19 juin 1944, Gennevilliers sous les bombes alliées !

Tout ou presque a été écrit sur les opérations aériennes qui précédèrent la Libération. Pourtant on oublie souvent que derrière elles se cachaient souvent des histoires humaines. Retour sur un bombardement parmi tant d’autres au-dessus d’une ville parmi tant d’autres : Gennevilliers en proche banlieue nord-ouest de Paris, le 19 juin 1944. Une action de guerre qui préparait l’arrivée des forces alliées dans la région.

Treize jours après le Débarquement de Normandie les troupes américaines, britanniques, canadiennes, et françaises libres (épaulées par des éléments australiens et néo-zélandais) peinent encore à sortir du bocage transformé en bourbier. En face d’eux les soldats allemands défendent leurs positions mètre par mètre et les combats sont âpres.
Dans le même temps la maîtrise du ciel est parfaitement acquise à l’US Army Air Force et la Royal Air Force. Les chasseurs de la Luftwaffe ne se hasardent alors guère plus à tenter d’intercepter les boxes de bombardiers alliés.

Et de ce fait le haut état-major allié en profite pour organiser de nombreuses missions sur toute la moitié nord de la France, encore très majoritairement placée sous le joug nazi. Parmi les cibles choisies se trouvent de nombreuses villes industrielles de la banlieue parisienne.
Or ce 19 juin 1944 une centaine de bombardiers américains Boeing B-17 Flying Fortress et Consolidated B-24 Liberator prennent la direction de l’Île-de-France. Leur cible est simple et réduite à trois mots : «France-Paris-Gennevilliers». Les cibles y sont multiples, et pour causes.

Depuis le début de ce vingtième siècle Gennevilliers est un des grands centres industriels franciliens avec les usines de construction aéronautique et automobile de Gnome & Rhône et Chenard & Walcker. Des cibles prioritaires pour les alliés qui veulent considérablement réduire l’outil d’occupation allemande.
Mais surtout la cible prioritaire des B-17 et B-24 alliés ce jour là est le Pioneer Park destiné à accueillir des matériels militaires lourds pour le compte du Groβ Paris, la garnison allemande de Paris et de sa proche banlieue. Il s’agit là de l’embryon de ce qu’on appelle aujourd’hui le port de Gennevilliers, un des sites économiques les plus stratégiques de la région.

Et force est de constater qu’en ce 19 juin 1944 les bombardiers américains font vivre un déluge de feu et d’acier aux Gennevillois mais également aux habitants des villes voisines d’Asnières-sur-Seine et de Villeneuve-la-Garenne. Les bombes ne tombent pas toutes là où elles devraient et près de 250 civils innocents y laisseront la vie. Pour le coup le Pioneer Park lui aura pris des bombes en quantité, permettant de détruire plusieurs dizaines de camions militaires mais aussi des tonnes de munitions et de carburant !
Dans le même temps la Flak, la puissante DCA allemande, tire ses obus sur les avions américains en descendant plus d’un.

Au milieu de cet horreur un acte héroïque, celui de trois jeunes ados. Ils vont permettre de sauver un radio-navigateur américain nommé Frank Cowan. Blessé l’aviateur est remis à la Résistance par ces jeunes gens, plus précisément aux combattants communistes des Francs-Tireurs et Partisans. Malheureusement il sera repris par la Gestapo et envoyé dans un camp de prisonniers jusqu’à la fin de la guerre.
Un demi-siècle plus tard, en 1997, le vétéran Frank Cowan revînt à Gennevilliers et rencontra les trois jeunes hommes qui lui avaient sauvé la vie.

Cet épisode de la Seconde Guerre mondiale peut paraître anecdotique mais il montre aussi le calvaire que connurent certaines villes trop proches des grands centres urbains français. Pour mémoire en ce 19 juin 1944 la libération de Paris, et donc de sa proche banlieue, n’était pas du tout sur les tablettes du général Eisenhower qui privilégiait de foncer sur l’Allemagne nazie. Il aura fallu l’action conjuguée des résistants franciliens, des généraux Bradley et Leclerc, et d’une certaine désorganisation allemande pour qu’en août de la même année la décision soit changée et que Paris soit enfin libérée. Gennevilliers le fut également quelques jours plus tard.
Gennevillois de naissance, y ayant grandi (et y vivant encore aujourd’hui) j’ai eu l’immense chance en septembre 1994 d’écouter les récits des résistants français qui y avaient participé et notamment du plus célèbre d’entre-eux : le colonel Henri Rol-Tanguy. Excusez du peu !

Photos © San Diego Air & Space Museum.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

3 réponses

  1. Le 19 Juin il fallait surtout ralentir l’arrivée des renforts Allemands en Normandie, toutes les Gares et nœuds de communications étaient les cibles prioritaires, donc bombardées comme il se doit par les moyens de l’époque, donc précision quelque peu faible d’où un nombre importants de victimes civils…….

  2. Surtout qu’à cette époque la mission de bombardement était considéré comme un succès si un nombre suffisant de bombardiers arrivaient sur objectif et bombardaient dans de bonnes conditions de visibilité donc de précision… C’est dire s’il en fallait de bombes. Les bombardements alliés n’étaient pas réputés pour leurs précision. Une quantité infime de bombes faisait but. La plupart tombaient autour, parfois à plusieurs kilomètres de l’objectif. Le fameux tapis de bombes. 75 000 morts civils français. Sans oublier les centres ville historiques magnifiques défigurés à tout jamais. Brest, Lorient, Lyon, Marseille, Le Havre… Toute les grandes villes ont été touchés. A tel point qu’au niveau de la population certain de mirent à haïr les « liberateurs » et à regretter les allemands. Certain bombardements restent encore aujourd’hui inexpliqués par la nature de l’objectif visée et leurs inutilités. Devant le massacre que faisaient les bombardements alliés, ces derniers avaient instauré une règle. Annulation du bombardement si le nombre potentiel de victimes civile collatérale dépassait le nombre de 10 000… Mes grand et arrières grand-parents ont vécu ces épisode de la guerre. Vivants a Lyon, ils ont vécu à un moment au rythme des sirènes de la ville pour se réfugier dans les caves. Mon arrière grand-père las de ces alertes restait dans sa chambre et disait a mon arrière grand-mère: « si la bombe elle tombe, elle tombe hein ! »

    Un document intéressant relatant cet épisode:
    http://flyingfortress.canalblog.com/archives/2014/05/30/29977781.html

  3. Merci pour ce récit très poignant et très personnel. Je suis membre d »une société d’histoire. Votre article illustre bien la pertinence de l’histoire locale. En plus du devoir de souvenir, elle-ci permet de relier des faits historiques locaux à la grande histoire.. J’en déduit que le bombardement fut efficace. malgré les pertes de vie. humaine.

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