Tirant les enseignements de la guerre polono-lituanienne de 1920 le chef de guerre et ingénieur aéronautique lituanien Antanas Gustaitis comprit très vite que son pays devrait disposer d’avions de facture locale. Après s’être assuré que la formation des pilotes reposerait sur des avions indigènes il en fit de même avec d’autres aspects de la Lietuvos Karinės Oro Pajégos, la force aérienne de Lituanie. Il créa et fit fabriquer en série un avion de reconnaissance assez simple mais totalement adaptés aux besoins de son petit pays : le Karo ANBO IV.
Comme souvent avec lui c’est sur fonds propres que Gustaitis conçut son ANBO IV avant de le proposer aux militaires. Ces derniers ne recherchaient nullement au début des années 1930 le moindre avion de reconnaissance terrestre armée. Malgré cela l’ingénieur entreprit de développer une version dérivée de son ANBO III d’entraînement basique et intermédiaire. Désigné ANBO IV cet avion s’articulait autour d’un moteur britannique Bristol Pegasus Mk-III à neuf cylindres en étoile d’une puissance de 690 chevaux. Sur cet avion la double commande d’origine avait laissé la place à un poste de tir arrière avec affût annulaire Scarff lui aussi de modèle britannique sur lequel fut gréée mitrailleuse allemande MG de calibre 7.92 millimètres. Deux armes identiques étaient installées dans fuselage et tiraient en position de chasse. Après un premier vol survenu en juillet 1932 l’ANBO IV fut officiellement commandé par la Lietuvos Karinės Oro Pajégos à hauteur de quartoze exemplaires. C’était alors le plus gros contrat jamais signé par l’avionneur Karo !
Alors que les premiers exemplaires de série entrèrent en service actif au tout début du printemps 1934 l’avionneur travaillait déjà, toujours sur fonds propres sur une version améliorée qu’Antanas Gustaitis comptait bien proposer à l’export. Désigné ANBO 41 elle possédait une motorisation plus puissante, un armement renforcé avec notamment l’apparition d’une charge de bombes légères pouvant atteindre 200 kilogrammes.
Entre juin et juillet 1934 l’ingénieur (par ailleurs pilote militaire) prit la tête d’une petite troupe chargée de sillonnée l’Europe afin de faire la promotion de l’ANBO 41. Trois exemplaires réalisèrent un peu plus de 10 000 kilomètres, allant jusqu’en France et Grande Bretagne. Des pistes d’exportation eurent lieu avec la Belgique, le Danemark, et l’Irlande mais sans que cela ne se concrétise jamais. Si l’ANBO 41 était unanimement reconnu comme un excellent monoplan parasol de reconnaissance armée la crédibilité du constructeur Karo Aviacijos Tiekimo Skyrius était proche de zéro. Cet avionneur demeurait inconnu de tous ! La mort dans l’âme Antanas Gustaitis et ses pilotes ramenèrent les trois ANBO 41 en Lituanie. Quelques jours après un retour finalement positif la Lietuvos Karinės Oro Pajégos conclut un accord pour l’acquisition de vingt exemplaires de cette version améliorée.
Extérieurement le Karo ANBO 41, tout comme l’ANBO IV, ne pouvait nier sa parenté avec l’ANBO III d’entraînement. L’appareil de reconnaissance se présentait sous la forme d’un monoplan à aile haute dite parasol construit en bois et contreplaqué sur une structure en tubes de métal. Sa motorisation tournait autour d’un Bristol Pegasus Mk-XI d’origine britannique à neuf cylindres en étoile développant 905 chevaux et entraînant une hélice tripale en métal. Quatre mitrailleuses allemandes MG de calibre 7.92 millimètres, deux jumelées en position de chasse et deux autres sur affût mobile arrièrent représentait son armement défensif tandis que sa charge offensive se constituait de 200 kilogrammes de bombes légères, placées sous l’intrados de fuselage. Les plus grosses bombes emportées pesaient 45 kilogrammes.
Au début de l’année 1936 la Lietuvos Karinės Oro Pajégos possédait sa pleine dotation en ANBO IV / ANBO 41. Leurs missions principales étaient alors la surveillance des frontières de la Lituanie ainsi que celle du littoral de la Baltique. Karo proposa d’ailleurs que des charges de profondeur et des mines marines soient ajoutées à la charge offensive de son avion de reconnaissance. L’état-major lituanien refusa. Les 91 kilomètres de frontière commune avec la Pologne étaient particulièrement visés par les vols de reconnaissance de ces avions, un souvenir de l’automne 1920.
En septembre 1939, au titre du traité Ribbentrop-Molotov signé entre l’Allemagne nazie et l’Union Soviétique, l’Armée Rouge envahit la Lituanie. Les Karo ANBO IV/ANBO 41 se retrouvèrent en première ligne, réalisant à la fois des vols de reconnaissance mais aussi d’appui tactique. Malheureusement le gouvernement de Vilnius déclara vite sa défaite. Plusieurs ANBO 41 tombèrent alors entre les mais des Soviétiques qui les utilisèrent jusqu’en 1944. Point intéressant ils reçurent de la Grande Bretagne, au titre du prêt-bail, des pièces détachées et des moteurs Bristol Pegasus Mk-XI permettant de les maintenir en vol.
Au moins un exemplaire fut également capturé par les Allemands qui l’utilisèrent quelques mois sous marquages de la Luftwaffe.
Souvent considéré comme le seul avion de facture lituanienne à voler selon les standards de l’Europe occidentale, de l’Allemagne nazie et de la Grande Bretagne en fait, l’ANBO 41 est aujourd’hui vu comme l’appareil le plus abouti de Karo Aviacijos Tiekimo Skyrius. Malheureusement aucun n’est parvenu jusqu’à nous.
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