Östersund : le musée suédois de la Guerre Froide

Au centre de la Suède, à 550 km au nord de Stockholm à vol d’avion se situe une ville moyenne, Östersund, connue pour ses compétitions de ski nordique et ancienne base aérienne de la Flygvapnet, l’armée de l’air suédoise. Sur cette ancienne base a été édifié un intéressant musée des techniques, surtout militaires, le « Teknikland », intéressant pour nous surtout par sa magnifique exposition d’avions, gratuite et formidablement mise en scène, à la Suédoise, avec l’accueil, le sourire, la compétence et la fierté du patrimoine national. On a tous été frappés dans notre jeunesse par la forte image des Draken camouflés dans les forêts immenses et décollant des routes pour défendre la neutralité de ce petit pays face aux menaces soviétiques dont les Tupolev venaient frôler l’espace aérien. C’est ce que ce joli musée dans la forêt évoque.

La neutralité armée

La Suède, après des siècles d’intervention dans les affaires européennes (comprendre les guerres) a décidé de pratiquer une politique de neutralité, face aux menaces de  voisins puissants. Mais les descendants des Vikings défendent leur beau et grand pays et un élément essentiel de sa défense est la Flygvapnet, l’armée de l’air, fondée dans les années vingt et équipée d’abord d’avions étrangers. A l’approche de la seconde guerre mondiale la Suède a décidé de s’armer et de rester neutre. Pour cela il fallait produire ses propres armements, ce qui fut fait dans un grand effort national basé sur les excellentes entreprises mécaniques Saab, Volvo, Ericsson etc.. cela donna les Saab 17,18,21, FFVS J22, beaux avions qui ne connurent pas le combat. Le sacrifice a été important puisque le budget de la défense atteignait presque 20% du budget national et tous les Suédois étaient impliqués. Aujourd’hui on assiste à une remise en cause  de ce modèle, fort coûteux. les Suédois rejoindront-ils l’OTAN ? Le réarmement Russe les inquiète.

Le musée « Teknikland »

Ce musée rend compte essentiellement de la période ayant succédé à la guerre, la période des chasseurs à réaction de la Guerre froide, d’abord britanniques puis suédois  : 380 Vampire sous la dénomination J28A et B (J pour Jägare, chasseur).

La Suède commença à fabriquer des réacteurs de Havilland Goblin ce qui lui donna le moteur du Saab J29 Tunnan qu’elle équipa de réacteurs de la même technologie, les De Havilland Ghost. Le Tunnan est impressionnant par se forme de tonneau, qui lui donna son surnom et son caractère massif. Le modèle exposé est un J29F avec son réacteur le  RM2B avec post combustion suédoise ajoutée par Volvo Flygmotor. Un exemplaire trône sur un pylône derrière l’aéroport de Fröson, à quelques kilomètres,Voir l’excellent article de Gaëtan sur ce site. Puis l’on passe, dans ce grand hangar décoré de mannequins en uniformes de la Flygvapnet, au très gros Saab J32 Lansen avec lequel la Suède est entrée dans l’ère supersonique. Il est beau comme un Hunter mais il me semble beaucoup plus massif. Le cockpit biplace est accessible et … éclairé et le radar de cet appareil « tout temps » comme on disait est mis en valeur. Et dieu sait si en Suède on en a besoin! La version est le J32B avec son radar de tir S6. Figure aussi à son pied un des quatre canons Akan m/55 de 30mm. Cela devait faire du bruit au dessus des lacs!

Le Draken

Plus petit mais toujours aussi futuriste, le Saab J35 Draken . L’appareil exposé, avec un pilote-mannequin, est, je pense, un J35F, muni d’une pointe avant assez conséquente. Un autre appareil, au camouflage bicolore gris clair-gris plus soutenu se trouve sur socle lui aussi derrière l’aéroport de Fröson, ancienne base aérienne. On peut mieux y admirer l’extraordinaire silhouette du double delta.Et un tableau de commande de Draken, allumé, permet de rêver! Mais la grande vedette de cette exposition est le Saab J37 Viggen car il a été récemment retiré des escadres et de nombreux exemplaires sont visibles : deux à l’extérieur, un noir et un gris entre deux camions militaires, deux à l’intérieur en camouflage « Guerre Froide en Europe », mis en scène magnifiquement, avec tous les accessoires ( génératrice, moteur auxiliaire, canons, bombes, missiles, tableau de bord…et les personnels figurés par des mannequins).

Le Viggen

Le Viggen est un monstre! il émane de lui une très grande puissance. Il est très haut sur son train à double diabolo, le dos bosselé, l’arrière tourmenté avec son gros inverseur de poussée lui permettant de se poser sur le réseau routier. C’est plus qu’un delta canard; c’est un avion à deux ailes deltas décalées de chaque côté. Une bizarre lame métallique relie les entrées d’air au fuselage, chose que l’on voit très rarement sur les photos. Contrairement au Musée de l’Air au Bourget, il n’y avait pas de biplaces mais je ne peux pas préciser la version exacte qui figure sur les photos, AJ, JA ou SH. Un magnifique moteur RM8, issu du Pratt and Whitney JT8D était exposé à côté des deux Viggen camouflés, ainsi qu’un canon M55 de 30 mm, un container à sous munitions Bombkapsel 90 Mölner, l’APU et la Ram air turbine.

Les autres appareils

Dans ce musée, en plus de ces prestigieux chasseurs figurent aussi des éléments ayant appartenu à la force armée suédoise : Un Link trainer datant des années cinquante, un hélicoptère alouette, un avion sanitaire canadien Noordhuyn Norseman, Un T6 construit aussi par Noordhuyn, le Harvard SK16A, un Bell UH1, un avion léger étiqueté Donquixote J-1-B mais c’est plutôt, d’après notre grand spécialiste Arnaud, un Klemm Kl-35 , et un avion bleu que je n’ai pas identifié. Mais certains se feront le plaisir de chercher. C’est un genre de Piper Cub.

Et à la sortie, dans les sapins, on découvre un hangar avec une épave de C-47, très camouflage Guerre Froide et l’indispensable Saab 105-SK60, mis à toutes les sauces et modernisé sans cesse, toujours en service dans la Flygvapnet. Il est ici dans sa version appui-feu.

Dépaysement assuré : il n’y a plus de base militaire à Östersund Fröson, mais dans l’ensemble de la Suède, les Grippen ont pris la relève. Ce petit pays qui aime tant son indépendance, est encore dans la compétition technologique au plus haut niveau.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Bernard
Bernard
professeur d'Histoire, à la retraite depuis peu mais passionné d'aviation depuis toujours, et en particulier bien sûr d'histoire de l'aviation.
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