La longue amitié canado-américaine est mise à mal depuis la réélection du président Trump. Malgré l’accord de libre échange nord-américain (Canada/États-Unis/Mexique) renégocié et signé sous la première administration Trump, depuis son retour ce dernier s’est lancé dans une guerre tarifaire tout azimut contre les alliés traditionnels des États-Unis, incluant le Canada. Ses élucubrations à l’égard de l’annexion du Canada ont aussi brisé le lien de confiance qui unissait les deux pays. Dans un élan nationaliste, les Canadiens participent dorénavant à une vaste campagne de boycottage des produits américains et boudent les États-Unis comme destination touristique. Malgré le fait que l’existence du NORAD n’est pas remise en cause (pour l’instant), les visées expansionnistes du président à l’esprit dérangé incitent le Canada à reconsidérer son alliance militaire avec les États-Unis et à se rapprocher de ses alliés européens.
En mars dernier, le nouveau Premier ministre Mark Carney a ordonné un réexamen de l’achat de chasseurs F-35A Lightning II par le Canada. Même Yvan Blondin, l’ancien général dirigeant l’Aviation royale canadienne (ARC) qui avait recommandé d’acquérir le F-35A, affirme maintenant que l’achat ne devrait plus se faire comme prévu parce que les États-Unis sont devenus très peu fiables. Aussi, l’ancien chef des achats militaires canadiens, et divers analystes de la défense, ont averti que le F-35A représente une vulnérabilité stratégique pour le Canada, puisque les États-Unis ont un contrôle total sur les mises à niveau logicielles et les pièces de rechange de l’appareil. Rappelons que le Canada a déjà des engagements contractuels pour la l’achat des seize premiers F-35A, dont les quatre premiers doivent être livrés en 2026. Mais aucun contrat n’a été signé à ce jour pour les exemplaires additionnels.
Une nouvelle tuile s’est abattue sur le F-35 le 10 juin dernier. Dans un rapport publié par la Vérificatrice générale du Canada, on apprend que le coût estimé pour l’achat des 88 nouveaux F-35A auprès des États-Unis a explosé de près de 50 % depuis 2022. Au moment de faire les estimations des coûts, la Défense nationale se serait consciemment basée sur des données déjà obsolètes à l’époque et s’attendait à ce que le coût final dépasse son estimation. La hausse des coûts est principalement attribuable à l’inflation, aux variations du cours des devises étrangères et à la hausse de la demande des missiles et bombes guidées dans le monde. Aussi, la Vérificatrice générale souligne que le projet d’acquisition accuse d’importants retards pour ce qui est de la construction des infrastructures nécessaires à la mise en service des avions de chasse. La construction de nouvelles installations aux bases bases de Cold Lake, en Alberta, et à Bagotville, au Québec, était censée être terminée pour l’arrivée du premier appareil au Canada en 2028. Or, ces travaux ne seront terminées qu’en 2031. Des mesures intérimaires devront être donc être mises en place.
En réaction à ces nouvelles révélations, le nouveau ministre fédéral de la Défense, David McGuinty, a indiqué qu’aucune décision n’avait encore été prise concernant le reste de la flotte des F-35A et attend les conclusions du réexamen en cours qui devraient être disponibles avant le fin de l’été. Des voix s’élèvent pour que le Canada reconsidère l’achat de F-35A additionnels, au profit d’appareils européens comme le Rafale français ou le Gripen suédois pour réduire sa dépendance à l’égard des États-Unis. Une flotte mixte d’avions de chasse risque toutefois d’être tout aussi coûteuse, sans compter le casse-tête logistique et les délais additionnels de livraison pour remplacer les vénérables CF-188 Hornet à bout de souffle, malgré une modernisation récente de la flotte
Bien que contesté par plusieurs (dont moi), le F-35A jouit d’avantages indéniables pour le Canada. Souvent qualifié d’ordinateur volant, le F-35 agrège de multiples données grâce provenant d’une grande variété de capteurs embarqués, ainsi que de sources terrestres, de drones, d’autres aéronefs et de navires à proximité. Son efficacité est renforcée par le NORAD et les FiveEyes, grâce auquel l’ARC a un accès exclusif à de vastes quantités de renseignements opérationnels hautement sensibles. Cet atout est d’une valeur inestimable dans le Nord canadien, où quatre F-35A peuvent couvrir le même territoire que plusieurs dizaines de chasseurs de quatrième génération. La modernisation de l’avionique d’avions de quatrième génération pour accéder efficacement à ces réseaux est très exigeante, c’est d’ailleurs pourquoi Dassault et Airbus s’étaient retirés de la course lors de la compétition visant à désigner le remplaçant du CF-188 Hornet. Le choix F-35A avait finalement été confirmé par le Canada au début de 2023.
La logique stratégique d’une flotte mixte est certes séduisante en théorie, mais ceux qui affirment que l’administration Trump pourrait inactiver les F-35 à l’étranger doivent se demander pourquoi d’autres alliés ne partagent pas ces inquiétudes (du moins ouvertement). Parmi ces États figurent la Finlande, le Japon et la Corée du Sud, dont la sécurité est plus menacée que celle du Canada. Le gouvernement britannique a récemment laissé entendre qu’il achèterait davantage d’appareils F-35 pour renforcer sa dissuasion nucléaire : une mission qui exige une confiance absolue dans l’engagement de Washington envers sa sécurité. De plus, l’ARC fait partie intégrante de la défense continentale américaine, fournissant entre un quart et la moitié des avions en alerte pour défendre les approches nord. Washington amputerait donc sa propre sécurité, s’il parvenait à neutraliser la flotte canadienne de F-35A.
Bref, une patate chaude pour l’actuel gouvernement du Canada qui est probablement condamné à poursuivre l’acquisition de l’ensemble des F-35A initialement prévus, malgré la situation politique tendue et l’opinion publique canadienne remontée contre les États-Unis. Trump ne sera pas toujours au pouvoir et pourrait même perdre le contrôle du Congrès américain à l’issue des élections de mi-mandat en novembre 2026, ce qui ferait de lui un canard boiteux pour le reste de son mandat présidentiel. Un Donald Duck impuissant en quelque sorte.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
9 réponses
Dans les faits, le F-35A ne devrait pas pouvoir être immobilisé suite à une simple pression d’un bouton aux USA. En théorie ce n’est pas impossible mais peu probable. Le plus réaliste est un blocages des mises à jours, provocant une dégradation des performances des avions (à noté que les avions vendus aux alliés sont tous plus ou moins dégradé vis à vis un avions de même niveau américain).
Pour le reste, 16 F-35A est trop peu pour entraîner nos pilotes et avoir des avions opérationnelle. Si le Canada annule l’achat du F-35, les 16 déjà payé devrais être revendu à nos alliés.
Sur 16 avions, ont peut facilement imaginer que le quart (25%) serait en tout temps indisponible car en maintenance. Ce qui nous laisse que 12 avions (dans le meilleur des cas). Un déploiement OTAN nécessite au minimum 4 avion… il n’en reste que 8 pour les opérations national et la formation…
La Canada possède actuellement une soixantaine de CF-188 Hornet en état de vols. Au minimum le quart de ceux-ci sont réservés pour les alerte NORAD… et un autre quart (souvent plus) est en maintenance.
C’est pourquoi le Canada n’aura d’autre choix de compléter la flotte avec d’autres F-35A, ou avec un autre type d’avion de chasse.
Le F35 est plus un système d’armes qu’un avion. C’est dans cette optique qu’il faut apprécier son choix. Mais ne pas oublier l’adage: to big to fail. Admettre des faiblesses pour mise en œuvre, la disponibilité, l’indépendance de cet aéronef, c’est admettre des erreurs financières et stratégiques colossales. Quel état, quels hommes politiques sont capable de l’assumer ?Les choix, notamment du Danemark, font plus penser à de la méthode Coué qu’à un choix rationnel.
« Trump ne sera pas toujours au pouvoir et pourrait même perdre le contrôle du Congrès américain à l’issue des élections de mi-mandat en novembre 2026, ce qui ferait de lui un canard boiteux pour le reste de son mandat présidentiel ».
Sauf que, vu comment Donald gère la situation en Californie, rien ne dit qu’en invoquant un quelconque texte d’urgence ou d’exception, il organisera des élections de mi-mandat, voire même en acceptera les résultats….
Mais plus que Trump, ce que je n’ai jamais compris dans ce dossier, c’est comment les USA se sont mis eux-mêmes dans les filets de Lockheed Martin, suivis allègrement pas d’autres.
Il est pour le moins singulier de voir un industriel imposer à tous ces pays dont les USA, comment sera la guerre aérienne dans le futur….
Pour une des rares fois dans notre histoire, les canadiens se soucient de la défense de notre pays. L’Hornet, le Rafale et le JAS 39 Gripen sont du charabia pour mes compatriotes. Les États-Unis n’ont pas d’amis, ils ont des intérêts. Ils sont condescendants envers le Canada depuis le début de la colonisation de l’Amérique du Nord. Ce n’est pas à un pays étranger de dicter le choix du matériel militaire qui répond aux besoin de mon pays. Peu importe le candidat choisi pour remplacer les Hornets, les contribuables canadiens devront payer une note salée pour les quelques F-35A déjà achetés au complexe militaro-financier américain. Et l’interopérabilité dans le NORAD? L’Eurofighter, le Rafale et le JAS 39 Gripen sont tous déjà interopérables et parfaitement opérationnels contrairement au F-35A. Le Gripen provient d’un pays ayant de rudes hivers comme le Canada. Et les « fameuses » retombées économiques seront avantageuses pour l’Ontario et le Québec. Et pour faire plaisir à oncle Donnald, nous procurerons quelques P-8A Poseidon. J’espère que le gouvernement ne niaisera pas longtemps avec la puck(perdre son temps) et prendra rapidement la bonne décision.
Et c’est s’en compter les 11 drones également acheté aux USA avec leur armements en plus des Poseidons les USA ont la chance qu’il n’existe pas d’alternative pour les drones armés et les avions pour la PATMAR.
L’interopérabilité dans le NORAD fut un des critères les plus importants dans le choix du F-35. J’aurais bien aimé que le Canada opte pour le Rafale, mais Dassault a abandonné la course jugeant qu’il serait trop onéreux d’e modifier son chasseur pour s’y conformer. Rappelons par ailleurs que le Canada est l’un des pays partenaires (avec le Royaume-Uni, l’Italie, les Pays-Bas, l’Australie, la Norvège et le Danemark) du programme JSF qui mené au développement du F-35. Cette solution ne lui a donc pas été imposée, mais constituait une suite logique de cet engament de première heure. Notons enfin que le F-35A fut toujours le premier choix de l’ARC, ce qui est un bon indice à mon avis. Ce qui a plombé le programme F-35A au Canada est surtout l’incurie du gouvernement Trudeau.
Bonjour,
Le Canada achètera, comme d’habitude et logiquement, des avions américains.
A choisir je prendrai le F-15EX. Un super avion taillé pour les grands espaces canadiens.
Pas toujours. Voir, les Airbus CC-330MRTT, Airbus CC-295, Agusta-Westland CH-149, Grob CT-120A actuellement en service, ainsi que les Grob CT-120B, Pilatus CT-157 et Airbus CT-153 commandés dernièrement. Mais bon, dans le cas du F-35A, j’ai bien peur qu’il est trop tard pour reculer… à moins d’ajouter une deuxième flotte de chasseurs, ce qui est peu probable à mon avis.