Quiconque s’intéresse un minimum à l’art graphique des années 1930-1940 le connait forcément. Lawrence Beall Smith est un affichiste et illustrateur parmi les plus célèbres de son temps. Après Pearl Harbor et l’entrée dans le conflit des États-Unis il a mis son talent au service de l’effort de guerre américain, avec notamment quelques œuvres tournant autour de la vie à bord des porte-avions de l’US Navy. Quatre vous sont reproduites ici.

Lawrence Beall Smith n’est pas de ces artistes torturés qui dessinent ou peignent afin de sortir les tripes. Lui dessine, et peint, parce qu’il aime ça et qu’il sait qu’il a un certain talent. Surtout Beall Smith a conscience que c’est un bon moyen pour lui de gagner sa vie. L’homme vient d’un milieu plutôt bourgeois, de culture démocrate, de la côte est des États-Unis. Il est né en 1909 et a été diplômé en philosophie à l’âge de 22 ans. Quand la guerre rattrape l’Amérique neutre en décembre 1941 il décide de se mettre au service de l’US Department of War.
On ne peut pas franchement dire que Lawrence Beall Smith se sente l’âme d’un grand guerrier. Il va donc réaliser des affiches pour l’effort de guerre. Son style net, issu de la publicité des années 1930, fait mouche. L’US Department of War lui commande des œuvres afin de vendre des obligations de guerre. Il attire aussi l’attention de l’US Navy qui lui propose d’aller passer quelques semaines à bord du porte-avions USS Hornet, entre février et mars 1944 en plein Pacifique. L’artiste accepte et débarque à bord avec palettes et tubes de peinture.
On ne connait que quatre tableaux de lui issus de son passage à bord. Il en aurait en réalité peint cinq laissant l’un d’entre eux sur le porte-avions, offert à son pacha. On ignore ce qu’il en est advenu. Bien sûr les avions y sont omniprésents avec notamment des Douglas SBD Dauntless, des Grumman F4F Wildcat et TBF Avenger mais pas que. Lawrence Beall Smith est un peintre humaniste. Il met l’humain au centre de son œuvre. Armuriers, matelots, mécanos, pilotes, sont autant d’éléments aussi importants voire plus que les machines elles mêmes. Et tous semblent systématiquement en mouvement. Ce sont des hommes en guerre mais ce ne sont pas des hommes qui font la guerre. Beall Smith représente leur quotidien. Par la suite il couvrira, à sa manière, le débarquement de Normandie et la libération de l’Europe.


Pendant le conflit il subira cependant la censure, à chaque fois qu’il essaiera de représenter les minorités. De ce fait son œuvre représente toujours une armée américaine assez monochromatique. Telle qu’elle était représentée à l’époque. Rappelons que la ségrégation raciale existait aux USA à cette époque, qu’on pendait encore des noirs dans certains états du vieux sud américain. Beall Smith a toujours tenté de montrer ces marins et soldats invisibilisés, sans succès cependant.

À un journaliste qui après guerre lui demandera sa source d’inspiration il dira que cela a toujours été le chef d’œuvre du peintre français Gustave Caillebotte intitulé : «Raboteurs de parquet». Cette huile sur toile archiconnue est visible aujourd’hui à Paris au musée d’Orsay. Même si le style des deux peintres diffère énormément Lawrence Beall Smith a su capter l’effort humain au cœur de l’action de guerre. L’artiste américain a cessé de peindre en 1989 est mort en six ans plus tard, laissant derrière lui une œuvre picturale dense, assez proche sur la fin de sa carrière du comics book.
Illustrations © Bibliothèque du Congrès des États-Unis.
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