Un pont aérien historique… et chaotique.

Par définition un pont aérien se fait dans l’urgence d’une situation dramatique. Pour autant celui mis en place depuis une semaine par les États-Unis et leurs alliés semble être un modèle d’impréparation alors même que la situation politique en Afghanistan était annoncée depuis plusieurs semaines. C’est ainsi que sur l’aéroport de Kaboul on croise désormais aussi bien des avions tactiques, des ravitailleurs en vol, ou encore des appareils de transport de hautes personnalités. Chacun y va de sa flotte militaire pour évacuer ses ressortissants ainsi que les Afghans les ayant aidés.

Une photo qui a fait le tour du monde : 823 réfugiés afghans se sont entassés à bord d’un C-17A Globemaster III.

Jusque là la référence absolue en matière de pont aérien c’était le Berliner Luftbrücke, permettant de ravitailler la capitale allemande sous blocus soviétique en 1948. Pas sûr que celui qui se joue actuellement à Kaboul le détrône. En une semaine les États-Unis et leurs alliés de l’Union Européenne mais également l’Australie, le Brésil, le Canada, la Grande Bretagne, et le Japon ont démontré une totale incapacité à travailler ensemble. Hormis les Américains, Britanniques, et Canadiens qui réussissent tant bien que mal à assurer 90% du travail au sol les autres pays sont véritablement dans les choux. Et encore la cohésion américano-anglo-canadienne s’effondre dès lors que l’on quitte le tarmac et les abords de l’aéroport : pour les vols c’est l’anarchie la plus complète.

En cause bien évidemment la prise du pouvoir afghan par les fondamentalistes islamistes talibans et l’effondrement du semblant d’état de droit que les alliés avaient réussi à mettre en place dans le pays. Fonctionnaires et militaires afghans n’étant plus payés depuis des mois les talibans n’ont eu aucun mal à prendre possession du pays. Dans certaines province cela s’est même fait sans le moindre coup de feu tiré. Dans le cas de Kaboul si on en croit l’AFP et Reuters cela a presque ressemblé à l’entrée de troupes dans une ville ouverte. Sauf que les talibans ne sont pas des libérateurs, ils sont même tout l’inverse.

Forcément les ambassades se sont fermées à vitesse grand V, les déchiqueteuses de papiers ont été remplacées par des brasiers afin d’éviter que les nouveaux maîtres de Kaboul ne tombent sur des documents trop sensibles. Conseillers militaires, diplomates, journalistes, et autres ressortissants civils ont donc du fuir au plus vite. Et cela dure depuis aujourd’hui une semaine. Et les talibans dans tout ça ? Assez curieusement ils laissent faire sans broncher même quand ces mêmes pays étrangers revendiquent de soustraire à l’Afghanistan ses intellectuels, universitaires, et décideurs.

Seulement voilà dans un pays aussi enclavé que l’Afghanistan tout se fait par voie aérienne. Au départ c’était simple : des Boeing C-17A Globemaster III et des Lockheed-Martin C-130J Super Hercules de l’US Air Force faisaient le job. Mais ensuite les pays européens ont voulu s’en mêler, imités en cela par les Australiens, Brésiliens, Britanniques, Canadiens, et Japonais. Et là le pont aérien à peu près cadré des Américains est parti en foire au n’importe quoi. Des Airbus A400M Atlas allemands, belges et français, un Airbus A319CJ slovaque, ou encore un McDonnell-Douglas KDC-10 néerlandais : tout est bon pour évacuer vite et bien des femmes et des hommes, et souvent aussi des enfants. Des hubs ont été aménagés un peu partout afin de permettre de rapatrier les ressortissants dans des conditions plus décentes mais sur le tarmac afghan c’est une forme d’anarchie qui règne.
L’US Air Force gère tout et réserve 85% des créneaux de décollage à ses propres avions. Sont ensuite prioritaires ses trois principaux alliés : Armée de l’Air et de l’Espace, Royal Air Force, et Royal Canadian Air Force. Et pour les autres ? Qu’ils se débrouillent avec ce qu’il reste comme temps. Et l’OTAN dans tout ça ? L’alliance Atlantique a déjà baissé les bras depuis de nombreuses semaines en Afghanistan.

Chacun fait avec ses moyens, à l’image ici des Tchèques.

Combien de temps durera encore ce pont aérien ? Personne ne le sait, mais tout le monde s’accorde pour dire qu’au 31 août 2021 rien ne sera terminé. Reste juste à savoir si d’ici là les talibans sauront demeurer aussi patients.

Photos © Armada Czeche, Bundeswehr, et US Air Force.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

3 réponses

  1. L’espagne fait un travail remarquable . C’est dommage de ne pas en parler. A Madrid Torrejón l’Espagne a mis en place un centre d’accueil qui est déjà au travail et très efficace.

  2. Surtout que l’aéroport Hamid Karzai n’a qu’une seule piste. Tour de controle et aiguilleur du ciel on oublie, les pilotes doivent tout gérer eux même pour éviter les accidents. Autre problèmes, pas moyen de faire le plein sur place donc les avions ont intérêt d’arriver avec assez de kérosène pour pouvoir faire le trajet du retour.

    1. Dubaï Kaboul c’est environ 1500 km pas de grand problème pour faire un AR en A 400 sans refaire le plein. En effet il est préférable d’être ami avec les américains, mais s’il se réserve 90% des créneaux ils ne les utilisent pas tous donc il y a de la place pour les autres.

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