KhAZ XA3-30

Au lendemain de l’effondrement de l’empire soviétique, au tout début des années 1990, la puissante industrie aéronautique d’URSS fut à deux doigts de disparaitre. Une partition se fit alors, principalement entre la Russie et l’Ukraine. Tandis que la première conservait les bureaux d’études Mikoyan, Sukhoi, Tupolev, ou encore Yakovlev la seconde récupéra logiquement Antonov dont les locaux avaient toujours été situés en périphérie de Kyïv. Au fur et à mesure que les Ukrainiens adoptèrent l’économie de marché et ses règles des avionneurs firent leur apparition, des sociétés non issues de l’éclatement soviétique apportant de ce fait un véritable sang neuf. Certaines n’eurent qu’une production marginale tandis que d’autres réussirent même à fournir les militaires locaux. Ce fut le cas de KhAZ et de son monoplan ultra-léger d’entraînement primaire XA3-30.

C’est au début de l’année 2005 que les époux Shkurenko, Viacheslav et Svetlana, tous deux ingénieurs en conception aéronautique proposèrent à la société KhAZ de développer un avion léger d’entraînement et de voltige aérienne. Celui ci devait, selon eux, être à même de conquérir les marchés en Europe occidentale et en Amérique du nord. Les responsables de l’avionneur acceptèrent et lui donnèrent la désignation de ViS, reprenant ainsi les initiales de chacun des deux époux.

Viacheslav et Svetlana Shkurenko dessinèrent alors un avion très simple, de taille très compact. Monoplan à aile haute de construction mixte en alliages légers de métaux et matériaux composites leur ViS était animé par un moteur Rotax 912 à quatre cylindres à plat. Celui-ci développait 99 chevaux et entraînait une hélice en fibre de carbone. Pour le reste leur avion possédait un petit poste de pilotage biplace côte à côte largement vitré, un empennage classique, et un train d’atterrissage tricycle fixe.
Deux prototypes en furent développés, désignés ViS-3 et ViS-5.

Le premier vol du KhAZ ViS intervint le 8 octobre 2006. Très rapidement il interloqua de nombreux observateurs internationaux qui voyaient en lui le renouveau de l’aéronautique ukrainienne, au-delà des nouveaux avions produits par Antonov. Le second prototype ne vola jamais, non pas pour des raisons financières ou technologiques mais parce que Viacheslav et Svetlana Shkurenko l’avaient pensé comme plastron pour les essais statiques. Celui-ci permit de corriger quelques erreurs présentes sur le prototype, notamment au niveau des volets mais aussi de l’empennage et du train d’atterrissage.

Finalement le KhAZ ViS obtint sa certification de type par l’aviation civile ukrainienne en mai 2012. Sa production en série fut alors lancée sous la désignation de XA3-30. Cinq exemplaires furent alors achetés par une école de pilotage sise à Kyïv et deux autres par deux clients ukrainiens privés différents. L’avion cependant rata sa certification européenne pour des raisons de sécurité. Il était présenté comme U.L.M. et non comme avion de tourisme.

Moins de deux ans après cette certification, en janvier 2014, le ministère ukrainien de la défense passa commande pour dix exemplaires du KhAZ XA3-30. Pourtant l’avion n’était destiné ni à la force aérienne ukrainienne ni à la marine mais à une structure parapublique en charge de la sélection en vol des futurs pilotes pour ces deux forces. Par rapport aux avions civils les XA3-30 du ministère ukrainien de la défense n’emportaient aucun GPS se contentant d’équipements analogiques. Les deux sièges furent également allégés au maximum, permettant aux avions militaires de gagné 32 kilogrammes donc de l’autonomie.

Les six premiers KhAZ XA3-30 militaires ukrainiens entrèrent en service à l’été 2015 débutant immédiatement leur fonction de sélection en vol. Réalisant des figures de voltiges ils devaient permettre d’identifier les candidats et candidates inaptes au pilotage. En plus d’enchaîner les figures les jeunes cadets devaient, comme partout ailleurs dans le monde en sélection en vol, réussirent des tests de raisonnement, d’algèbre, ou encore de logique. Sauf qu’ils le faisaient en encaissant les G et la plus part du temps la tête à l’envers.
Dans un souci purement économique ce furent les usines KhAZ de Kharkiv, où ils avaient été construits, qui assuraient les grandes visites techniques de ces avions.

Plusieurs s’y trouvaient, entre trois et cinq selon nos sources, lorsqu’au matin du 24 février 2022 la fédération de Russie a décidé d’attaquer et d’envahir l’Ukraine souveraine. Plusieurs sites industriels majeurs de la région de Kharkiv furent bombardés par l’aviation russe donc les ateliers et usines KhAZ. Il semble qu’aucun des XA3-30 présents sur place n’en aient réchappés. Les autres avions ont été envoyés plus à l’ouest, hors de portée des armées russes mais pas de leurs missiles de croisière. Depuis le début de la guerre les XA3-30 survivants ont cessé de voler, pour d’évidentes raisons de sécurité : de lents avions de sélection en vol auraient représenté des cibles de choix pour les pilotes de la chasse russe.

Le KhAZ XA3-30 est un avion léger qui n’est pas dénué de défauts. Pour autant il marque une étape importante dans l’aventure technologique ukrainienne post-soviétique. Il est intéressant de voir que cet avion est parfois appelé KhAZ-30, même si cette désignation est très officieuse. On ignore si après la guerre contre la Russie sa production reprendra à Kharkiv ou ailleurs dans le pays.