Giscard d’Estaing : un septennat entre renoncements et flops aéronautiques.

Quelques heures après le décès du troisième président du la 5e République le traditionnel concert de louanges est à son paroxysme. Pourtant sur le plan aéronautique les sept années de mandat de Valéry Giscard d’Estaing ne furent pas des plus positifs. Sa présidence fut à l’origine de l’annulation de trois programmes majeurs menés par le groupe Dassault tandis qu’un scandale d’État allait voir le jour. Retour et droit d’inventaire sur une présidence qui appartient aujourd’hui à l’histoire.

Valéry Giscard d’Estaing fut Président de la République du 27 mai 1974 au 21 mai 1981. Il a succédé à Alain Poher qui assura l’intérim suite à la mort prématurée de George Pompidou, et précéda François Mitterrand. Cela faisait donc 39 ans qu’il n’était plus président. Autant dire que pour une bonne partie des Français c’est un relatif voire un total inconnu !

Pour nombre de spécialistes et de politologue l’homme a modernisé la fonction présidentielle et d’une certaine manière la France au travers de son action européenne et de sa décision de légaliser l’interruption volontaire de grossesse. Mais ici nous sommes sur un site aéronautique ; c’est donc par ce truchement que nous allons aborder la présidence Giscard d’Estaing. Et ce n’est pas brillant.

Quand Valéry Giscard d’Estaing arrive au pouvoir la France est déjà une puissance nucléaire et son aviation militaire dispose d’avions et d’hélicoptères modernes mais pas forcément au top niveau. Pourtant plusieurs programmes existent à différents stades d’évolution dans les bureaux d’étude et les ateliers de Dassault à Saint-Cloud et Mérignac.
Les deux les plus avancés sont alors la famille des Mirage G à géométrie variable et le chasseur lourd Mirage F2. Si le premier se révéla bien vite être un avion trop complexe et inadapté finalement aux besoins français il en est tout autrement du second qui aurait permis à la France de disposer d’un d’avion d’arme capable de mener des missions d’interception aérienne autant que d’assaut ou encore, moyennant adaptation, de frappes nucléaires.

Moins avancé à l’arrivée de Giscard d’Estaing en 1974 il y avait le surprenant programme du Super Mirage 4000, un chasseur de supériorité aérienne très en avance sur son temps. Il aurait permis à l’Armée de l’Air de l’époque de damer le pion des meilleurs chasseurs soviétiques de son époque comme le Su-15 Flagon et surtout le MiG-23 Flogger. Ce Super Mirage 4000 aurait également permis à Dassault de concurrencer efficacement le F-15A/B Eagle américain. Mais là encore l’ancien président en a décidé autrement.

Car Valéry Giscard d’Estaing avait une qualité : c’était un économiste de premier plan. Seul hic dans l’histoire les économistes ne font que trop rarement de bons stratèges. Et Giscard le prouva. En économiste qu’il était il décida que les programmes Mirage G, Mirage F2, puis Super Mirage 4000 coûtaient trop cher au contribuable français. Du coup il décida de ne pas les commander en série.
Or il existe un dogme dans l’industrie aéronautique mondiale : un aéronef non acquis par son pays producteur a les plus grandes difficultés à se vendre à l’export. Aucun d’entre-eux ne dépassa donc le stade expérimental.

Alors Giscard d’Estaing était t-il uniquement un froid économiste vis à vis de l’aéronautique ? Non car il se fit lui aussi avoir. Mais pour le savoir il fallut attendre deux ans après la fin de son mandat, que le Canard Enchaîné révèle ce qui allait devenir le scandale d’État des «avions renifleurs». Et la France n’avait pas fini de se bidonner sur la présidence Giscard d’Estaing et ses avions pouvant repérer les nappes de pétrole dans les sous-sols du monde. Cette affaire entacha le mandat présidentielle, un peu comme celle des diamants de Jean-Bedel Bokassa quelques mois plus tôt.

Loin de nous l’idée de vouloir salir l’image de l’ancien président, récemment décédé. Cependant il est bon de rappeler qu’historiquement parlant Valéry Giscard d’Estaing ne fut pas le meilleur chef de l’État que la France ait connu pour ses rapports à l’industrie aéronautique, et notamment à Dassault. La situation s’améliora à partir de mai 1981 et l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand.

Photo © Dassault Aviation.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

21 Responses

  1. François Mitterrand avait son frère Jacques qui fut général d’armée aérienne, entre autre commandant des FAS, inspecteur de l’AA, puis dirigeant de plusieurs sociétés et organismes aéronautiques. Cela a-t-il aidé l’aéronautique militaire sous F. Mitterrand ?

    1. C’est marrant comme certains aiment changer de sujet, quand celui-ci les dérange. Mitterrand n’est pas le sujet ici c’est Giscard d’Estaing. Dommage pour vous d’être à ce point hors sujet. Mais bon Xavier je ne vous ai pas modéré.
      Bonne fin de journée, et la prochaine fois essayez de rester dans le sujet, même si celui-ci vous gène.

      1. Le sujet ne me dérange pas, et je ne vois pas ce qui vous permet de dire cela à partir de mes propos ? J’ai même un petit souvenir sympa quand gamin j’ai croisé, à 2 mètres, VGE sur une piste de ski. Hors-sujet ? Non, il était survolé par une Alouette qui le protégeait mais faisait aussi office de remonte-pentes présidentiel !
        C’est vous qui introduisez F. Mitterrand, qui demanda lors de sa première visite au salon de Bourget de retirer les bombes et missiles sous les avions.
        Plus sérieusement, VGE, fut secrétaire d’État aux Finances avec +/- 170 réunions en tête à tête avec le Général de Gaulle, puis ministre avec Pompidou., et avait effectivement une recherche d' »économies » pour certains grands projets, surtout après les chocs pétroliers. Bonne soirée. (je ne dirais pas « Au revoir »).

  2. On est tous forcément nostalgiques, mais ne surestime-t-on pas le pouvoir présidentiel en la matière qui n’est pas le seul décisionnaire sur ce genre de dossier ?

    Au final, je peux me tromper, mais l’abandon de ces divers programmes n’a pas abouti à des trous capacitaires majeurs, et a en outre probablement permis l’avènement de la lignée des Mirage 2000 qui font encore le job 40 ans plus tard.

    Quant à Mitterrand, c’est certes le Rafale, mais c’est aussi l’incapacité à faire un programme commun avec les Européens, aboutissant à la fragmentation que nous connaissons et qui participe à fragiliser le statut de ce bel avion.

    1. Mitterrand n’étant pas ici le sujet je ne répondrais pas dessus Vincent. Il est tout de même surprenant qu’en sept années VGE ait stoppé net trois projets initiés par Dassault dont deux pouvaient largement déboucher sur des avions de série. Non ? 🙂

      1. Mitterrand est évoqué en dernière phrase, comme un contrepoint au portrait de VGE, raison pour laquelle j’en parle à mon tour.

        Mais j’en reviens à ma remarque initiale. Dans les mémoires des politiques, un des éléments qui revient souvent est qu’on leur prête beaucoup plus de pouvoir qu’ils n’en ont réellement. Mon hypothèse est que le « bilan » de VGE en matière aéronautique est possiblement purement circonstanciel et pas forcément le fait d’une (mauvaise) volonté.

        Il n’en reste pas moins qu’on ne peut regarder qu’avec une grande mélancolie ces projets avortés (sans mauvais jeu de mots) qui avaient quand même une sacré gueule. J’ai beaucoup rêvé enfant sur le Super Mirage 4000 !

  3. Visiblement ce sujet attire les trolls et les adeptes du hors-sujet, à l’image dans le premier cas de Zomby390 et dans le second de Dr Bob. Évidemment tous HS est modéré comme les commentaires haineux et vulgaires de nos trolls. Et à ce niveau là Zomby390 est dans la droite lignée de Rafaletiger, Dutertre, et Jade.

    1. Bonjour Arnaud… Et si vous sortiez du mode Calimero? vous êtes aigri à ce point? Allez, vous pouvez supprimer mon message, maintenant. 😉 Bien à vous. PS: Je reste toujours dispo pour corriger toutes les fautes dans vos textes. Bénévolement. 😉

      1. Bonjour Olivier 15, c’est évident que nous allons demander au plus agressif et au plus insultant de nos trolls récurrents (loin devant Rafaletiger, Jade, et Dutertre) de jouer les correcteurs d’articles. Vous nous prenez vraiment pour des gens comme vous Olivier 15. J’ai laissé passer ce commentaire car il est, et de loin, le plus pondéré de votre part depuis des mois. Mais ne vous en faites pas au prochain dérapage (et je suis sûr qu’il viendra très vite) votre commentaire ira à sa place naturelle : la poubelle.
        Signé Caliméro. 🙂

  4. Le M4000 aurait effectivement donné une sacrée gueule à notre AdAE mais aurait-il permis de donner naissance au Rafale ou bien serait-il de nos jours à la place du Rafale en attendant le SCAF? D’autre part, la Royale serait dans ce cas équipée de Hornet, puis de SH?
    Je suis partagé

    1. Ça ou bien le Super Mirage 4000 aurait donné un coup de fouet à l’Armée de l’Air, retardant certes le Rafale d’une dizaine d’années, mais permettant d’offrir à nos pilotes un véritable avion capable de concurrencer les Américains lors de la guerre du Golfe contre les forces irakiennes. Avec des si on mettrait Paris en bouteille. 😉

  5. Bonsoir,
    VGE était un brillant économiste mais pas un stratège militaire (sauf pour Kolwezi). Dommage pour le mirage 4000 !

    1. Kolwezi n’était qu’un cadeau fait aux militaires pour renforcer la politique de Françafrique. La France a mis plus de 20 ans à réparer diplomatiquement cette aventure franco-belge.

      1. Peut-être avez vous raison mais les occidentaux sur le terrain, assaillis par des hordes locales furent bien contents de voir des paras venir les protéger et les exfiltrer;

  6. Bonsoir,
    J’ai des doutes sur la seule responsabilité de V.G.E. dans l’abandon de ces prototypes. D’abord il y a d’autres facteurs dans l’abandon d’un avion. On cite problème budgétaires (1973 choc pétrolier je rappelle) ou désaccord politiques (le mirage à géométrie variable avait à l’origine un volet européen avec les anglais). Voire une armée de l’air qui change de priorité ou de fiche programme en cours de route (décollage vertical puis géométrie variable etc)

    Mais pour revenir au seul Mirage F2 Ce n’était pas la réussite que vous semblez évoquer. Un possible bon avion de pénétration ou de reconnaissance mais pas pas un super chasseur ou un intercepteur. Lisez ou relisez le livre « les prototypes expérimentaux Dassault 1960-1988 » de Hervé Beaumont. (éditions ETAI). je vais me permettre de citer ce passage de Jean Marie Saget à propos su F-2
    « j’ai piloté le Mirage IIIF2 …c’était un gros veau qui emportait 6500l de carburant en interne… il fallait 15 mn pour passer de passer de mach1 à mach 2″…
    bref des performances très décevantes. il a servit surtout, entre autre, à mettre au point la formule aérodynamique du Mirage F1 ayant un rapport poid poussée plus intéressant.
    En revanche vous ne citez pas le Mirage G8A dit « ACF » qui lui fut abandonné en raison de son coût de développement alors qu’un prototype était en construction.
    Pour l’extraordinaire Mirage 4000 , C’est vrai VGE a préféré financer le 2000 et laisser Dassault se débrouiller seul pour développer le 4000 (alors que Marcel Dassault proposait le contraire) mais l’armée de l’air aurait elle pu avoir autant de 4000 que de 2000? (Qui n’ont déjà pas remplacé tous les vieux Mirage). Anecdote : Un général aurait même dit (au vu du grand rayon d’action du 4000) que l’armée de l’air n’avait pas à faire de la supériorité aérienne au dessus de l’Oural 🙂

  7. On peut ajouter le manque de soutien politique au sujet du Mirage F1E à réacteur M53 lors du « marché du siècle » de 1973 en Europe, contre son redoutable concurrent le F16.

    1. Oui mais je ne voulais pas non plus accabler un mort. Déjà que sur cet article nous affrontons des hordes de trolls et de haters, sans doutes d’anciens « jeunes giscardiens » ou leurs descendants. Mais même au-delà du Mirage F1E le gouvernement Barre-Giscard avait refusé la main tendue par Washington en 1979 pour des Lockheed C-130E/H Hercules. L’ex-président préférait le Transall et ses pattes courtes parfaitement taillées pour la Françafrique et les conflits centre-Europe.

      1. Justement, si le Transall était suffisant pour la Francafrique et les conflits centre-Europe (ces derniers étaient les plus justifiés dans les années qui ont suivi), Le choix était donc bon à l’époque. Nous n’avions pas besoin d’avion à grande allonge. De mémoire d’ailleurs, les parachutistes pour l’intervention de Kolwesi sont partis de la Métropole en avion civil. Pourquoi aurait-il fallu obligatoirement les transférer en avion militaire à grand rayon d’action si un avion civil suffisait? Ne pas oublier que nous ne sommes pas une si grande puissance qui puisse tout se payer. Le 2ème porte-avion par exemple est toujours dans les limbes, alors qu’à l’époque nous avions encore deux petits porte-avions. Si petits que les avions US ne pouvaient pas se poser dessus. Répondre que depuis quelques années nous sommes passés à l’Hercule n’est probablement pas pertinent car les besoins internationaux évoluent.

        Je ne suis pas contre la critique, personne n’est parfait, mais il me semble que vous cherchez des poux dans la tête. que ce soit pour le 4000 que pour l’Hercule.

        1. La France est passée à l’Hercules au cours de la présidence suivante, les besoins internationaux (pour reprendre votre expression) n’avaient pas beaucoup évolué.

  8. Il a tout de même lancé le Mirage 2000. Même si celui-ci a le défaut de n’avoir qu’un seul réacteur.

    Quant au 4000, n’était-il pas trop gros pour la petite France et sa petite armée de l’Air? Nous n’avions pas non plus de quoi le loger sur une porte-avion (sans évoquer le cabrage à l’atterrissage lié à l’aile Delta). Et puis concurrencer le F15. Oui, pourquoi pas. Mais le positionnement international de la France n’était plus le même depuis le départ de De Gaulle. Il fallait se positionnement là pour vendre des Mirage III en Amérique du Sud, en Afrique ou en Australie. Alors placer des 4000 comme des Mirage III face à la force de frappe commerciale et diplomatique des USA… Il n’y a qu’à voir des pays de la CE qui continuent à acheter des avions US, pas finis, alors que la CE a sa propre production. La France n’a même pas été capable de vendre des Rafale en Europe, alors qu’elle avait vendu des Mirage III S à la Suisse et à l’Espagne. La Belgique. a préféré le F16, qui vole toujours, face au Mirage F1 qui ne sert plus que de plastron aux USA..

  9. Ces 3 avions avaient de la gueule mais étaient peut-être surdimensionnés pour les besoins de l’AdA. Les G/G4/G8 étaient trop couteux et inadaptés. Les versions « petite » du Mirage 4000 et F2 c’est à dire Mirage 2000 et F1 ont largement fait le job pour un coup unitaire sûrement moindre et se sont assez bien exportés. Le 4000 et F2 auraient certainement eu plus de mal à trouver des débouchés à l’export. Alors en pesant le pour et le contre, ce n’était peut-être pas une mauvaise chose d’avoir avorté ces projets pour d’autres plus réalistes.

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