Tout ou presque a déjà été écrit sur le carnage subi par les équipages engagés durant la bataille de Midway avec 95% des avions détruits, autant du fait de l’aviation embarquée japonaise que des batteries anti-aériennes montées sur les bâtiments ennemis. Pourtant ce n’est là qu’un des nombreux épisodes tragiques de l’emploi du Douglas TBD Devastator durant les premiers mois de la guerre du Pacifique. Retour sur l’engagement d’un bombardier embarqué alors anachronique.
Lorsque le 7 décembre 1941 l’attaque japonaise contre la base aéronavale américaine de Pearl Harbor plonge les États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale le principal bombardier léger de l’US Navy est encore le Douglas TBD Devastator. Un patronyme qui ne lui va plus vraiment.
Il faut dire qu’en dehors de quelques exercices réalisés depuis son entrée en service au début de l’été 1937 le TBD Devastator n’a jamais connu le feu. En cause, sa trop grande polyvalence. Le Devastator est en effet un avion paradoxal : bombardier en piqué et bombardier-torpilleur à la fois. Or à cette époque chaque état-major sait que les deux missions sont antagonistes : on ne peut pas tirer une torpille en piqué, sinon elle explose à l’impact avec l’eau. Des essais ont été menés en France et au Royaume-Uni au début des années 1930 et l’ont largement démontré. Pour lancer ces engins il faut, comme durant la Première Guerre mondiale voler parallèlement au niveau de la mer, si possible à très basse altitude.
Alors pourquoi avoir développé un tel avion ? Quatre-vingts ans plus tard ça reste un mystère, si ce n’est que l’aéronavale américaine n’avait alors pas les moyens financiers ni même les appuis politiques qu’elle possède de nos jours. Le Douglas TBD fut donc assez logiquement un pis-aller, en attendant mieux.
Sauf que le mieux n’était pas disponible quand l’Amérique déclara la guerre à l’empire nippon, et par la même occasion à ses alliés allemands et italiens. L’US Navy devait donc se contenter de ce qu’elle avait, à savoir ses Devastator. En coulisse on s’activait chez Douglas et Grumman pour sortir en grande quantité ceux qui allaient permettre de mettre à la retraite le bombardier-torpilleur en piqué : le SBD Dauntless et le TBF Avenger. Si le premier était déjà en service actif, il demeurait en nombre bien trop réduit.
Avant même juin 1942, et la tragédie de Midway, le Douglas TBD Devastator avait démontré ses limites. En six mois d’engagement opérationnel la centaine de ces monomoteurs ne détruisit que trois bâtiments japonais, et encore tous de petit tonnage. Aucun sous-marin nippon n’eut à subir leurs « dévastations ».
Dans le même temps la chasse embarquée japonaise se rendit rapidement compte que le bombardier-torpilleur en piqué était une cible de premier choix. Le débattement de sa mitrailleuse arrière de calibre 7.62mm ne lui permettait pas de ses défendre efficacement contre les Mitsubishi A6M qui l’engageaient.
En fait c’est presque un exploit que l’aéronavale américaine ait pu en aligner quarante-et-un au début de la bataille de Midway tant ses monomoteurs revenaient souvent criblés de balles sur leurs porte-avions, quand ils rentraient.
Au final s’ils furent retirés du service quelques jours seulement après cette cuisante défaite pour eux les TBD Devastator ne marquèrent pas durablement l’histoire aéronavale, sauf peut-être en ayant été l’un des plus mauvais avions américains de la Seconde Guerre mondiale. Dommage il avait été conçu en vue d’intervenir exclusivement dans le Pacifique, là où justement il démontra son inutilité.
Photos © US Navy.
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5 Responses
Les Devastators ont éventuellement servi de leurre à Midway, et permis cet incroyable retournement de situation, à l’issue duquel l’essentiel de l’aéronavale japonaise a été anéanti : ils n’ont pas été totalement inutiles, bien au contraire. Reste à savoir si tout ça a été froidement calculé….
La théorie selon laquelle les TBD auraient surtout servi de plastrons à Midway a été très à la mode entre les années 1960 et 1980, mais au milieu des années 2000 elle a été partiellement démonté lorsque l’US Navy a ouvert une partie de ses archives sur cette période. En fait il semble bien que l’aéronavale américaine n’était pas aussi bien préparé que ça à l’ampleur de cette bataille navale. Et du coup les Devastator ont fait ce pourquoi ils avaient été pensé : bombarder en piqué et torpiller. Enfin ils ont essayé.
Dans toutes batailles le facteur de chance est toujours présent d’une façon ou d’une autre. Les américains ont fait leurs chances en prenant les bonnes décisions avant ce conflit. Et n’oublions pas le rôle majeur du service de renseignement de la marine américaine dans cette bataille. Les aviateurs américains ont lancé plusieurs attaques sans grande coordination envers la flotte japonaise. Mais au moment crucial, leurs tentatives ont porté fruit!
Ne l’enterrons pas trop vite ! il fut l’un des premiers, sinon le premier, à inaugurer les ailes repliables par l’hydraulique… En roulant. Son bilan fut tout de même honorable, avec en particulier le porte-avions Shoho en mai 42 ( participant avec d’autre types d’appareils ) et surtout des bombardements au sol sur les premières îles occupées. ce fut un carnage à Midway, oui, mais il permit à la Navy de faire la jointure…. et de procéder aux premières ripostes.
Pour en apprendre davantage sur la participation du TBD Devastator lors des opérations aériennes mois de janvier au mois de novembre 1942, je vous suggère très fortement de lire l’article L’USS Entreprise au combat Les défis de 1942 dans la revue »LOS! Le magazine de la guerre navale, aéronavale et sous-marine » no 27, juillet août 2016. Dans cet article mentionne toutes les participation des Devastators basés sur l’Entreprise durant les premiers mois de la guerre du Pacifique. Celui-ci est une excellente synthèse des combats de 1942 entre le Japon et les alliés. LOS! publie régulièrement des articles forts intéressants sur l’aéronavale comme le numéro 19 portant sur »le Shokaku Le meilleur des porte-avion japonais. » Bonne lecture!