Sud-Est SE.2300/SE.2310

Quand la France retrouva sa souveraineté en 1945 après quatre années et demi d’occupation allemande une bonne partie de son outil industriel était détruit ou fortement endommagé. Les grandes entreprises du Troisième Reich s’étaient servi dès le printemps 1940. Le secteur aéronautique, était avec l’automobile et la métallurgie, un des plus lourdement impactés. Pour autant durant le conflit des programmes furent lancés dans la clandestinité afin de permettre un redémarrage industriel une fois la France libérée. Parmi ceux-ci figurait celui d’un avion léger destiné autant au tourisme qu’à l’entraînement civil et militaire : le Sud-Est SE.2300.

C’est en 1943 dans le plus grand secret que l’ingénieur français Pierre Satre se lança dans le développement d’un avion de tourisme et d’entraînement. Il œuvrait à l’époque au sein d’une équipe de la Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Sud-Est placée sous contrôle allemand. La clandestinité était alors de mise. Ses collègues travaillaient donc officiellement pour l’occupant et officieusement pour la France Libre.
La plus part de ces hommes s’était connue sur le chantier du chasseur SE.100 demeuré sans suite. D’autres venaient de celui de l’hydravion commercial SE.200 n’ayant lui aussi pas connu de développement ultérieur. Satre les avait unifié autour de ce programme.
Aussi quand la France fut libérée du joug hitlérien le prototype était prêt à être assemblé, certaines pièces ayant déjà été usinées dans le plus grand secret.

Lorsque le GPRF, le Gouvernement Provisoire de la République Française, eut vent de l’existence de ce programme il ne le jugea pas prioritaire. Pour autant Satre et ses équipes réussirent à imposer l’assemblage de son prototype baptisé SE.2300. Finalement il début ses essais de roulage en août 1945, alors même que la guerre du Pacifique venait à peine de se terminer par l’explosion des bombes atomiques.

Extérieurement le Sud-Est SE.2300 se présentait sous la forme d’un monoplan à aile basse cantilever construit entièrement en métal. Doté d’un train d’atterrissage classique fixe caréné et doté d’une roulette de queue orientable il possédait une cabine triplace, avec deux en côte à côte à l’avant et une troisième sur strapontin derrière. Sa motorisation tournait autour d’un Renault 4Pei Bengali Junior à quatre cylindres en ligne d’une puissance de 195 chevaux. C’est dans cette configuration qu’il réalisa son premier vol le 26 octobre 1945.

Extrêmement rapidement après ce vol inaugural il apparut que le Sud-Est SE.2300 n’était plus du tout dans l’air du temps. Les productions américaines et britanniques de l’époque, et notamment le Beechcraft Bonanza alors en développement final, l’avaient. À la mi-novembre 1945 la Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Sud-Est annonça son intention d’en finir avec cet avion et de refermé son dossier de développement. Pierre Satre croyant dur comme fer dans l’avion qu’il avait pensé dans la clandestinité proposa alors qu’on en développe une version à train tricycle. La SNCASE accepta finalement. Le prototype fut renvoyé en atelier le jour même.
Le nouvel avion reçut ainsi la désignation de SE.2310.

Étant conscient de l’urgence dans laquelle elle travaillait l’équipe d’ingénieur de Pierre Satre fit voler le prototype SE.2310 le 23 novembre 1945, c’est à dire neuf jours seulement après le lancement du programme. Un record dans l’histoire de l’aviation. Outre le SE.2300 transformé un second avion fut produit, préfigurant l’aménagement intérieur du SE.2310 de série.
Sous l’immatriculation étatique provisoire F-WBBK ce second SE.2310 fut employé durant quelques mois par le ministère des transports comme appareil de liaison.

Malheureusement pour lui la jeune Armée de l’Air renaissante le rejeta immédiatement, autant pour les liaisons et communications que pour l’entraînement élémentaire. Dans le même sens une idée de production comme avion de tourisme fut finalement abandonnée.
Début 1947 les deux Sud-Est SE.2310 furent finalement arrêtés de vol et envoyés à la ferraille. Ainsi se terminait l’aventure d’un avion conçue à une époque où la France n’avait plus le droit de penser l’aviation du futur.

Retombant dans l’oubli les Sud-Est SE.2300 / SE.2310 sont pourtant symboliques d’une époque où la France cherchait absolument à retrouver sa grandeur aéronautique passée.
Par la suite l’ingénieur Pierre Satre entra dans l’histoire en participant activement à la création de deux avions de ligne mythique : la Caravelle française et le Concorde anglo-français. Il ne reste aujourd’hui plus rien des SE.2300 / SE.2310.