Dans les années qui précédèrent la Seconde Guerre Mondiale, les avions de reconnaissance devinrent de plus en plus moderne, gagnant en puissance et en stabilité. L’intégration des formules sesquiplans amena les avionneurs à repenser plus profondément ces appareils. Les avions de reconnaissance ne devaient plus être que de simple avions légers mais de véritables machines de guerre capable de se défendre face à la chasse adverse. C’est dans cette vision que fut conçu le Letov S-328.
En 1931, la firme Letov reçut une commande de la part de l’Ilmavoimaat, c’est à dire l’aviation militaire finlandaise, pour adapter son avion d’entraînement et d’observation S-228 en avion de reconnaissance et d’attaque au sol. Le chantier commença immédiatement et il fut décidé de modifier le S-228 en profondeur. Tant et si bien que le nouvel avion, désigné S-328, n’avait plus grand chose en commun avec son prédécesseur. Il prit l’air pour la première fois en mars 1932. Les officiels finlandais faisaient traîner les discussions, si bien que le gouvernement tchèque devint le premier client à commander le nouvel avion en janvier 1933. Cette même année les Finlandais décidèrent finalement de commander le bombardier en piqué allemand Henschel Hs-123.
Le Letov S-328 était un monomoteur sesquiplan biplace disposant d’un armement relativement conséquent pour un appareil de cette catégorie. L’habitacle en tandem se trouve à l’air libre, cependant l’observateur dispose de surfaces vitrées dans le plancher et sur les côtés du fuselage. Celui-ci est intégralement en métal. Le train d’atterrissage fixe se caractérise à l’arrière par un patin orientable. Le moteur Bristol d’origine britannique est construit sous licence par Walter.
Les premiers avions tchèques entrèrent en service en 1935. Ces avions se virent immédiatement affectés à des missions de surveillance des frontières austro-tchèque et germano-tchèque. Devant la montée en puissance des nazis en Allemagne le gouvernement tchèque commanda plus de S-328 pour ses missions de reconnaissance. Lors de l’annexion de la région des Sudètes en 1938 par le Troisième Reich un total de quinze S-328 furent saisis par la Luftwaffe. Ces avions furent affectés à des missions de reconnaissance de jour près de la frontière avec les Pays-Bas. En 1938, Letov assembla quatre appareils de la version S-328V, des hydravions qui servirent pour le compte de la marine tchèque implantée en Yougoslavie. Ces hydravions n’embarquaient aucune bombe.
En juillet 1938, un parti politique slovaque commanda cinquante Letov S-328 qui formèrent l’embryon des unités de reconnaissance de la future aviation slovaque pro-nazie. Plusieurs de ces machines servirent lors des opérations menées en septembre 1939 par les Slovaques contre la Pologne. Ces même avions slovaques participeront à des raids aériens nocturnes contre les positions soviétiques en Ukraine dans la nuit du 21 au 22 juin 1941, lors du déclenchement de l’opération Barbarossa. Les S-328 slovaques, appuyés par des avions tchèques, se ruèrent sur la ville de Vinnitsa. Les S-328 larguèrent des bombes incendiaires de 200kg.
La Bulgarie reçut de la part des nazis, et par la force des choses des tchèques, un lot de soixante-deux Letov S-328. Ces avions participèrent à des missions de reconnaissance au-dessus de l’URSS. C’est lors de l’une de ces missions en octobre 1944 qu’un Bell P-39 soviétique réussit à abattre deux sesquiplans en même temps. Majoritairement les S-328 bulgares ne réussirent que très peu de missions face à la chasse soviétique.
Lors du déclenchement de la guerre une poignée de pilotes réussirent à rejoindre la France puis la Grande Bretagne avec leurs S-328. Si bien que cinq de ces machines furent prises en compte par la Royal Air Force qui les affecta à des missions de reconnaissance côtière sous l’autorité du Coastal Command. La plus part de ces machines furent envoyées à la ferraille en 1945.
Au total, se sont 412 Letov S-328 qui sortirent des chaînes de fabrication tchécoslovaques. Plus de la moitié fut pris en compte durant la guerre par la Luftwaffe, devenant le deuxième avion tchèque le plus utilisé par l’Axe après l’Avia B-534. Les Letov allemands remplirent des missions de reconnaissance mais aussi des missions de harcèlement au-dessus des lignes soviétiques, notamment durant la longue bataille de Stalingrad. Quelques modifications furent apportées à des S-328 en greffant des moteurs plus puissants mais ces essais n’eurent malheureusement aucune suite.
Après guerre la Tchécoslovaquie, pro-communiste, et la Yougoslavie utilisèrent des S-328 pour des missions de reconnaissance diurne et de patrouille côtière. En juin 1945 la France saisit en Allemagne six S-328 qui servirent au sein de l’Armée de l’Air jusqu’en septembre 1946 pour des missions de surveillance des frontières. Ce sont là les seuls avions tchèques à avoir servit en France après la Seconde Guerre mondiale.
Le Letov S-328 était dans les années 30 un des meilleurs avions de reconnaissance au monde et il résista assez bien face aux chasseurs ennemis plus modernes. Son utilisation intensive dans des missions offensives est caractéristique des qualités réelles de la machine. De nos jours un S-328 est exposé à Prague sous la livrée d’un avion des forces aériennes slovaque lors de la révolte anti-nazie de l’été 1944.
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