Un vaillant «Bug Smasher» qui ne veut pas mourir

Depuis une vingtaine d’années, j’effectue un pèlerinage annuel à «mon lac secret» en Estrie pour me ressourcer. Au programme : baignade, pêche, kayak ou simplement farniente… Aussi, je ne manque pas de faire des randonnées dans cette belle région du Québec. J’affectionne notamment pédaler sur le sentier de l’Ardoise qui serpente à travers champs et forêts. Ce sentier qui relie divers villages passe par Valcourt, lieu de naissance de la motoneige et de l’entreprise Bombardier aujourd’hui mondialement connue dans le domaine aéronautique. C’est dans un champ en bordure de cette piste que j’ai aperçu pour la première fois, à proximité du petit aéroport de Valcourt, un avion inhabituel. Reconnaissable malgré ses ailes amputées, il s’agissait d’un Beech 18. À le revoir au même endroit, année après année, je trouvais bien triste qu’un tel avion légendaire finisse ainsi ses jours. Son immatriculation (CF-SEB) étant encore visible sur sa carlingue, j’ai entrepris de retracer l’histoire de cet avion particulier. Contrairement à mes appréhensions, ce fut relativement facile de trouver l’information sur son parcours de vie.

J’ai découvert que la carrière de mon vieux copain Seb fut bien remplie. Ce Beech D18S naquit en 1952 à Wichita dans le Kansas dans les usines de Beechcraft et fut livré la même année à l’Aviation royale canadienne. Ce rejeton d’après-guerre rejoint alors la flotte d’avions C-45 Expeditor, surnommés Bug Smasher, largement utilisés au Canada pour la formation des pilotes et des navigateurs, ainsi que le transport léger. Il fut d’abord affecté à l’Escadron 412 de transport basée à Rockcliffe en Ontario. En 1957, Seb fut cédé à la Marine royale canadienne et se retrouva à la base de Shearwater en Nouvelle-Écosse.

Seb durant sa carrière dans la marine

Seb termina sa carrière militaire en 1964 au sein de la Réserve navale dans la région de Toronto. Démobilisé en 1965, il fut mis en vente et reçut alors son immatriculation civile, soit CF-SEB.

Seb démobilisé, avant sa carrière civile

Dans les années 1970 et 1980, Seb connût une seconde carrière comme avion de brousse dans le nord-est du Québec où il besogna notamment pour le transporteur Air Gava à Schefferville. Lors de ses dernières années de vie active, Seb œuvra pour l’école de parachutisme Para Vision dans la région des Laurentides au Québec. Malgré les années d’inaction, il affichait d’ailleurs encore le nom de cette entreprise sur ses flancs.

Seb sous les couleurs d’Air Gava à Schefferville

Lors de mes passages annuels à Valcourt, je saluais mon vieil ami Seb qui semblait méditer sur le mystère de l’après-vie, impassible dans son écrin de verdure. Mais en 2016, c’est le cœur lourd que j’ai constaté sa disparition. Vu son état de santé qui se dégradait d’année en année, j’ai conclu que sa carcasse fut finalement dévorée par les vautours ferrailleurs. Mais, dans un rebondissement digne d’un roman d’aventures, j’ai récemment retrouvé la trace de Seb tout à fait par hasard ! Adopté par le Shearwater Aviation Museum, c’est par la route qu’il a entrepris un nouveau voyage vers la Nouvelle-Écosse en 2015.

Seb en route pour Shearwater

C’est donc un retour aux sources pour Seb qui sera remis sur pied et bichonné par les bénévoles du musée. Nul doute qu’il revêtira éventuellement sa livrée des beaux jours dans la Marine royale canadienne, car ce musée est spécialisé dans l’histoire de l’Aéronavale canadienne. Lorsque sa cure de jouvence sera terminée, je ne manquerai pas d’aller visiter mon vieux pote Seb et ses nouveaux amis !


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Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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Commentaires

2 Responses

  1. Excellent. Ce beau récit donne vraiment envie de visiter sa belle région, faire le plein d’air et ressentir les même saveurs que ses illustres pionniers anonymes.

  2. J’ai connu cet avion au sol à Longue Pointe de Mingan, lorsqu’il appartenait à la compagnie de Fafard. Plus tard j’ai entendu qu’il était à Victoriville oû je crois sous toutes réserves qu’il a reçu son kit de parachutisme. Je l’ai retrouvé à Beloeil vers 2000 et c’est moi qui l’ai emmené à Bellefeuille où il a entamé sa carrière de parachutisme avant qu’un atterrissage sur le ventre vienne mettre fin à sa carrière. ….

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