Tupolev Tu-142 ‘Bear-F’

Fiche d'identité

Appareil : Tupolev Tu-142 ‘Bear-F’
Constructeur : Tupolev A. N.
Désignation : Tu-142
Nom / Surnom :
Code allié / OTAN : Bear-F
Variante : Tu-95PLO
Mise en service : 1972
Pays d'origine : U.R.S.S.
Catégorie : Avions de reconnaissance
Rôle et missions : Avion de patrouille maritime, reconnaissance maritime, lutte anti-sous-marine, relais de communications

Sommaire

“ Le géant soviétique de lutte anti-sous-marine ”

Histoire de l'appareil

Au début des années 1960 l’US Navy fit entrer en service les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de classe James Madison et Lafayette. Armés de missiles balistiques UGM-27 Polaris et UGM-73 Poseidon ils avaient clairement été conçus pour permettre aux États-Unis de cibler les principales villes d’Union Soviétique. Léningrad et Moscou étaient bien sûr les objectifs prioritaire de ces armes de destruction massive mais également Kiev, Minsk, ou encore Vladivostok. Il était urgent pour les forces aéronavales soviétiques de disposer d’un aéronef apte à traquer des heures durant ces submersibles extrêmement dangereux. Le résultat des travaux fut un étonnant avion quadrimoteur à turbopropulseur : le Tupolev Tu-142.

En cette décennie 1960 l’Union Soviétique possédait une des forces navales les plus puissantes du monde, avec des bâtiments de surface par dizaines. Pour autant sa flotte aérienne de patrouille maritime reposait encore quasi exclusivement sur des hydravions et amphibies. Les Beriev Be-6 Madge en formaient l’épine dorsale tandis que les Be-12 Mail faisaient peu à peu leur apparition. Quelques rares bombardiers à réaction Tupolev Tu-16KS Badger-B furent modifiés en ce sens au début de la décennie.
En fait à la même époque l’aéronavale soviétique attendait son premier véritable avion de patrouille maritime et de lutte anti-sous-marine digne de ce nom : l’Ilyushin Il-38 May.

Aussi l’idée de développer un avion de nouvelle génération ne fut pas forcément accueilli de la meilleure des manières par le bureau d’étude Ilyushin. Ses décideurs tentèrent d’expliquer au Kremlin que le futur Il-38 serait parfaitement adapté à la situation. Chacun savait que c’était faux. Le cahier des charges prévoyait un avion disposant d’un rayon d’action tellement gigantesque qu’il est impensable que ce dérivé de l’avion de ligne Il-18 Coot puisse y répondre efficacement.
L’avionneur Tupolev eut alors une idée assez révolutionnaire : ne pas développer de nouvelle machine. Il comptait s’appuyer sur son bombardier stratégique quadrimoteur à turbopropulseurs Tu-95 Bear.

Initialement désigné Tu-95PLO (pour Protivo Lodochnaya Oborona, c’est à dire lutte anti-sous-marine) l’avion se présentait comme un bombardier fortement modifié.
Un système d’imagerie thermique et un détecteur d’anomalie magnétique, ou MAD, furent installés. Le premier permettait le repérage des navires en surface et le second la détection des submersibles en plongée. Doté d’une charge de combat de 9000 kilogrammes le Tu-95PLO disposait d’un rayon d’action de 9200 kilomètres, supérieur donc aux 8500 kilomètres initialement réclamés par Moscou.
En février 1963 la désignation de l’avion fut modifiée en Tupolev Tu-142.

Extérieurement le Tupolev Tu-142 ne pouvait pas cacher sa filiation avec le bombardier Tu-95. Comme lui il était de construction entièrement métallique et possédait une voilure en flèche supportant quatre turbopropulseurs Kuznetsov NK-12MV d’une puissance unitaire de 15000 chevaux. Chacun disposait de deux hélices contrarotatives à quatre pale chacune.
Niveau armement défensif le Tu-142 ne conservait que la tourelle de queue et ses deux canons mitrailleurs de calibre 23 millimètres. La charge offensive de 9000 kilogrammes se composait principalement de charges de profondeurs et de mines. L’avion pouvait aussi emporter des torpilles ainsi que des paniers à roquettes de 57 millimètres sous voilure.
C’est véritablement l’avionique qui faisait la différence entre Tu-95 et Tu-142. Le révolutionnaire radar omnidirectionnel Berkut permettait à l’équipage de surveiller les mers dans un rayon de 360 degrés.

C’est depuis le terrain d’aviation de l’usine de Samara où il venait d’être assemblé que les services de renseignement américains ont eu la confirmation de l’existence de l’avion. Dans un premier temps ils l’ont identifié comme un bombardier de reconnaissance stratégique. Il reçut en mars 1968 la désignation de Bear-F dans la nomenclature de l’OTAN.
Quelques semaines plus tard le 18 juin 1968 le prototype Tu-142 réalisait son premier vol. La campagne d’essais démontra que l’avion était parfaitement apte à servir.

Les douze premiers Tupolev Tu-142 Bear-F entrèrent en service dans l’aéronavale soviétique en décembre 1972. Ils représentèrent immédiatement une menace pour l’US Navy. Avec leur vitesse de croisière à basse altitude de 700 kilomètres heures ces quadrimoteurs géants étaient pris très au sérieux par les services officiels occidentaux. Ils devinrent la crainte numéro 1 des équipages de navires et de sous-marins américains et ouest-européens.
La désinformation du KGB réussit à cette époque à faire croire que la marine soviétique alignait une quarantaine de Tu-142 contre douze dans la réalité des faits.
Une fois encore c’est une menace sous-marine qui donna un coup d’accélérateur au géant soviétique de patrouille maritime.

En 1976 l’US Navy lança ses premiers sous-marins nucléaire d’attaque de classe Los Angeles. Considérés comme totalement furtifs par les services de renseignement soviétiques ils représentaient une menace crédible pour Moscou. Non pas que leur armement composé alors exclusivement de torpilles et de missiles antinavires UGM-84 Harpoon à changement de milieu inquiétait à outre-mesure les décideurs soviétiques. En fait les classes Los Angeles étaient avant tout vus comme des outils de renseignement de premier plan. Ce que factuellement ils étaient.
En réponse quarante-trois Tu-142MK furent commandés. Désormais la torpille n’était plus optionnelle mais permanente et un radar de recherche Korshun plus efficace de nuit faisait son apparition. Un sonar traînant pouvait être mis à l’eau à condition que l’avion vola très bas et à faible vitesse. Les douze Tu-142 furent modifiés également dans ce sens sous la désignation Tu-142M. Les premiers Tu-142MK entrèrent en service en 1983.
À cette époque les sous-marins de classe Los Angeles s’étaient dotés d’un nouvel armement qui causa pas mal d’inquiétudes à Moscou : le missile de croisière à changement de milieu UGM-109 Tomahawk.

Les années 1980 virent l’apparition de nouvelles versions désignées Tu-142M3 dotés de nouveaux turbopropulseurs plus économiques et Tu-142MK-E destinés à l’export. Seule l’Indian Navy l’acheta, à hauteur de huit exemplaires livrés à partir de 1988.
En Inde le rôle premier de ces avions était de rechercher les deux sous-marins pakistanais de classe Agosta 70 de facture française. En service depuis 1979-1980 ils étaient considérés comme représentant un danger réel pour la souveraineté indienne. Malheureusement pour eux les Tu-142MK-E indiens ne furent jamais pleinement opérationnels tous en même temps. Ils souffraient de pannes chroniques reconnues comme telles en raison du climat local. La solution ne fut trouvée qu’en 2001 par des ingénieurs locaux. Seize ans plus tard l’Inde les remplaçait au profit de Boeing P-8I Poseidon de facture américaine.

Une dernière sous-version fut développée dans les années 1980 : le Tupolev Tu-142MR. Il ne s’agissait plus d’une version de patrouille maritime mais de relais de communication avec les sous-marins en plongée. Il s’agissait de la réponse soviétique aux Lockheed EC-130Q TACAMO de l’US Navy et aux Transall C.160H Astarté de l’Armée de l’Air.
Ce nouveau Tu-142 fut baptisé Bear-J par l’OTAN. Douze exemplaires furent produits et entrèrent en service en 1988.
Deux ans plus tard l’Union Soviétique s’effondrait. Et avec elle les besoins en avions de patrouille maritime. La flotte de Tu-142 fut alors partagée entre les deux grands pays émergeants alors : la Communauté des États Indépendants placée alors sous la tutelle de Moscou et l’Ukraine résolument indépendantiste.

Trente ans après la chute de l’URSS le Tupolev Tu-142 Bear-F demeure l’un des principaux avions de surveillance maritime en service dans la marine russe. Hormis l’Inde l’Ukraine aussi a retiré du service ses exemplaires. Entre 1991 et 1994 la CEI a fait moderniser certains de ses exemplaires sous la désignation de Tu-142MZ avec la possibilité d’emporter des missiles antinavires.
Début 2022 le remplacement de ces avions n’était pas à l’ordre du jour en Russie où vingt-deux exemplaires servaient encore, dont six Tu-142MR de relais communications désarmés.

Peut-être plus encore que le bombardier Tu-95 dont il dérive le Tupolev Tu-142 Bear-F est un superlatif volant. Rapide, bien armé, doté d’une avionique efficace, il est aussi bruyant et possédant une signature radar disproportionnée. Pourtant il demeure plus d’un demi-siècle après sa conception comme un des avions de patrouille maritime parmi les plus intéressants et attachants. Pas sûr que les équipages de sous-marins américains partagent cet avis.

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Photos du Tupolev Tu-142 ‘Bear-F’

Caractéristiques techniques

Modèle : Tupolev Tu-142MK Bear-F
Envergure : 50.00 m
Longueur : 53.08 m
Hauteur : 12.12 m
Surface alaire : 311.10 m2
Motorisation : 4 turbopropulseurs Kuznetsov NK-12MV
Puissance totale : 4 x 15000 ch.
Armement : Deux canons de calibre 23mm en tourelle arrière et 9000kg de charges en soutes (charges de profondeurs, mines, torpilles) et possibilité d'emporter deux paniers à roquettes de 57mm sous voilure.
Charge utile : -
Poids en charge : 185000 kg
Vitesse max. : 925 km/h à 9500 m
Plafond pratique : 12000 m
Distance max. : 9000 Km avec charge offensive de 5000kg
Equipage : 12
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Profil couleur

Profil couleur du Tupolev Tu-142 ‘Bear-F’

Plan 3 vues

Plan 3 vues du Tupolev Tu-142 ‘Bear-F’
Fiche éditée par
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Vidéo du Tupolev Tu-142 ‘Bear-F’

Fin de service du Tu-142 en Inde.