 de la compagnie aérienne Europe Airpost aurait subi un atterrissage d’urgence particulièrement chaotique lors d’une liaison entre la Croatie et la France. Les faits remonteraient au 23 août 2014 mais n’auraient été révélés par la presse quotidienne régionale que le 6 septembre. Sauf que la compagnie aérienne en question minimise grandement l’incident. Alors que s’est-il réellement passé lors de ce vol. Essayons d’y voir plus clair.

Sur les faits l’avion devait décoller ce samedi 23 août 2014 à 14 heures depuis l’aéroport croate de Split à destination de Nantes. Il faut souligner qu’il n’y a pas de décalage horaire en été entre les deux pays. Pour des raisons mal expliquées le biréacteur n’a pas pris les airs avant 15 heures 15 avec une partie des passagers prévus manquante. Au bout d’environ une demi-heure de vol environ le commandant de bord a annoncé un problème mineur au niveau d’un des réacteurs de l’avion. Ensuite de quoi l’avion s’est posé sur le tarmac de l’aéroport italien de Venise, relativement sans encombre puisque les 147 passagers et membres d’équipages de l’avion étaient sains et sauf. Hormis une bonne trouille largement compréhensible.

Le souci c’est que les versions divergent grandement entre le passager qui a rapporté les faits aux journalistes de La Nouvelle République et les porte-paroles d’Europe Airpost. Concernant le premier de ceux il indique dans son interview que le commandant de bord aurait signifié aux passagers  les mesures à tenir en cas d’amerrissage d’urgence, leur intimant notamment l’ordre d’enfiler les gilets de sauvetage qui se trouvent sous tous les sièges des avions de ligne actuels. Une mesure de sécurité qu’on peut comprendre extrêmement anxiogène surtout en cette période de « série noire » dans l’aviation civile. Après quoi il aurait déclaré qu’il restait à peine « six minutes de vol avant le crash ». Toujours selon ce témoin une partie du personnel navigant commercial aurait manqué de professionnalisme.

De son côté la compagnie aérienne relativise énormément l’incident, ne niant pas la panne moteur, mais réfutant les allégations liées au manque de professionnalisme de l’équipage, que ce soit le commandant de bord ou les PNC.
Les porte-paroles d’Europe Airpost insistent sur le fait qu’aucun incendie ne s’est déclaré suite à cette panne moteur et que toutes les conditions étaient réunies pour que l’avion se pose sans encombre en Italie.

Alors qui dit vrai et qui ment dans cette affaire ? À mon humble avis un peu tout le monde, même si je doutes qu’il y ai réellement eu de mensonge dans cette mésaventure. Certes la compagnie aérienne a tout intérêt à minimiser l’affaire surtout si un ou plusieurs membres de son équipage a manqué pendant un temps (même court) de professionnalisme, mais il ne faut pas oublier que le passager en question, avocat au barreau de Blois de son état, n’est nullement un expert des questions aéronautiques. Quand il rapporte aux journalistes qu’il a vu la mer se rapprocher je rétorque que c’est entièrement vrai et tout à fait normal, l’aéroport de Venise étant installé au bord d’une lagune. Quiconque s’est déjà posé sur cet aéroport peut également rapporter qu’on survole un peu l’eau lors des phases d’approche, notamment en cas d’hippodrome. Et ce n’est pas le seul aéroport dans ce cas, en France ceux de Nice-Côte d’Azur et Hyères-Toulon sont dans le même cas, les approches de ce dernier se faisant même au-dessus de la presqu’île de Giens.

Au final on peut se dire que chacun a vécu les péripéties du vol FPO216 comme il l’entendais. Le passager interviewé a très certainement eu très peur, pour lui mais également pour son épouse et ses deux enfants présents, mais à priori aux vues de ses déclarations à la presse il ne semble pas que techniquement il y ai eu de manquement à la sécurité. Après ses déclarations quand aux mots du commandant de bord devraient être corroborés par d’autres témoins pour être valables.

Il est peut être nécessaire d’expliquer qui est Europe Airpost. Malgré un nom très anglophone c’est une compagnie aérienne française basée sur l’aéroport francilien de Roissy-Charles de Gaulle. Sa flotte se compose exclusivement de biréacteurs Boeing 737, assez récents dans l’ensemble dont quelques avions de transport de fret. Europe Airpost est membre du SCARA (le célèbre Syndicat des Compagnies Aériennes Autonomes) aux côtés d’autres « petites » compagnies aériennes françaises telle notamment Aigle Azur.  Elle assure un maillage de vols commerciaux importants entre des plateformes de province et l’étranger, mais également des vols intérieurs parfois jugés peu rentables par ses concurrentes.

Loin de moi l’idée de faire le procès (stalinien) de l’équipage, de la compagnie, du passager interviewé, ou des journalistes. Seulement voilà depuis quelques jours cette non-affaire fait le buzz sur internet et même jusqu’au journal télévisé alors qu’en fait cela n’aurait pas du dépasser un entre-filet dans un petit canard local. Alors ce qui s’est passé à bord de ce vol, ou ce qui ne s’y est pas passé, nous interroge sur quelque chose de plus grave : la confiance. Celle que chaque passager doit à son transporteur mais aussi celle que les compagnies aériennes doivent à leurs clients.

En ces périodes de suspicions permanentes chacun y va de sa petite explication. Factuellement la confiance semble avoir été altérée, et malheureusement durablement entre ce passager et Europe Airpost. Pourtant il semble en bonne santé générale, sa famille aussi, ainsi que l’ensemble des passagers et membres de l’équipage de Boeing 737. Alors quoi ? La compagnie est-elle en tort de ne pas avoir fait un acte de contrition envers ce consommateur ? Aurait-il du être indemnisé pour le choc ressenti ? A t-il un ressentiment envers la compagnie aérienne ? Peut-être un peu de tout cela.

Toujours est-il que la réaction épidermique de ce passager, dont je ne doute nullement de la bonne foi, démontre bien que les clients des compagnies aériennes ont oublié un facteur essentiel lié à l’aviation commerciale. Il n’y a rien de normal au fait que des êtres humains voyagent dans une boite en ferraille à laquelle on a greffé des ailes et des réacteurs. L’aviation civile est tellement entrée dans une ère de normalité qu’on en oublierait presque que le vol humain demeure un exploit de chaque instant. Technologique de la part des avionneurs et motoristes, et humain de celle des pilotes. Aujourd’hui on prend en France l’avion comme on prend le train, le métro, ou le tram. En oubliant généralement qu’à la différence de ces machines un avion peut tomber. Et que généralement dans ces cas là, ça fait très mal.

Tout ça pour dire que cet incident a pris des proportions incroyables, à mon sens bien au-delà de ce qui aurait du se passer.
Pour que chacun se fasse sa propre idée, sûrement différente de la mienne, je vous propose de cliquer sur ce lien, celui du journal La Nouvelle République qui a publié l’interview à l’origine de ce buzz franco-français.

Photo © AFP.

 


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

2 Responses

  1. Très intéressé par le commentaire sur Europe Airpost. J’ai effectué moi-même un retour depuis Palerme la veille le Vendredi 22 Août pour Paris avec cette compagnie sans rencontrer aucun problème pendant le vol. Je peux néanmoins dire que l’avion sur lequel j’ai volé, un vieux B737-300 n’était vraiment pas de toute dernière fraicheur (certainement pas le beau 737-800 sur la photo).

    1. En fait celui illustré sur la photo de l’AFP est un 737-700, la compagnie n’ayant pas commandé (à ce jour) de 737-800. Mais en effet je comprends que les 737-300 puissent commencer à montrer des signes de fatigues. D’autant que la majorité de ceux exploité par Europe Airpost sont des 737-300QC capable de transporter aussi bien du fret que des passagers.
      Merci pour votre témoignage qui nous éclaire un peu plus sur cette « affaire ».

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