Au début des années 1950 la France est engagée dans une course à l’hélicoptère. Elle compte bien rattraper le retard qu’elle a pris par quatre années et demi d’occupation allemande. Avant la Seconde Guerre mondiale des inventeurs comme Raoul Pescara, Etienne Œmichen, ou encore René Dorand avaient amélioré les travaux de Paul Cornu. Une fois la paix revenue il était temps pour la France de marquer de son empreinte le domaine des voilures tournantes. Et parmi les appareils conçus à cette époque l’un d’entre eux allait (timidement) ouvrir la voie à une des plus belles sagas aéronautiques : le Sud-Est SE.3120 Alouette.
En 1950 la France se cherche encore sur le segment industriel des hélicoptères. Entre les architectures à double rotors contrarotatifs superposés du Breguet G.111 et à rotors engrainant du SNCAC NC.2001 Abeille et la technologie de la thermopropulsion des rotors incarnée par le Sud-Ouest SO.1110 Ariel II on sent encore bien les atermoiements. Outre Atlantique les constructeurs Sikorsky avec son R-6 et Bell avec son Model 47 ont fait des choix plus simples, plus pragmatiques, et finalement beaucoup plus porteurs en contrats d’acquisition. Au sein de la Société Nationale de Construction Aéronautique du Sud-Est les équipes d’ingénieurs dirigées par Pierre Renoux et Charles Marchetti sont alors justement plus ou moins sur la même lancée que les Américains : revenir à l’essentiel de l’hélicoptère. C’est ce qui avait conduit au monoplace expérimental SE.3101. Il leur faut donc poursuivre dans cette direction.
Deux conceptions s’opposent alors : le SE.3110 de Renoux et le SE.3120 de Marchetti. Le premier relevant rapidement de l’échec technologique les dirigeants de Sud-Est se portent donc tout naturellement vers le second. Il n’existe pas de différences structurelles très fortes entre les deux hélicoptères. Tous deux disposent d’un rotor principal et d’un rotor anticouple installé à l’arrière d’une poutre. SE.3110 et SE.3120 partagent en outre une motorisation identique, le Salmson à neuf cylindres en étoile conçu durant la Première Guerre mondiale et facilement disponible à moindre coût.
Pourtant esthétiquement parlant le Sud-Est SE.3120 est beaucoup plus académique que le SE.3110. Il se caractérise par une structure en tubes d’aciers ajourés, à la manière du SE.3101, tout en possédant un poste de pilotage triplace fermé et largement vitré. Le moteur Salmson de 200 chevaux entraîne un rotor principal équipé d’un gyroscope pour sa stabilisation. Son train d’atterrissage tricycle fixe à large voie le rend plus facile à poser.
Ce premier prototype reçoit l’immatriculation civile provisoire F-WGGD. C’est le pilote d’essais Henri Stakenburg qui assure le premier vol de l’hélicoptère le 31 juillet 1951. Et contrairement au SE.3110 le SE.3120 se pilote sans difficulté.
Un second prototype est alors construit sous l’immatriculation F-WGGE. Il se différencie du premier par son atterrisseur plus académique. Il s’agit de deux patins… optionnels. Pour le reste l’hélicoptère est identique au premier. Les essais des deux Sud-Est SE.3120 vont bon train durant toute l’année 1952, au point que l’industriel envisage une fabrication en série afin de satisfaire aux besoins civils et militaires. L’Armée de l’Air et l’Armée de Terre s’intéressent même à lui. La concurrence est cependant rude, notamment de la part des Dorand DH.011 et Giravia LP 10 qui ont tous deux la particularité d’être des hélicoptères à réaction.
Début 1953 alors que la future production en série de l’appareil est désormais entre les mains du directoire de la SNCASE il est décidé de baptiser le SE.3120 afin de le rendre plus commercial. On lui choisit le nom d’Alouette. Quelques semaines plus tard le célèbre pilote d’essais Jean Boulet réalise un vol test longue distance sur le deuxième prototype. En 13 heures et 56 minutes il couvre 1252 kilomètres, établissant un record mondial pour hélicoptère léger à moteur à pistons. Au passage Boulet comprend que l’Alouette a atteint ses limites. Il conseille à Charles Marchetti et ses équipes de revoir leur copie s’ils veulent produire en série une machine capable de concurrencer les Bell 47 et Hiller UH-12 américains. Après quelques hésitations et ayant compris que le pilote avait raison la SNCASE décide d’annuler le programme du SE.3120.
L’idée vient alors à Pierre Renoux et Charles Marchetti de mêler leurs travaux. Si les SE.3110 et SE.3120 ne peuvent pas être produits en série ils doivent donner naissance à une machine qui reprendra leurs traits. Les résultats donnent naissance au SE.3130 qui mélangera des caractéristiques des deux appareils, tout en disposant d’une motorisation très novatrice pour l’époque : la turbine.
Assez logiquement l’hélicoptère qui succède à l’Alouette prend la désignation d’Alouette II. Elle deviendra un des plus grands succès de l’industrie aéronautique française et posera les bases d’une coopération européenne qui donnera ensuite naissance à Eurocopter et aujourd’hui à Airbus Helicopters. Malheureusement la France de la IVe République ne comprit jamais la nécessité de préserver le patrimoine aéronautique et elle envoya les deux SE.3120 Alouette à la casse. C’est pourquoi aucun d’entre eux n’est parvenu jusqu’à nous.
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