En France on aime bien se moquer de nos voisins suisses, jamais méchamment, souvent de manière assez sarcastique. Après l’affaire des chasseurs ne volant qu’aux heures de bureau ou encore les surcoûts du contrat F-35A Lightning II l’affaire qui empoisonne le domaine militaire local concerne une fois de plus l’aérien : le drone MALE Elbit Hermes 900. Localement connus comme ADS 15 ces engins cumulent galères sur galères et en filigrane se dessine même ce qui pourrait ressembler à un scandale d’état. Et pendant ce temps là le monde de l’aviation se bidonne.
Il y a deux affaires différentes dans l’affaire de l’Hermes 900. Il y a celle qui fait marrer et celle qui ne fait pas rire du tout. Et comme il faut toujours garder le meilleur pour la fin on va commencer par l’affaire sérieuse, assez grave même.
Plusieurs organisations humanitaires ont déposé à la mi juin devant la cour suprême du canton de Berne une requête afin d’obtenir le contrat d’acquisition des six drones Elbit Hermes 900. Dans un pays ayant élevé la démocratie participative au rang d’art de vivre cela n’aurait dû choquer personne et la procédure serait passée comme une lettre à la poste. D’autant que les parties justifiaient leur demande sous trois axes différents : l’immoralité du contrat, la violation du droit public, et enfin la violation du droit international. On pourrait discuter sans cesse de leurs motivations, toujours est-il qu’au moins ils ont des arguments. Et c’est la décision prise cette semaine par des juges qui interroge en Suisse : ils ont catégoriquement refusé tout accès au dossier sans apporter la moindre argumentation. Comme si la Suisse avait des choses à cacher. Un recours a été demandé devant le tribunal fédéral, lequel a désormais trois mois pour statuer. Ça c’est affaire sérieuse dans l’affaire des drones Hermes 900.
Et puis il y a celle qui fait se bidonner tout le monde. Particularité notable elle est au moins aussi sérieuse que l’affaire des ONG. Les deux premiers Hermes 900 ont été livrés début 2023 mais ne sont toujours pas opérationnels. Bon initialement ils auraient dû l’être quatre ans auparavant. Le calendrier prévisionnel indiquait les deux premiers drones livrés en 2019, l’intégralité en 2023, et la flotte totalement opérationnelle un an plus tard. Le compte n’y est pas. Mais là où cela devient franchement risible c’est qu’au-delà des retards l’industriel israélien livre à la Suisse des engins qui ne sont pas aptes à servir dans un pays alpin. Le DDPS, le puissant Département fédéral de la Défense, de la Protection de la population et des Sports reconnait lui même quatre renonciations (pour rependre son terme officiel) dans le programme ADS 15. Accrochez vous car il n’est pas impossible qui vous éclatiez de rire en les lisant :
- Absence du système d’évitement automatique Detect & Avoid obligeant à la présence d’un aéronef d’escorte dans l’espace aérien non contrôlé. Le niveau sonore de cet avion ou de cet hélico d’accompagnement risque bien de trahir la présence du drone ADS 15.
- Restriction de temps de vol au-dessus des zones urbanisées. L’ADS 15 ne pourra donc globalement pas survoler les villes et villages suisses.
- Défaut de système de décollage et d’atterrissage indépendant du guidage par GPS. Ce qui implique que l’ADS 15 ne pourra pas décoller en cas de présence sur sa base de rattachement de nappes de brouillard, de pluies intenses, ou encore de flocons de neige.
- Absence d’un équipement de dégivrage. Là encore en cas de températures trop basses, flirtant avec zéro degré Celsius, l’ADS 15 ne pourra pas décoller et donc voler.
Si le point numéro 1 peut faire autant se marrer que feue la disposition administrative autour des horaires de bureau les points numéro 3 et 4 sont gravissimes (et là encore très drôles) quand on sait que la Suisse est un pays de montagnes où l’hiver la neige et le verglas sont omniprésents.
Pour faire simple, et loin de toute caricature (quoique…) les drones Hermes 900 suisses pourront voler en journée, par beau temps, pas trop frais, au-dessus des alpages et montagnes, pas trop haut afin de ne pas givrer, et le tout sous la surveillance d’un Eurocopter EC-635 ou d’un McDonnell-Douglas F/A-18C Hornet qui leur servira de poisson pilote. Avec ces ADS 15 on n’a vraiment pas fini de se marrer !!!
Photo © DDPS
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12 réponses
Bonjour Arnaud,
une question me taraude: des organisations humanitaires suisses ont demandé des drones militaires? Mais pour quel(s) usage(s) au dessus de la Suisse?
J’ai relu la phrase deux fois moi aussi. Ils veulent juste lire les contrats des drones, pas les utiliser.Hahaha.
Vu que c’est le département fédéral de la défense et des SPORTS, ils peuvent peut-être s’en servir pour filmer les compétitions de ski?
j’ai l’impression que nous avons mal compris Balb: en fait des ONG demandent de rendre des comptes sur cette commande militaire qui semble tourner au fiasco, tant opérationnel que politique. C’est la phase préliminaire d’entrainement, car avec les F35 ce sera ça puissance dix. Un refus d’accès au dossier par les Juges Fédéraux, c’est moins pire que les dossiers d’évaluation de leurs futurs avions de combat qui ont subitement disparu au lendemain du passage du président Biden. Ça c’est carrément du niveau d’une république bananière.
Les choses s’arrangeront avec le réchauffement climatique (qui donc n’a pas que des aspects négatifs): moins de périodes de gel/verglas, et plus de couleuvres.
Voici l’affaire résumée version autodérision suisse: https://youtu.be/NuW72K8nb20?si=ck1TFey6rpCgGtQB
« 52 minutes » est une émission suisse extrêmement drôle un peu sur le même principe que « le grand cactus » en Belgique ou que feu « NPA » en France.
Oui je connais les deux émissions belges et suisses depuis plusieurs années.
Je ne connaissais pas cette émission!
Merci pour cette découverte! Très drôle effectivement
Et pour le plaisir les 2 même personnes nous expliquent ‘Les forces aériennes suisses ne sont disponibles que pendant les heures de bureau’: https://www.youtube.com/watch?v=SvZbWsihHBk
Sur la RTS il y a plus de 11 ans quand même.
« le Gripen is great », ma we’re going to F35 kaufen.
Petite discussion entre amis :
– Et la blagonette helvéte, ça leur a coûté combien….?
– Chut !! Pas le droit de savoir, secret bancaire et judiciaire obligent. Comme disait Coluche, il y a des milieux « autorisés » , et nous, on n’y est pas!
– Donc pour le F35, ça se passe comment ?
– Ben, pareil. On prend la même équipe de bras cassés et on recommence…. Mais en mieux. Je ne savais pas que les Suisses pouvaient jouer les comiques de service, surtout le DDPS, qui semble être bad to the bone. Ils sont trop fort ces Suisses.
On a déjà dit qu’on parlait pas d’argent avec nos amis suisses. Ils le prennent mal. Les Suisses ont de l’humour mais pas sur l’argent, pas sur le chocolat, pas sur les votations, pas sur la neutralité, et pas sur la propreté. Mais sinon ils ont de l’humour.
Salut ARNAUD et les Passionnés,
C’est un véritable scandale que nos amis suisses vont devoir gérer, non seulement au niveau du contrat lui-même, mais aussi et surtout sur les possibles corruptions et pressions qui ont amené ces dirigeants de l’époque à opter pour ce « couteau » qui n’a rien, mais vraiment rien de Suisse, si ce n’est la « suffisance » et la « haute estime de soi ». Exactement ceux que certains de nos amis suisses nous reprochaient il y a peu sur des sites comme Avia News à la botte du pouvoir, lorsque les p’tits français enrageaient après cette décision surprise d’opter pour le F35…
Je ne peux que vous conseiller de regarder cette vidéo de RTS, Radio Télévision Suisse », sur ce sujet brûlant, qui met bien en lumière la Naïveté et l’Amateurisme avec lesquels ces soi-disant « Responsables » suisses ont rendu leur verdict. Je ne sais pas si nous devons en rigoler, enrager (et oui, ce sont les concurrents du F35 qui ont été pénalisé dans ce jeu de dés pipés), ou plaindre les Suisses devant de tant de « suffisance » et « cynisme »….Affligeant !
Et nous savons de quoi nous parlons, nous les Franchouillards, avec certains de nos anciens dirigeants français…Avions Renifleurs, Rétro-commissions sur contrat d’armement, Corruptions,…nous pourrions même donner quelques leçons dans ce domaine aux Suisses…
Aéronautiquement,