Quand la Luftwaffe rasa la ville anglaise de Coventry.

En ce vendredi 8 mai 2020 nous célébrons le 75e anniversaire de la victoire des Alliés sur le nazisme et par la même occasion la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe et dans le bassin méditerranéen. Et en ce sens nous avons décidé de revenir sur un des évènements les plus marquants du conflit : le bombardement de Coventry. Une nuit durant laquelle les avions allemands détruisirent une grande partie de la ville britannique. Presque 80 ans après ce drame ses plaies y sont encore visibles.

Une quasi image d’Épinal du Heinkel He 111.

Tout commença le jeudi 14 novembre 1940 quand un opérateur des services britanniques de renseignement militaire intercepta une communication encryptée allemande à propos d’une opération nommé Mondscheinsonate. Depuis plusieurs semaines dans le plus grand secret les Britanniques avaient en effet cassé le code de la machine Enigma. L’information fut immédiatement transmises à Londres au cabinet du premier ministre. Le message allemand était sans équivoque : il annonçait une série de frappes aériennes le soir même contre les usines et sites de stockage de la ville de Coventry.

Winston Churchill décida alors de ne rien faire. Il ne lança aucune évacuation de la ville anglaise. Toute décision visant à protéger les populations civiles aurait alerté les forces allemandes sur le cassage du code secret de la machine Enigma. Et celui-ci serait alors modifié, obligeant les Britanniques à repartir de zéro.
À 19 heures 20 ce même jour le premier ministre britannique compris que les Allemands n’étaient pas au courant des avancées technologiques alliées : les premiers bombardiers de la Luftwaffe frappaient Coventry.

Un groupe de treize Heinkel He 111 de l’unité de bombardement KG100 largua des bombes incendiaires sur le centre-ville. Des feux se déclarèrent aux quatre coins de la vieille ville. Dans le même temps d’autres bimoteurs assuraient le guidage par radio des vagues d’attaque. Mais surtout désormais les équipages allemands savaient où bombarder. Les incendies servaient de marqueurs. Moins d’une heure après le passage des premiers bombardiers la cathédrale Saint Michael était la proie des flammes. Des bombes incendiaires allemandes l’avaient littéralement éventrée. Le feu la dévorait de l’intérieur.

Durant toute la soirée les Heinkel He 111 partis de France et de Belgique occupées bombardèrent Coventry. Dans les rues les pompiers de la ville était dépassés par les évènements. À 1 heure 30 du matin on comptait déjà plus de 200 départs de feu, les morts se comptaient déjà par dizaine.
Au sol les servant de la DCA britannique étaient eux-aussi dépassés. Coventry ne comptait que trente-huit pièces d’artillerie anti-aérienne pour la protéger. Trop peu face aux dizaines de bombardiers déployés par la Luftwaffe.

Heinkel He 111, le bourreau de Coventry.

La Royal Air Force tenta de riposter mais trop tardivement. Deux escadrons de chasse de nuit prirent les airs mais sans grand succès. Leurs monomoteurs Boulton Paul Defiant NF Mk-IA et leurs bimoteurs Bristol Blenheim Mk-IF étaient à la peine face à des Heinkel He 111 globalement plus évolués et très bien armés défensivement. La chasse britannique ne s’adjugea qu’une demi-douzaine de bombardiers allemands. Un bimoteur anglais fut envoyé au tapis, sans doute par sa propre DCA.

Peu après minuit la dernière vague de bombardiers allemands survolait Coventry. La ville était déjà en ruine. Les incendies se succédaient aux incendies. De très fortes explosions se firent alors entendre, les avions allemands ayant largué des Luftmine B d’une masse de 1000 kilos. Ces armes avaient la possibilité de pouvoir exploser aussi bien au sol que sous l’eau. Surtout elles n’explosaient pas à l’impact mais à l’issu d’une minuterie allant de 20 secondes à quatre minutes. La puissance destructrice de ces armes était considérable contre une ville, la Luftmine B ayant été conçue pour détruire des usines d’armement au béton renforcé.

Le vendredi 15 novembre 1940 à 6 heures 15 du matin l’alerte était levée. Les pompiers s’affairaient aux quatre coins de la ville. Au total 80% des 75000 édifices que comptait Coventry quelques heures plus tôt était ou avait été la proie d’incendies. Le bilan humain était très lourd avec 568 morts et 863 blessés dont 723 furent hospitalisés.
La majorité des constructions historiques de la ville avait été rasée par les bombes allemandes.

Coventry après le passage des avions allemands, les pompiers à la lutte.

Les historiens s’écharpent encore sur les raisons réelles de cette série de bombardements contre une ville qui n’abritait aucun centre d’armement d’importance majeur. La majorité soutient qu’il s’agissait d’une vengeance allemande suite à une frappe de la RAF survenu six jours auparavant à Munich alors que la ville bavaroise se préparait à célébrer le 17e anniversaire du putsch de la brasserie Bügerbraükeller. Ce coup d’état manqué marqua le début du nazisme politique structuré. À titre personnel je pense qu’il s’agit là de la théorie la plus valable vu qu’Adolf Hitler aurait du se trouver dans la ville lors du passage des avions britanniques. D’autres historiens soutiennent que les Allemands ont voulu frapper Coventry car il s’agissait d’un important centre de l’industrie textile britannique. Enfin il fut envisagé que le choix de la ville soit le fait du hasard. La Luftwaffe n’a jamais rien fait par hasard !
Il faut signaler qu’il existe désormais en anglais officiellement l’adjectif «coventried» qui désigne toute ville ayant été détruite par un bombardement aérien.
En 2020 les ruines de la cathédrale Saint Michael sont encore visibles dans la ville.

Photos © Imperial War Museum.

 

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

8 réponses

  1. « Coventried » un peu comme « Bruxellisation » pour la capitale belge.

    1. Je n’avais jamais entendu cette expression de « Bruxellisation », vous me la faites découvrir.

  2. Rien à avoir ! Bruxellisation se réfère a la destruction du vieux Bruxelles par une urbanisation sauvage ; qui ne fit pas le moindre mort … Le destruction de Coventry fut autrement plus tragique. Mais nous nous vengerons à notre tour en réduisant Dresde en poussière, juste retour des choses. A tous ceux qui pensent que Dresde fut un crime, rappelez vous de Coventry.

    1. Sauf que les bilans humains de Dresde ou de Hambourg sont autrement plus meurtriers que ceux de Coventry. Minimum 35000 civils allemands dans la première et 45000 dans la seconde. Et surtout votre analyse historique est totalement fausse monsieur van Ackere. Ces deux raids aériens n’ont jamais été menés en représailles de Coventry.

  3. Coventry, Rotterdam, Varsovie, Guernica et bien d’autres ont été des tragédies perpétrée par la Luftwaffe sans aucun autre objectifs que de terroriser la population civile, personne ne le conteste…..
    Mais c’est bien vite oublier c’est sans commune mesure avec ce que les anglo-américains vont faire subir à leur tour aux villes Allemandes et Japonaises….. (Et encore, en Europe, les Américains se concentraient sur les objectifs économiques, au contraire du Bomber command de la RAF )
    Les bombardement de population civiles par les alliés sont des tragédies au moins équivalentes à celle de Coventry….

    Sauf que personne n’a cru bon en 1945 de juger un général Harris ou un général le May.
    Quelques années plus tard, l’USAF bombardera le Vietnam avec encore plus de bombes que sur l’Allemagne, pour arriver à une défaite (mais c’est une autre histoire).

    Bref, l »histoire est écrite par les vainqueurs. 80 ans plus tard, je pense que nous avons assez de recul pour essayer d’avoir une vision plus large de cette période.
    Je sais que ce commentaire ne plaira certainement pas à tout le monde, ce n’est jamais que mon point de vue, qui n’engage que moi.

    1. Pourquoi votre prose ne plairait t-elle pas ? Elle semble assez posée et pondérée. Après vous avez oublié les bombardements que l’aviation soviétique a réalisé entre 1944 et 1945 contre sa propre population mais également contre les villes polonaises et tchécoslovaques.

      1. J’avoue que je connais assez mal cet épisode de la guerre à l’est. On aurait aussi pu citer les bombardement japonais contre les populations chinoises (dès 1937 !)

        Mais dans ce cas je me permettrais d’avancer un argument d’ordre technique : Soviétiques, Japonais et Allemands ne disposaient que de bombardiers bimoteurs (He 111, Betty ou Tu-2, etc…), qui ne transportait au maximum que deux tonnes de bombes de 50 à 250 kg (en moyenne), dont les engagements ne dépassait pas quelques centaines d’appareils (ce qui est déja pas mal !).

        Mais malgré toutes les destructions et les malheurs que ces belligérants ont pu infliger via leurs campagnes de terreur, ils font bien pâle figure à côté des raids de 800 à 1000 B-17/24/29 ou Lancaster/Halifax, qui eux pouvaient transporter jusqu’à 8/10 tonnes de bombes dont les plus importantes d’entre elles pouvaient raser un pâté de maison d’un seul coup ! C’est pour cette raison que je me permets de juger plus sévèrement les alliés à propos des bombardements de 39/45.

        Coventry à été une tragédie et votre article est extrêmement bien écris et documenté, c’est indéniable. Je ne cherche pas à polémiquer juste pour le plaisir de vous embêter.
        Mais en ce 8 mai, je pense qu’il est bon d’essayer de regarder le passé dans son ensemble et pas uniquement du point de vue des « bons » (je sais, je me répète).

        Les responsables du bombardement de Coventry ne sont pas moins criminels que ceux de Dresde et de Tokyo, sauf, encore une fois, que personne n’a cru bon de les juger.
        Et les pilotes de Spitfire de 1940 n’étaient pas moins courageux que ceux des Me 262 ou des Shiden de 1945.

  4. Par choix j’ai modéré le commentaire déposé sous le pseudo « Qui ça? » car il avait décidé de mettre en lien deux vidéos liées à la chaîne de télé francophone RT France connue pour son interprétation pro-russe des questions de la Seconde Guerre mondiale. Nous refusons de cautionner la ligne éditoriale de ce média c’est pourquoi j’ai personnellement modéré ce commentaire.
    C’est bien plus le média que celui qui l’a déposé qui a été modéré.

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