Lockheed-Martin AC-130J Ghostrider

L’apparition entre la fin des années 1960 et le début des années 1970 du Lockheed AC-130 Spectre n’était pas une révolution en soit mais la confirmation d’une volonté de l’US Air Force de mettre en œuvre une flotte de canonnières volantes. Ces avions résultaient de l’expérience acquise avec les bimoteurs Douglas AC-47 Spooky et Fairchild AC-119 Shadow. Cependant comme tout avion l’AC-130 Spectre a rapidement vieilli et malgré des évolutions constantes il a fallu pour le Pentagone lui trouver un successeur. Celui-ci est issu de la même cellule mais dispose de systèmes tellement plus évolués qu’il en fait un avion radicalement nouveau : le Lockheed-Martin AC-130J Ghostrider.

Outre le fait de faire évoluer le principe du Spectre le Lockheed-Martin AC-130J Ghostrider tire ses origines de la guerre contre le terrorisme initié par George Bush Jr après les attaques terroristes du 11 septembre, et poursuivie par son successeur Barack Obama. Les Lockheed AC-130U Spooky et AC-130W Stinger II, tous deux construits à partir du C-130H Hercules, furent déployés un peu partout sur le globe, selon les besoins des forces spéciales américaines. Ils s’usèrent donc très vite. C’est en 2011 qu’une commande d’un prototype fut formalisée à Lockheed-Martin.

Même si le C-130J Super Hercules était la base de travail de ce nouvel avion des ingénieurs des Skunk Works proposèrent à l’US Special Operations Command et à l’US Air Force que l’AC-130J soit conçu à partir du C-130J-30. La version à fuselage rallongée permettait d’offrir un armement renforcé. Finalement en 2014 la question fut tranchée : fuselage traditionnel et non long. En fait les généraux américains voulaient que leur avion soit le plus proche possible dans sa définition du MC-130J Commando II d’infiltrations et d’exfiltrations. Trente-deux exemplaires en furent commandés en 2014. Le patronyme sélectionné était celui de Ghostrider, en référence au superhéros de comics éponyme.

L’une des idées envisagées alors était que l’AC-130J Ghostrider puisse emporter un canon laser mégajoules, à l’image de celui du Boeing YAL-1A. L’emploi d’une telle arme aurait nécessité qu’elle soit seule à bord et aurait rendu le recours sur le terrain des AC-130J plus complexe, en matière de secret industriel notamment. L’arme laser fut donc abandonnée. Lockheed-Martin proposa cependant à l’US Air Force de fonder une partie de l’arsenal sur la version Harvest Hawk des KC-130J Hercules de l’US Marines Corps. L’armement interne de l’avion résidait donc assez classiquement pour une canonnière volante en un obusier M102 de calibre 105 millimètres et d’un canon-mitrailleur GAU-23/A type Gatling de 30 millimètres de calibre. La nouveauté provenait alors de la possibilité d’emporter sous voilure jusqu’à huit missiles sol-air légers AGM-176 Griffin ou bien quatre munitions guidées GBU-39B. L’avionique avait été spécialement pensé pour ces armes, avec notamment le Precision Strike Package articulé autour de deux systèmes optroniques, l’un sous le nez de l’avion et le second sous le flanc gauche. Le premier exemplaire réalisa son vol inaugural en juin 2015 et fut livré au 73rd Special Operations Squadron stationné à Hulburt Field en Floride en février 2018. Le dernier l’a été en novembre 2022.

Avion radicalement nouveau vis-à-vis des versions précédentes le Lockheed-Martin AC-130J Ghostrider a obligé l’US Air Force à profondément revoir sa doctrine d’emploi des canonnières volantes. La présence missiles air-sol légers et de bombes guidées ne rend désormais plus obligatoire le recours à l’obusier de 105 millimètres. Le GBU-39B est suffisamment précise, de l’ordre métrique, pour apporter l’appui nécessaire aux forces spéciales. Cependant l’aspect psychologique de l’obusier n’est pas à prendre à la légère : il est réputé effrayer les ennemis.

De janvier 2019 à août 2021, époque du retrait des troupes américaines, plusieurs AC-130J Ghostrider étaient déployés en Afghanistan. Ils furent parmi les derniers avions à quitter le pays, assurant la protection des évacuations internationales de Kaboul. À la même époque ces avions étaient engagés régulièrement dans la traque et la neutralisation des groupes djihadistes d’Al-Qaïda et de Daech entre l’Irak et la Syrie. Cependant la décision de la Russie d’engager une guerre totale contre l’Ukraine en février 2022 a rebattu les cartes et rendu l’AC-130J relativement obsolète. Avion dédié à la guerre asymétrique il n’est pas adapté à la haute intensité face à un ennemi structuré et bien armé comme peut l’être la fédération de Russie.

En 2025 alors que les versions antérieures ont été retirées du service le Lockheed-Martin AC-130J Ghostrider demeure une des armes aériennes les plus impressionnantes de l’arsenal américain. Son emploi demeure cependant protégé par le fameux top secret, d’où le peu d’informations autour de lui.