En cette journée du 21 avril 1918, le jeune pilote de chasse «Wop» May aurait pu sombrer dans l’oubli en devenant la 81ème victime de Manfred von Richthofen. Roy Brown, son commandant et ami d’enfance, lui ordonne de rester à l’écart de la mêlée et de simplement observer de loin les combats aériens. Frustré, May repère un avion ennemi isolé et décide d’élancer son Sopwith Camel à sa poursuite. Également novice, le pilote allemand est nul autre que Wolfram von Richthofen. Fou de rage lorsqu’il constate que son cousin est pourchassé, le Baron rouge se porte à son secours. May n’a d’autre choix que la fuite car ses mitrailleuses sont enrayées. Il effectue des manœuvres désespérés à basse altitude, entraînant son pourchasseur au-dessus des lignes alliées. Constatant à son tour que son protégé est en danger, Roy Brown plonge et mitraille le triplan Fokker Dr.1 rouge également atteint par des mitrailleurs australiens au sol. Bien malgré lui, ce jour là le jeune May entraîne vers la mort le célèbre Baron rouge.
Wilfrid Reid May est né en 1896 dans l’Ouest canadien à Carberry au Manitoba. Sa famille déménage à Edmonton en 1902. Dès son jeune âge, on le surnomme “Wop”. Il s’enrôle dans l’armée canadienne en 1916 et en 1917, son bataillon rejoint le Corps expéditionnaire canadien en Angleterre. Dès son arrivée, May fait application au Royal Flying Corps pour devenir pilote. Ayant complété sa formation de pilote de chasse, il est déployé en France en avril 1918 au sein du No.209 Squadron de la toute nouvelle Royal Air Force. Le 21 avril, il en est seulement à sa deuxième patrouille de combat, qui aurait bien pu être sa dernière. “Wop” May termina plutôt la guerre avec le rang de capitaine et treize victoires confirmées à son tableau de chasse.
Démobilisé en 1919, le héros de guerre retourne à Edmonton au Canada. Souhaitant continuer à voler, “Wop” May et son frère acquièrent un biplan JN-4CA Canuck et fondent l’entreprise May Airplanes Ltd. Offrant des baptêmes de l’air et participant à des spectacles aériens, “Wop” May gagne tant bien que mal sa vie. Au début de 1921, May et son nouvel associé George Gorman sont approchés par Imperial Oil qui souhaite expédier deux avions Junkers F-13 vers ce qui allait devenir le gisement pétrolifère de Norman Wells. En plein hiver, May et Gorman effectueront le premier vol au-delà du 60ème prallèle vers les Territoires du Nord-Ouest canadien, marquant ainsi les débuts du transport aérien dans cette vaste zone subarctique.
S’étant marié en 1924, May décide de mener une vie rangée en acceptant un emploi dans une entreprise manufacturière. Mais l’appel du ciel le tenaille. En 1927, May fonde le Edmonton and North Alberta Flying Club et y oeuvre comme instructeur de vol en chef. May oeuvre également à l’ouverture de Blatchford Field, le premier véritable aérodrome d’Edmonton qui deviendra un tremplin stratégique vers le Nord. En janvier 1929, il vole au secours d’une communauté isolée du nord de l’Alberta aux prises avec une éclosion de diphtérie. Au commandes d’un biplan Avro Avian et accompagné Vic Homer, May réalise une “course contre la mort” comme le qualifie la presse friande d’exploits aéronautiques. À son retour à Edmonton, une foule d’une dizaine de milliers de personnes attendent que l’avion se pose pour acclamer les héros.
Cette publicité aide May à établir une nouvelle société, Commercial Airways qui se voit attribuer par le gouvernement canadien le contrat du premier service aéropostal régulier en zone arctique. En décembre 1929, chacun aux commandes d’appareils Bellanca CH-300 Pacemaker, May et Glyn Roberts inaugurent ce service en treize étapes de livraison jusqu’à Aklavik près de la mer de Beaufort.
Considéré comme l’un des meilleurs pilotes de brousse du grand Nord, la Gendarmerie royale canadienne (GRC) fait appel aux services de May en janvier 1932 lors de la célèbre “chasse au trappeur fou” ainsi surnommée par le cirque médiatique de l’époque. Après avoir tué un policier et blessé un autre, un mystérieux trappeur disparaît dans la nature et échappe à une traque acharnée de la GRC pendant un mois. Le fugitif, dont l’identité demeure encore mystérieuse aujourd’hui, sera finalement localisé au Yukon grâce aux vols de reconnaissance de May. Rejoint, le trappeur fou blesse un autre policier avant d’être abattu. May sauve la vie du policier en l’évacuant par avion et sera encore une fois acclamé en héros.
May perd sa licence de pilote commercial en 1936 après avoir échoué un examen médical. Pendant de nombreuses années, il avait réussi à cacher la cécité graduelle d’un de ses yeux suite à un accident. Dorénavant confiné à des tâches administratives, il est nommé surintendant chez Canadian Airways. Appelé à nouveau à servir son pays en temps de guerre, May se voit confier la tâche de mettre sur pied et diriger le No.2 Air Observer School à Edmonton dans le cadre du Programme d’entraînement aérien du Commonwealth. En 1942, il sera nommé surintendant de l’ensemble des écoles au Canada, contribuant ainsi au grand succès de ce programme.
Pendant son séjour à Edmonton, les Avro Anson du No.2 Air Observer School sont fréquemment sollicités pour participer à la recherche d’avions perdus dans le cadre du Pont aérien du Nord-Ouest. Atterré par la perte des pilotes qui trop souvent ne peuvent être secourus à temps, May a l’idée inédite de mettre sur pied une équipe de sauveteurs-parachutistes. Ainsi naît le concept du “Pararescue” dont la paternité lui est attribuée. Pour avoir ainsi sauvé la vie de plusieurs pilotes, les États-Unis décorent May avec le Medal of Freedom en 1947.
Après guerre, May devient directeur du développement chez Canadian Pacific Airlines et s’attelle à l’implantation de liaisons aériennes vers l’Asie, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Lors d’une randonnée avec son fils dans les montagnes Wasatch dans l’Utah, May qui n’avait que 56 ans décède d’une crise cardiaque. Ainsi prend abruptement fin la vie de ce légendaire pilote de brousse qui avait jadis échappé de peu aux griffes du Diable rouge.
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