Le Douglas A-20 Havoc demeure l’un des bombardiers légers bimoteurs les plus prolifiques et polyvalents de la Seconde Guerre mondiale, bien qu’il n’ait jamais connu la notoriété des appareils emblématiques de l’époque tels que le North American B-25 Mitchell. Développé à la fin des années 1930 dans un contexte d’effervescence technologique, il fut conçu dès l’origine comme un avion d’attaque rapide, capable d’intervenir à basse altitude, de jour comme de nuit, et de remplir des missions variées : bombardement tactique, appui rapproché, intercepteur nocturne, voire attaque à la torpille. Sa robustesse, sa maniabilité et sa capacité à encaisser des dégâts en firent un avion très apprécié de ses équipages, qui saluaient unanimement sa tendance à « ramener tout le monde à la maison ».
L’origine du A-20 remonte au projet Douglas Model 7B, élaboré dès 1936. Le prototype effectua son premier vol en octobre de la même année. Le concept reposait sur un avion d’attaque compact et agile, propulsé par deux moteurs en étoile, et dont la conception aérodynamique privilégiait la vitesse et la manœuvrabilité sur la capacité d’emport stratégique. Bien que les États-Unis ne s’intéressèrent initialement que de loin à l’appareil, c’est la France, en pleine phase de réarmement, qui passa la première commande importante en 1939 pour 270 exemplaires. Ceux-ci furent désignés DB-7 (pour Douglas Bomber). En raison de la capitulation française en juin 1940, seuls 64 de ces appareils purent être livrés à temps, et furent engagés avec succès par l’Armée de l’air lors de la bataille de France.
Le reste de la commande française, 20 DB-7 et 146 DB-7B, fut cédé à la Royal Air Force, qui les désigna Boston Mk I et Mk II. Cependant, les premiers exemplaires souffraient d’un rayon d’action jugé trop limité pour des opérations de bombardement diurne sur le continent. Une partie fut alors convertie pour des missions de chasse nocturne ou d’attaque de nuit, et redésignée Havoc, terme qui incarne bien la violence de leur mission. Les variantes ultérieures, avec rayon d’action étendu, conservèrent le nom Boston, utilisé dans les rôles de bombardement plus classiques.
Les États-Unis finirent par adopter l’appareil sous la désignation officielle de A-20 Havoc, après des essais convaincants. La première version retenue par l’US Army Air Forces fut le A-20A, une version sans turbocompresseurs, construite à 143 exemplaires. Les premiers appareils de série équipés de moteurs turbocompressés, au nombre de 63, marquèrent les débuts de l’USAAF avec cet avion en 1941. Engagé sur les deux grands théâtres de la guerre, en Europe comme dans le Pacifique, il se fit rapidement remarquer par sa vitesse de croisière élevée, proche de celle de nombreux chasseurs de l’époque, et sa capacité à encaisser des dégâts tout en restant maniable à basse altitude. Dès l’été 1942, les A-20 commencèrent à voler au ras des flots dans le Pacifique, causant des ravages dans les rangs japonais, tant sur les flottes que sur les installations côtières, justifiant pleinement leur appellation opérationnelle.
Plusieurs versions du Douglas A-20 virent le jour au fil de la guerre, répondant à des besoins tactiques variés. Le A-20B (999 exemplaires) renforça l’armement offensif, avec des mitrailleuses de calibre .50 (12,7 mm). Le A-20C (948 exemplaires), quant à lui, offrait une capacité d’emport de torpilles, étendant ainsi la mission à la lutte anti-navire. Le véritable tournant intervint avec le A-20G, produit à 2 850 exemplaires, qui abandonna le nez vitré au profit d’un nez plein équipé de deux mitrailleuses de 12,7 mm et de quatre canons de 20 mm, en faisant un redoutable avion d’attaque au sol. Certaines variantes de ce modèle reçurent jusqu’à six mitrailleuses lourdes dans le nez. Le A-20H (412 unités), très similaire au G, était doté de moteurs plus puissants, améliorant sensiblement la vitesse. Enfin, les versions A-20J (450 exemplaires) et A-20K (413 exemplaires) réintroduisirent le nez vitré pour des missions de bombardement nécessitant un bombardier-navigateur.
Parallèlement, la Royal Air Force reçut d’importantes livraisons de ces appareils sous des désignations adaptées. Les Boston Mk III, correspondant aux A-20C américains remotorisés, furent livrés à hauteur de 635 exemplaires. S’y ajoutèrent 200 Boston Mk IIIA, équivalents aux A-20C modifiés selon les standards britanniques, ainsi que 169 Boston Mk IV (dérivés du A-20G avec tourelle dorsale) et 90 Boston Mk V, qui conservaient le nez vitré. Ces appareils participèrent activement aux opérations de la RAF sur le front européen, notamment dans les campagnes de bombardement tactique et les opérations combinées.
L’un des plus grands utilisateurs du A-20 Havoc fut toutefois l’Union soviétique, à laquelle les États-Unis cédèrent près de 3 000 exemplaires via le programme de prêt-bail (Lend-Lease). Là, l’appareil fut très apprécié pour sa robustesse et sa souplesse d’emploi. Engagé dans les rôles d’attaque au sol, d’interdiction aérienne et de lutte antinavire sur le front de l’Est, il joua un rôle important dans les grandes offensives soviétiques de 1943 à 1945. La capacité du Havoc à opérer depuis des terrains sommairement aménagés, sa fiabilité mécanique et sa résistance aux tirs adverses furent des atouts majeurs pour les forces aériennes soviétiques, qui en firent l’un de leurs bombardiers légers favoris.
Doté d’une envergure de 18,7 mètres, d’une longueur de 14,6 mètres et d’une masse maximale au décollage d’environ 10 tonnes, le Douglas A-20 atteignait des vitesses de l’ordre de 520 à 560 km/h selon les versions, ce qui le plaçait parmi les plus rapides de sa catégorie. Sa charge offensive standard variait entre 900 et 1 800 kg de bombes internes et externes, et il pouvait emporter des torpilles ou des roquettes sur certains modèles. L’équipage comprenait généralement trois membres : pilote, bombardier/mitrailleur avant (ou artilleur selon la configuration) et mitrailleur arrière.
Produit à 7478 exemplaires entre 1939 et 1944, le A-20 fut progressivement remplacé à partir de cette date par des appareils plus modernes. Le Douglas A-26 Invader reprit le rôle d’avion d’attaque tactique, avec une autonomie, une capacité d’emport et une puissance de feu accrues. Dans le domaine du bombardement moyen, c’est le Martin B-26 Marauder qui poursuivit les missions tactiques dans les unités de première ligne.
Malgré sa mise à l’écart progressive en 1944, le Douglas A-20 Havoc laissa une empreinte significative dans les forces alliées. Appareil sous-estimé par l’historiographie, il démontra une remarquable adaptabilité, capable de remplir presque toutes les missions tactiques dans des environnements variés, des jungles du Pacifique aux plaines gelées de Russie. Sa carrière discrète mais efficace, ses nombreuses variantes, et l’estime de ses équipages font du A-20 un remarquable représentant de cette génération d’avions « polymorphes », conçus avant-guerre mais portés à pleine maturité au cœur du plus vaste conflit mondial.
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