Qu’est-ce que le drone Shahed 136 utilisé par la Russie contre les civils ukrainiens ?

Depuis hier matin et la série de raids aériens ordonnée par le dictateur russe Vladimir Poutine un nom revient en boucle auprès des médias : le drone Shahed 136. D’abord ce nom ne fleure pas vraiment bon le russe, et c’est bien normal puisque cet avion sans pilote de taille moyenne est fabriqué en Iran par le fameux groupe HESA. Ensuite contrairement à ce que de nombreux journalistes ont pu dire il ne s’agit pas d’un «drone tueur» mais plutôt de ce que l’on pourrait qualifier de «drone kamikaze». Pour les Ukrainiens il est devenu le symbole d’une terreur venue du ciel.

Le vocable même de «drone tueur» est par définition erroné et renvoie plutôt dans l’inconscient collectif aux UCAV, les drones de combat. Donc plutôt à des machines comme le General Atomics MQ-1C Gray Eagle américain ou le TAI Anka turc qui emportent leur armement sous voilure et en font usage depuis les airs. L’HESA Shahed 136 est très différent.
Si c’est bien un drone et non un missile de croisière, étant donc télépiloté ou téléopéré il ne connait pas forcément sa cible dès son lancement. L’opérateur qui assure son contrôle doit donc l’amener au-dessus d’une zone prédéfinie en attente de l’ordre final de frappe. Dans ce cas-là le Shahed 136 fond littéralement sur sa cible tel un oiseau de proie sur sa victime. Il explose ensuite à l’impact en raison d’une charge explosive emportée directement dans sa structure. C’est pour cela qu’on parle plus volontiers de «drone kamikaze». Ce terme fait donc un lien avec le tristement célèbre Yokosuka MXY-7 Ohka ainsi qu’avec tous les bombardiers et chasseurs japonais employés pour des attaques suicides durant la Guerre du Pacifique. Le terme kamikaze renvoie aussi aux quatre avions de ligne des terroristes du 11 septembre 2001 contre la côte est des États-Unis.

Et encore même là l’expression «drone kamikaze» est un barbarisme (NDLR : en tant que rédacteur je l’assume pourtant pleinement) auquel on devrait préférer le terme de munition rôdeuse officiellement reconnue. Il se dit d’ailleurs que la France s’intéresse actuellement très sérieusement à l’AeroVironment Switchblade américaine, une munition rôdeuse ayant fait ses preuves dans le camp ukrainien contre les colonnes de blindés de l’armée russe et les bases arrières du groupe militaire privé Wagner.

Extérieurement la munition rôdeuse HESA Shahed 136 se présente donc sous la forme d’un drone de conception assez simple, construit principalement en matières plastiques et alliages de métaux légers. Il est reconnu par l’Iran comme peu onéreux à usiner. D’une envergure d’environ deux mètres et demi pour une longueur de trois mètres et demi cette aile volante possède des ailerons stabilisateurs d’extrémité de voilure ainsi qu’un petit moteur d’une puissance estimée entre cinquante et soixante chevaux. Celui-ci entraîne une hélice propulsive bipale. Selon la majorité des sources la charge de combat atteindrait cinquante-cinq kilos d’explosifs voire des charges creuses pour la lutte anti-personnels.
Le Shahed 136 vole en croisière aux alentours de 175 à 185 kilomètres-heures. Son rayon d’action est par contre beaucoup plus sujet à débat. Là où Iraniens et Russes le disent capable de franchir 2500 kilomètres l’OTAN lui accepte volontiers une distance franchissable plus raisonnable de 800 à 1000 kilomètres.
Son coût unitaire est annoncé aux alentours de 20 000 euros donc bien moins qu’un quelconque missile de croisière et bien entendu qu’un UCAV.

Drones HESA Shahed 136 entreposés en attente de servir.

L’emploi par la Russie de l’HESA Shahed 136 contre les populations civiles ukrainiennes est un dévoiement du concept de munitions rôdeuses. Ces drones ont en effet été conçu afin de fournir un moyen de saturation du champ de bataille à moindre coût. Ils sont avant tout des moyens tactiques non des armes de terrorisme d’état. En gros ils sont fait pour tuer des soldats, pas des mères de familles et leurs enfants.
Dans la matinée du 10 octobre 2022 au moins douze Shahed 136 sont tombés sur la région de Kyiv, entre le centre la capitale ukrainienne et sa banlieue. Les images ayant fait le tour du monde d’une aire de jeux détruite est considérée comme une cible des munitions rôdeuses de l’armée russe.
Chez cette dernière ce drone est appelé Géranium-2. Comme si la célèbre plante du bassin méditerranée avait quoi que ce soit à voir avec ce tueur venu du ciel. Les médias ukrainiens lui ont donné le surnom de «balalaïka volant» en raison de sa forme rappelant selon eux le traditionnel instrument de musique si présent dans la culture slave.

Photo © HESA.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

16 réponses

  1. Entre dictateurs, ils s’entendent bien.
    Poutine d’un côté, les barbus de l’autre.
    Pourtant, ces 2 régimes sont très contestés.
    Mais ils ont des armes, du gaz, du pétrole, et des mercenaires qui leur sont fidèles et les aident à se maintenir au pouvoir.
    Le changement ne pourra venir que par la révolte de leurs peuples respectifs.

  2. Bonjour Arnaud, dans le texte : « Selon la majorité des sources la charge de combat atteindrait cinquante-cinq kilos d’explosifs voire des charges creuses pour la lutte anti-personnels. »
    Des charges creuses seraient plutôt utilisées contre des blindés, non ? (Il n’y a pas besoin de publier mon commentaire).
    Bonne journée à vous.
    Cordialement,

    1. Sauf qu’en zone urbanisée la charge creuse est utilisée pour la lutte antipersonnelle. C’est rare les civils qui circulent en chars d’assaut.

      1. Merci pour l’info !
        « À mon époque », ça commence à dater, on avait encore tendance à utiliser les charges à fragmentations que l’on jugeait plus adaptées pour la lutte antipersonnel, les charges creuses d’alors étant trop « dirigées » pour être efficaces.

        Concernant ce Shahed 136, je me demande où se trouve les optiques permettant le pilotage? Seraient-ils sous l’appareil, ce qui expliquerait qu’ils restent invisibles sur les photographies?

        1. Visiblement vous ne semblez pas comprendre que la Russie utilise une arme de guerre pour du terrorisme d’état. Bien sûr que la fragmentation serait plus efficace mais c’est la charge creuse qui est utilisée pour tuer les civils ukrainiens. Ça ne semble pas si difficile à comprendre après tout !

  3. Bonjour, bien que votre site soit très intéressant, je dois avouer que le ton que vous utilisez Arnaud pour répondre aux lecteurs est pour le moins piquant !
    Du coup je ne me risquerai pas a faire le moindre commentaire ou poser la moindre question ! Dommage mais bonne continuation malgré tout.

    1. Pourtant vous critiquez. Mais sans doute devrions-nous dire amen à tous les commentaires ? Si c’est cela que vous attendez madame ou monsieur : en effet c’est raté !

  4. TITRE POUR BIZOUNOURS…
    MAIS AUSSI
    QU’EST-CE QUE LE DRONE SHAHED 136 UTILISÉ PAR LA MONSTRUEUSE RUSSIE CONTRE LES GENTILS NAZIOVS QUI SE PLANQUENT DANS LES ECOLES ET CHEZ L HABITANT?

    1. Non mon cher, il faut appeler un chat un chat…. Comment qualifier Putin d’autre que dictateur terroriste ? Depuis quand envahir un pays voisin pour des prétextes fumeux de nazis à leurs porte ( sachant que le bataillon Azov bien d’extrème droite accepte dans ses rangs des juifs et des tchétchènes… que le président ukrainien est de confession juive…) bref… ce même personnage s’amuse à détruire des bâtiments civils et aires de jeux sans intêrets militaires ou tactique que purement psychologiques, en encore, les ukrainiens n’ont pas vraiment peur de ces drones que l’on entend arriver à 3 km… Pis ces drones sont justes de bombes guidées styles V1 de la seconde guerre mondiale, sans réels impacts sauf quelques réparations nécessaires après coup….

  5. Un missile qui fait le bruit d’une tondeuse ! Confère aux vidéos sur le net.
    Pas de pilotage (pas de relais de communication de données radios, vidéos et/ou satellites) que des données GPS, Glonass, etc…
    V1 îranien aux effets plus psy qu’opérationnels.

  6. Ce type de munition rodeuse peut elle revenir à sa base si aucune cible n’est désignée ? ou une fois lancée elle doit « obligatoirement » Être utilisée et s’écraser faute de pouvoir atterrir sans exploser ?

    1. ce drone ne peut que voler si j’ai bien saisi.
      Il est sur un lanceur de type « fusée » pour atteindre une hauteur de vol et une vitesse adéquate.
      sur la photo comme sur d’autres images que j’ai pu voir, il n’est pas muni d’équipement pour atterrir.
      Comme il s’agit d’une aile volante, il a besoin de vitesse / sol pour rester en vol donc… en toute logique, ce truc ne peut pas revenir.

  7. une aile volante qui emporte des charges relativement lourdes avec une simple hélice à l’arrière et un profil d’aile d’avion de chasse ?
    effectivement, la portée de 2500 km avec une charge explosive me semble irréaliste.
    par rapport à la simplicité de cette aile volante, j’ai tendance à croire qu’il n’est réellement utilisable que par temps calme, et qu’il est relativement facile à abattre. L’avantage demeure que c’est facile à produire mais je n’ai pas l’impression que son usage sera décisif pour se projeter loin de la ligne de front.

  8. Bonjour, combien de ces engins sont ils interceptés avant d’atteindre leur cible. quels sont les moyens d’interception? A propos des charges creuses. De ma formation de spécialiste antichar dans l’armée suisse dans les années 80-00 Nous appelions charge creuse une roquette (bazooka) capable de percer un trou rond d’une vingtaine de cm dans un blindage épais et d’y déverser du cuivre en fusion. Nous fabriquions des charges creuses autour tu poing, une sorte d’igloo en gamsite, un explosif genre pâte a modeler, que nous collions sur de gros cailloux, La puissance de l’explosion se donnait a l’intérieur de la charge, d’où le nom de charge creuse, mais c’était il y a longtemps, peut être que les termes ont changé. Contre le personnel nous utilisions des charges a dispersion.

    1. Ce que vous ne semblez pas comprendre c’est que la Russie agit comme un état terroriste, elle emploie donc des armes disproportionnées contre des populations civiles désarmées. Les charges creuses ne sont normalement pas destinées à la lutte anti-personnels tout comme les munitions rôdeuses n’ont pas été pensées au départ pour terroriser les populations. Pourtant toutes deux aujourd’hui tuent des femmes et des enfants en Ukraine.
      La Shahed 136 est la démonstration flagrante de la lâcheté des militaires russes.

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