Joséphine Baker et l’aviation, une histoire intime.

Ce mardi 30 novembre 2021 madame Joséphine Baker fait son entrée au Panthéon, la nécropole nationale des Grands Hommes et des Grandes Femmes. Bien entendu on pense immédiatement à la meneuse de revue, à la résistante contre l’oppression nazie, ou encore à la combattante face au racisme et à l’intolérance et c’est bien normal. Pourtant ce que peu se souviennent encore c’est que cette grande dame fut aussi aviatrice, ce qui lui ouvrit les portes des Forces Aériennes Françaises Libres. Et pourtant c’est par bateau qu’elle quitta son Amérique natale pour rejoindre la France.

Pour mémoire Joséphine Baker est née le 3 juin 1906 à Saint-Louis dans l’état américain du Missouri au sein d’une famille particulièrement pauvre. C’est à bord du paquebot britannique RMS Berengaria (baptisé en l’honneur de la reine Bérangère de Navarre) qu’elle arrivera en France à l’automne 1925, à seulement 19 ans. À Paris Joséphine Baker découvrira que la ségrégation raciale n’a rien d’universelle, que le racisme n’est pas systémique, et que dans la Ville Lumière elle peut vivre au grand jour. Joséphine Baker y deviendra la plus grande vedette de music-hall de l’entre-deux-guerres. Ses amis d’alors s’appelaient Jean Cocteau, Pablo Picasso, ou encore Ernest Hemingway.
La France était devenue sa patrie d’adoption, le français sa seconde langue.

Alors forcément quand l’envahisseur nazi a fait plier la France elle a choisi de rester et de se battre à sa manière. L’artiste de music-hall adulée est devenue avec la trentaine venue une agente secret au service du contre-espionnage français. En danger elle sera exfiltrée par la France Libre et rejoindra les rangs des Forces Aériennes Françaises Libres peu après avoir rencontré le général De Gaulle. Elle servira au grade de sous-lieutenante en tant qu’IPSA, c’est à dire Infirmière Pilote-Secouriste de l’Air.
Mais pourquoi les Forces Aériennes Françaises Libres ?

Simplement parce que depuis juin 1935 Joséphine Baker est aviatrice. Elle a obtenu son brevet de pilote de l’aéro-club de France à partir de l’aérodrome de Guyancourt, alors dans le département de la Seine-et-Oise. C’est sur biplan école de facture française Caudron C.270 Luciole qu’elle obtient ses ailes. Et Joséphine Baker ensuite vole aussi souvent qu’elle le peut. Pour elle ce n’est pas un caprice de star, mais une véritable passion.
Pourtant c’est bien sur un autre avion pensé par Caudron qu’elle la perdra. De retour d’une mission à la fin de la Seconde Guerre mondiale le C.440 Goéland des Forces Aériennes Françaises Libres à bord duquel elle a pris place s’abîme au large des côtes françaises. Les occupants de l’avion ne doivent leur survie qu’à un bataillon de tirailleurs sénégalais qui ont vu l’accident et se sont précipités pour les sauver. Deux d’entre eux périront dans leur acte héroïque. Après cela, et même si elle ne pilotait pas ce jour là, Joséphine Baker ne touchera plus jamais un manche.
Pourtant la grande dame continuera de voyager par les airs, et c’est à bord d’un Boeing 707 d’Air France qu’elle rejoindra en août 1963 le pasteur Martin Luther King pour son célèbre discours du Lincoln Memorial. À l’historique «I have a dream» elle fera succéder quelques minutes plus tard un plaidoyer de vingt minutes contre le racisme et pour la fraternité. Joséphine Baker est acclamé à Washington DC.

Elle s’éteint le 12 avril 1975 à Paris quelques heures seulement après une dernière sortie de scène. Un récital sur dix-sept jours où Joséphine Baker prouve à près de 69 ans qu’elle demeure encore une très grande dame du music-hall. Là encore ses amis sont présents dans la salle, mais aussi ses admirateurs anonymes ou célèbres comme Paul McCartney, Mick Jagger, ou encore Jean-Paul Belmondo. Joséphine Baker était universelle.

Alors bien sûr c’est beaucoup plus pour son action d’espionne dans la Résistance et pour sa lutte permanente contre la bêtise crasse du racisme que Joséphine Baker entre ce jour au Panthéon. Mais c’est donc aussi la première femme aviatrice qui accède au sein des saints de la République Française. Elle va y rejoindre la physicienne Marie Curie, les résistantes Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillon, ou encore l’humaniste Simone Veil : les Grandes Femmes.
Joséphine Baker, femme métisse née dans une Amérique ségrégationniste rejoint donc Victor Schœlcher. Madame Baker était notamment chevalière de la Légion d’Honneur, Croix de guerre 1939-1945, et récipiendaire de la Médaille de la Résistance française. Elle fut surtout une chance pour la France.

Photo © Service Historique des Armées.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

6 réponses

  1. Deux precisions ; le crash a eu lieu au large des cotes italiennes dans le port de Chiavari le …………06 juin 1944.
    L’avion etait un Caudron C445 M (construit a plus de 1000 exemplaires).

    Au risque de passer pour un vieux grognon . Il lui fut refusé la decoration de la legion d’honneur a titre ……..militaire. Elle ne l’obtint qu’a titre civil malgré les soutiens nombreux qui ont témoigné pour qu’elle obtienne a titre militaire.
    Jacques Chaban Delmas la décorera de la Croix de Guerre avec palmes.

  2. Etant moi même un vieux grognon, il faut reconnaitre que rares sont les personnes ayant appartenu aux services secrets, ou au sdece ( après sa création officielle signée du Général ) qui ont reçu une légion d’honneur à titre militaire ( chut, c’est la grande muette ) Chaban a réparé cela par la suite.

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