Début décembre 1918 avec l’aval discret des Britanniques et des Français l’ingénieur néerlandais Anthony Fokker organisa un gigantesque convoi ferroviaire entre l’Allemagne et les Pays-Bas. Fort de 360 wagons répartis équitablement en six trains différents il permit d’évacuer les machines, presses hydrauliques, plans, et même certains avions produits durant le conflit. De cette manière l’activité industrielle de sa société put se poursuivre sans avoir à craindre les restrictions ordonnées quelques mois plus tard par le Traité de Versailles. Parmi les aéronefs qui firent le voyage de cette manière figurait le premier avion de reconnaissance de l’entreprise : le Fokker C.I.
Hormis peut-être son concepteur Reinhold Platz bien peu pouvaient penser en janvier 1918 que le Fokker D.VII qui venait de réaliser son premier vol allait devenir un des chasseurs les plus marquants de l’histoire de l’aviation. Pourtant très rapidement l’avion s’imposa auprès de la Luftstreikräfte comme une pièce maîtresse de l’effort de guerre allemand. Si bien qu’Anthony Fokker demanda à son ingénieur chef d’en étudier une version dérivée dédiée aux missions de reconnaissance tactique. Aussi surprenant que cela paraisse l’avionneur n’en avait pas encore conçu de tout le conflit.
Dans la nomenclature de l’Idflieg le nouvel avion reçut la désignation de Fokker V38. C’est à dire le 38e avion Fokker du type Versuchs. Autant dire donc qu’il s’agissait du 38e prototype de ce constructeur. Platz eut l’idée d’allonger le fuselage du D.VII afin d’y intégrer le poste de l’observateur et d’augmenter l’envergure de la voilure rendant ainsi l’avion plus stable à haute altitude. Il conserva par contre le moteur à six cylindres en ligne BMW IIIa de 185 chevaux d’origine ainsi que son hélice bipale en bois. Niveau construction pure le V38 conservait l’usinage en bois entoilé et contreplaqué. L’armement se composait d’une mitrailleuse MG de calibre 7.92 millimètre synchronisée tirant en position de chasse et d’une seconde identique montée sur affût annulaire mobile arrière.
Le premier vol du prototype eut lieu en juillet 1918 et très rapidement l’état-major impérial allemand passa commande pour 200 exemplaires de série connus comme Fokker C.I.
Malheureusement pour la Luftstreikräfte l’Armistice du 11 novembre 1918 arriva avant que les premiers C.I de série ne soient livrés. Soixante-dix d’entre eux furent démontés et embarquèrent dans un des six convois ferroviaires à destination des Pays-Bas. Ils y furent remonté dès le début de l’année 1919 et proposés au Luchtvaartafdeling, l’ancêtre de l’actuelle Koninklijke Luchtmacht. Celui-ci les accepta mais à une condition : qu’ils disposent désormais d’un lance-bombes pour six projectiles de 7.5 kilogrammes chacun. Tous les C.I furent modifiés de la sorte.
Parallèlement au Luchtvaartafdeling le Fokker C.I suscita l’intérêt de la Koninklijke Marine. Cette aéronavale acheta seize exemplaires sur lesquels les six bombes furent remplacées par quatre charges de profondeurs de 10 kilogrammes chacune. Ces avions servirent à la reconnaissance côtière et à la lutte anti-sous-marine de l’été 1920 à fin 1936. Auprès des marins néerlandais le C.I avait la réputation d’être un avion sûr mais un peu trop fragile lorsque la météo était mauvaise, ce qui est rappelons le assez fréquent en Mer du Nord.
Bien moins que le D.VII à la même époque le C.I connut cependant un petit succès à l’export avec des machines vendues à l’aéronavale américaine, à titre expérimental, et aux aviations militaires danoises et soviétiques. Cette dernière fut, avec une quarantaine d’exemplaires achetés, sa principale cliente à l’export. L’URSS qui les appela alors R-2 les conserva jusqu’en 1936 date de leur remplacement par le Polikarpov R-5 de constructeur indigène.
L’ingénieur Reinhold Platz dériva deux avions du C.I sous la forme des C.II et C.III. Le premier était un triplace de liaison et le second un biplace d’observation doté d’une double commande permettant ainsi de réaliser des missions d’entraînement. Aucun des deux ne dépassa le stade du prototype. Pourtant les enseignements du C.II lui permirent ensuite de gommer les erreurs de son F.I jamais construit et de produire à une vingtaine d’exemplaires le F.II, le premier avion de ligne néerlandais. Le Fokker C.III fut ensuite revendu sur le marché espagnol.
S’il ne reste aujourd’hui plus rien de lui le Fokker C.I est tout de même l’héritier direct du génial D.VII et le précurseur d’une lignée d’avions de reconnaissance allant du C.IV à l’hydravion C.XIV-W en passant bien entendu par le célèbre Fokker C.V. Il faut d’ailleurs souligner que Reinhold Platz étudia une version à flotteurs du C.I sans pour autant jamais pousser plus loin ses travaux. Il demeure aussi le premier avion néerlandais d’Anthony Fokker.
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