Loring R-3

Si elle est aujourd’hui une actrice essentielle de l’industrie aéronautique européenne, au travers de sa participation au groupe Airbus, l’Espagne n’a pas toujours brillée par ses productions. Venue plus tardivement que la France, la Grande Bretagne, ou encore l’Italie au développement et à la production d’avions et d’hydravions elle a vraiment dû attendre l’entre-deux-guerres pour exister… timidement. Sa première véritable réussite fut un sesquiplan de reconnaissance armée destiné aux besoins indigènes. Il s’agit du Loring R-3.

C’est sous la dictature religieuse et ultranationaliste de Miguel Primo de Riveira, entre septembre 1923 et janvier 1930, que l’industrie aéronautique espagnole s’est réellement développée. À cette époque l’Aeronáutica Española, ancêtre de l’actuelle Ejercito del Aire y del Espacio, utilise principalement des aéronefs britanniques et français. Ses avions de reconnaissance standard sont encore les Airco D.H.4 et D.H.9 hérités de la Première Guerre mondiale. La tentative quelques mois auparavant de construire un premier avion espagnol dédié à cette mission n’a pas eu le succès escompté. Le Loring R-1 n’a pas été assemblé à plus de trente exemplaires, principalement du fait d’une fiabilité discutable. Les responsables de l’avionneur ont alors la pression.

D’autant que depuis la France le lourd biplan Potez 25 semble particulièrement adapté aux besoins espagnols. Les bureaux d’études de Loring décident donc de revoir profondément leur copie et de repartir de zéro. Si leur R-1 n’a jamais été jamais satisfaisant ils sauront faire mieux. Un prototype sous la désignation de R-2 voit le jour à la fin de l’année 1925. Le moteur Elizalde A de 450 chevaux à douze cylindres en W du R-1 laisse la place à un Hispano-Suiza 12Hb à douze cylindres également mais cette fois en V et développant 600 chevaux. Si le R-1 avait été développé en bois et toile le R-2 lui dispose alors d’une structure plus moderne en bois contreplaqué et tubes d’acier. Sa voilure est également largement nouvelle avec une architecture en sesquiplan, c’est à dire avec un plan inférieur moitié moins important que le plan supérieur. Cette configuration doit permettre au R-2 d’être plus manœuvrable et de voler plus vite. Ce prototype réalise son premier vol en février 1926.

Deux mois plus tard il affronte en compétition le Potez 25 français. Et contre toutes attentes il le surclasse. La version de série du Loring R-2 est commandée à 110 exemplaires sous la désignation de R-3. Les premiers exemplaires entrent en service en septembre 1926, remplaçant en priorité les D.H.4. À la même époque Loring cherche à développer deux versions très différentes du R-2 sous la forme d’un monoplace de chasse appelé C-1 et d’un biplace d’entraînement initial et intermédiaire désigné T-1. Tous deux sont cependant des échecs et ne dépasse pas le stade du prototype.

En parallèle les Loring R-3 réalisent leurs missions de manière efficace. Début 1930 ils ont définitivement remplacé tous les biplans de reconnaissance d’origine britannique. Ils ont également pris le relais des peu réussis AME Modelo VI et Loring R-1 également de production locale. En 1932 ils remplacent les derniers Fokker C.IV (qui d’ailleurs avaient été produits localement par Loring) devenant les seuls et uniques avions de reconnaissance de l’Aeronáutica Española. Une majorité d’entre eux est encore opérationnelle quand la guerre civile éclate à l’été 1936. Des R-3 combattront dans les deux camps, républicains et franquistes, et seront détruits dans les deux camps. En avril 1939 quand ce conflit meurtrier s’arrête seule une trentaine de R-3 est encore opérationnelle. Ces sesquiplans ont assuré des missions de reconnaissance armée bien sûr mais aussi de harcèlement des troupes ennemies pour le compte de l’aviation franquiste. Ils sont retirés du service au début de l’été 1939 aux profits du Heinkel He 46 allemand. La quasi totalité des avions est alors envoyée à la ferraille.

De nos jours il ne demeure plus rien de celui qui fut le premier avion espagnol construit en grande série. De l’avis de ses pilotes le Loring R-3 était un excellent appareil, pardonnant beaucoup les erreurs de pilotage. Du fait de la faible expérience espagnole il ne fut pas exporté et ne servit que sous la cocarde jaune et orange.