Mali Airlines : coup de génie ou coup de bluff ?

L’aviation civile commerciale au Mali est une problématique complexe, entre corruption et manquements à la sécurité aérienne. Il y a quelques jours la junte militaire au pouvoir dans ce pays a annoncé la création d’une compagnie aérienne à vocation internationale appelée Mali Airlines. Si des visuels existent (générés avec une IA) aucune flotte n’est pour le moment annoncé alors même que ses activités doivent théoriquement débuter l’année prochaine. Certains médias indépendants africains évoquent déjà une débandade à venir.

Au Mali les visuels générés par intelligences artificielles donnent souvent lieu à de franches rigolades, on se souvient de ceux apparus en septembre dernier à l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance du pays. Pourtant dans le cas de Mali Airlines ils ne sont si pas ridicules. Ou tout le moins celui que nous avons reproduit ci-dessus ne l’est pas autant. Il montre trois avions de ligne monocouloirs biréacteurs qui pourrait fort bien être des Airbus A220 autant que des  Yakovlev SSJ. Les spécialistes reconnaitront aussi feu le Fairchild-Dornier 728.
Petit point de détail qui à son importance : ils auraient rétréci au lavage !

Le souci c’est que ni le géant européen ni son concurrent russe n’annoncent de commande d’avions de ligne de la part d’une supposée compagnie aérienne nommée Mali Airlines. Pourtant sur le papier celle-ci existe. Elle a officiellement été créée par le gouvernement provisoire du dictateur Assimi Goïta ce jeudi 4 décembre 2025 avec comme siège social l’aéroport international Président Modibo Keïta-Sénou de Bamako. Ses dirigeants indiquent un premier vol au premier semestre 2026, sans pour autant en dire plus.

Sur le plan légal la création de Mali Airlines s’appuie sur un texte daté de l’an dernier et nommé «ordonnance 2024-009/PT-RM» qui doit rendre au Maliens la totale souveraineté de leurs cieux. Un charabia qui rappelle l’époque où Assimi Goïta entendait faire abattre les avions civils et militaires européens qui auraient eu le malheur de survoler son pays. Là où la création de Mali Airlines peut prêter à sourire c’est que les autorités de l’aviation civile malienne entendent disposer d’une compagnie aérienne ayant les mêmes standards commerciaux que les meilleurs transporteurs américains et européens. Ne visent t’ils pas un peu trop hauts pour eux ?

Au Mali il y a déjà une compagnie aérienne internationale. D’ailleurs elle est la seule. Elle s’appelle Sky Mali et opère depuis 2020 sur un vieux Boeing 737-500 porteur de l’immatriculation TZ-SMA et dont la première mise en service remonte à novembre 1991. À l’époque il portait les couleurs de feue la Sabena. Sky Mali est une compagnie aérienne intérieure et internationale n’ayant absolument pas le droit de sortir des limites de l’Afrique sub-saharienne. Elle est blacklistée par l’Union Européenne mais aussi par l’Algérie et le Maroc qui lui refusent l’accès à leurs espaces aériens respectifs, pour des raisons de manquements aux règles élémentaires de sécurité aérienne.

Il faut savoir que l’ANAC, l’Agence Nationale de l’Aviation Civile du Mali, ne réalise quasiment aucune inspection sur de quelconques avions depuis la chute du régime démocratique malien et l’instauration de la dictature militaire. Elle existe, elle emploie des fonctionnaires mais ça s’arrête là. Or c’est cette même ANAC qui ce jeudi 4 décembre 2025 a officiellement enregistré l’existence de Mali Airlines comme compagnie étatique du Mali. Normal aux vues du fait que Sky Mali est à 85% privée, détenue notamment par des investisseurs émiratis.

Dans les prochaines semaines nous en saurons plus sur la réalité de Mali Airlines et sur sa future flotte qui doit, je le rappelle, faire jeu égal avec les meilleurs standards américains et européens. On verra aussi sur quel(s) modèle(s) d’avion(s) elle volera. Si elle vole.

Affaire (évidemment) à suivre.

Illustration © ANAC