Tupolev I-14

L’entre-deux-guerres permit à l’Union Soviétique de réellement développer son industrie aéronautique. Celle-ci fut balbutiante du temps la Russie de Nicolas II mais les régimes dictatoriaux de Lénine puis de Staline avaient décidé de mettre un coup d’accélérateur afin de rattraper leur retard sur des pays comme la France ou la Grande Bretagne. Des programmes furent lancés tous azimuts, aussi bien dans le domaine civil que militaire. Et dans ce dernier c’est le bombardement et la chasse qui eurent les faveurs du Kremlin. Au début des années 1930 une compétition allait tout révolutionner et donner naissance aux premiers chasseurs monoplans à voilure basse conçus en URSS. L’un des avions issu de celle-ci fut le Tupolev I-14.

C’est en 1932 que le comité central du parti communiste moscovite émis un avis afin que l’URSS se dote d’un chasseur moderne, entendez par là d’un avion à aile basse cantilever et disposant d’une puissance de feu importante. Trois bureaux d’études répondirent à l’appel : Grigorovich, Polikarpov, et Tupolev. Chacun avança une série de plans et de vues d’artistes particulièrement ambitieux. Un prototype de chaque fut commandé.

Chez Tupolev l’avion en question était désigné ANT-31. C’est l’ingénieur en chef Pavel Sukhoi qui fut chargé par Andreï Tupolev de conduire le chantier. Son idée était que le chasseur puisse disposer d’un train d’atterrissage totalement escamotable lorsque celui-ci possédait ses roues et qu’il soit fixe quand fixe lors de l’installation des skis. Sa motorisation était assurée par un Bristol Mercury VIS.2 à neuf cylindres en étoile de 580 chevaux entraînant une hélice bipale en métal. L’avion d’ailleurs était de construction 100% métallique. Il réalisa son premier vol le 27 mai 1933.

Rapidement le Tupolev ANT-31 surclassa l’avion d Grigorovich et les essais en vol se firent face au Polikarpov TsKB-12. Les essais se poursuivirent finalement avec un Wright SGR-1820-F2 Cyclone américain de 710 chevaux jugé plus fiable que le moteur britannique. Sous cette version l’ANT-31 reprit ses vols d’essais en mars 1934 et cette fois le chasseur donna pleine satisfaction. Cependant l’avion de Polikarpov restait plus manœuvrant.
L’armement de l’avion de Tupolev demeurait plus puissant avec deux canons APK-11 de calibre 37 millimètres dans la voilure et une mitrailleuse ShKAS de 7.62 millimètres de nez synchronisée avec le pas de l’hélice.

Finalement le contrat revint à Polikarpov et son chasseur fut commandé en série comme I-16. Pour autant Tupolev remporta un lot de consolation avec l’achat de 55 exemplaires de son ANT-31 désormais connu comme I-14. Sur les modèles de série le moteur américain était produit sous licence soviétique en tant que Shvetsov M-25. Les ingénieurs poussèrent le M-25 jusqu’à 730 chevaux.

Les premiers Tupolev I-14 entrèrent en service à l’été 1935. Leur rôle était d’assurer des missions de chasse dans l’extrême Orient soviétique. Cependant ces chasseurs se révélèrent rapidement assez peu convainquants, à tel point que les livraisons furent suspendues en décembre 1936 après la réception du dix-huitième I-14 de série. Les autres avions en cours d’assemblage furent envoyés à la casse directement. Le seul régiment de chasse soviétique qui exploitait des I-14 les conserva jusqu’au début de l’année 1939. Ils ne connurent jamais le feu et furent remplacés par des Polikarpov I-16.

Le Tupolev I-14 aurait pu retomber dans l’oubli. Heureusement pour lui étant donné qu’il était le tout premier chasseur monoplace monoplan à voilure cantilever construit en métal à posséder un train d’atterrissage classique rétractable il a suffisamment marqué l’histoire aéronautique pour que son souvenir persiste. Il était finalement plus évolué que certains de ses contemporains comme le Boeing P-26 Peashooter américain, le Breda Ba.27 italiens, ou encore le Dewoitine D.500 français. Il ne reste de nos jours malheureusement plus rien de ce chasseur soviétique à la courte carrière.