Cette interrogation n’a rien de nouvelle, nous l’avions déjà il y a… onze ans ! Outre le fait que cela ne nous rajeunisse pas ça remet un peu en perspective la dangerosité des survols de drones au-dessus de sites sensibles français. Car en une décennie la France a su s’adapter à la menace des drones et ne peut pas s’appuyer sur ses seuls chasseurs Dassault Aviation Rafale. L’expérience des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 a en ce sens été primordiale à l’Armée de l’Air et de l’Espace.
Le weekend dernier (dans la nuit du samedi 20 au dimanche 21 septembre 2025) plusieurs drones ont été aperçu au-dessus du camp de Châlons, sis à Mourmelon-le-Grand dans le département de la Marne. Ce champ de manœuvre est régulièrement utilisé par la cavalerie autant que par l’infanterie. C’est même un des principaux de l’Armée de Terre en France. C’est dire donc si son importance est… toute relative. Pourtant l’affaire est prise très au sérieux, la Gendarmerie Nationale ayant été chargée des investigations. Pas de doute non plus que dans les Hauts-de-Seine, du côté de Malakoff, la Direction du Renseignement et de la Sécurité de la Défense s’intéresse de très près à l’affaire.
Après le camp de Châlons paraît un peu faible vis-à-vis de ce que la France a connu comme survols de drones au cours de l’année 2015. Il y a dix ans en effet une première vague avait fortement alarmé sur la sécurité de nos sites sensibles, civils comme militaires. On se souvient de la base navale de l’Île Longue où sont stationnés les SNLE des Forces Océaniques Stratégiques en janvier, de plusieurs sites touristiques parisiens le mois suivant, ou encore du Centre des Transmissions Marines de Saint-Assises en mars. Un début d’année 2015 tonitruant dans une période de grands doutes après les attaques terroristes contre Charlie Hebdo. Devait-on y voir une corrélation ? On ne le sut jamais vraiment. Toujours est-il qu’en novembre de la même année Paris et la Seine-Saint-Denis étaient frappées par le terrorisme islamique au cœur d’une nuit d’horreur.
Et donc dix ans plus tard la hantise des drones ressurgit. Elle alimenté par des médias généralistes qui ont (un peu) tendance à tout confondre. Quand des munitions rodeuses russes violent l’espace aérien polonais cela n’a pas forcément de lien avec ce qui s’est passé à Mourmelon. D’abord la France est trop distante de la Russie pour que de tels engins aient franchi la moitié de l’Europe afin d’aller espionner un champ de manœuvres dans le Grand Est. Et ensuite la fédération de Russie a sans doute d’autres objectifs plus stratégiques à espionner en France.
En fait ce qui excite les médias c’est la vue du sang. Sauf qu’ici il n’y en a pas. Alors ils en crée en surjouant tout ce qui se passe actuellement en Europe et les mettant tous sur le même niveau de dangerosité. Bien sûr que les violations nocturnes d’espaces aériens au Danemark et en Roumanie sont très importantes et participent sans doute de la guerre hybride dictée par le Kremlin contre les grandes démocraties européennes mais il ne faut pas tout mélanger. Ce ne sont toujours que des drones désarmés qui survolent des sites à l’aspect stratégique parfois discutable. Entre un aéroport danois en septembre 2025 et une base de sous-marins nucléaires français en janvier 2015 il n’y a pas tout à fait le même degré de risques. Mais comme les grands médias généralistes (TF1/LCI, France Télévision/France Infos/France 24, et BFMTV en France) surjouent l’information les pouvoirs publics sont obligés de répondre en conséquence. Donc on envoie sur les plateaux télés des «experts» qui nous disent qu’il faut sortir les Rafale. Heureusement que quelques colonels et généraux bien télégéniques sont là pour calmer leurs ardeurs et les ramener à un début de raison.
Car aussi efficace que soit le Rafale F4 pour défendre notre pays il est totalement inutile face aux drones. En fait son arsenal est inadapté car trop onéreux. Imaginez vous qu’un pilote aille shooter un drone à 15 000 ou 20 000 euros en lui tirant dessus un missile air-air Mica à un peu plus d’un demi-million d’euros voire pire un Meteor trois fois plus onéreux. Vous verriez alors de bons représentants des différents partis de gauche de droite et des extrêmes pousser des cris d’orfraies en expliquant qu’on jette l’argent par les fenêtres. Et pour le coup ils n’aurait pas totalement tort. Vous allez dire qu’il reste toujours le bon vieux canon M791, alias Nexter Type 30, et ses obus de calibre 30 millimètres. Avec un coût unitaire estimé aux alentours de cent à cent cinquante euros la pièce il est déjà plus économique. Il est aussi nettement moins précis, et ce même si nos aviateurs s’entraînent régulièrement au tir canon air-air de jour comme de nuit.
Alors quelle solution ? Elles existent mais sont beaucoup moins sexy sur les plateaux télés que le chef d’œuvre de Dassault Aviation. Le type d’aéronef idéal pour abattre un drone se doit d’être lent et rustique. On peut donc oublier l’Eurocopter Tigre HAP/HAC qui comme le Rafale dispose d’un armement finalement trop onéreux pour casser du drone. Les Aérospatiale SA.342 Gazelle équipés de leur mitrailleuse multitube en gundoor seraient une bonne option mais la meilleure demeure forcément l’Eurocopter AS.555 Fennec en configuration MASA. Son tireur de haute précision peut emporter aussi bien une arme anti-drone à impulsions qu’on bon vieux fusil à pompe ou qu’un fusil d’assaut. Cela peut paraître rustique et quelque peu cheap mais ça reste sans doute le plus efficace contre les drones. Et le plus rentable.
Bien sûr il ne s’agit là que de mon analyse de la situation, surtout pas d’une vérité. Ou dans le pire des cas de la mienne. Bien sûr nos «experts» de plateaux télés en sauront forcément plus. Mais cet article peut vous éclairer un peu plus en vous rappelant que ce n’est pas la première fois que la France traverse une telle crise.
Affaire à suivre.
Photo © Armée de l’Air et de l’Espace
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2 réponses
Arnaud,
Votre article fait bien le tour de la question et vous avez complètement raison. Les meilleures armes anti-drone sont : un autre drone agresseur, un tireur d’élite embarqué dans un hélicoptère lent. Depuis le sol et pas trop loin, un fusil de chasse canon lisse avec munitions à grenailles, s’ajoute bien sûr les nombreux dispositifs de brouillage développés à ce jour mais qui peuvent être plus ou moins efficaces en fonction des fréquences radio utilisées par le drone. Un autre moyen qui a de l’avenir : les lasers sol air installés sur véhicules comme on a pu en voir lors du dernier grand défilé de l’armée chinoise. L’armée israélienne est également en train de mettre en service ce genre d’arme capable de détruire des drones pour un coût tout à fait raisonnable.
Bonjour à tous les passionnés, bonjour Arnaud,
Il y a quelques jours je parlais d’armes à énergie dirigée et autres brouilleurs anti drones dont je subodorais le développement accéléré. Et notre Armée de l’Air et de l’Espace a aussi trouvé une réponse partielle à cette menace (tout comme l’Armée de Terre il me semble): j’ai lu hier que l’AAE avait remis en service et expérimenté (avec succès) quelques exemplaires de vieilles batteries antiaériennes autoportées améliorées par un système de guidage IR/radar.Ce système, baptisé Proteus, réhabilite la bonne vieille « flak » et serait très probablement facilement automatisable. Quelques unités disposées à proximité des sites à protéger constitueraient une protection efficace à très bas coût… Car effectivement s’il faut faire décoller en alpha scramble une paire de Rafale pour essayer d’envoyer au tapis quelques drones à 20000$ pièce avec des missiles coûtant des centaines de milliers d’euros/pièce ou en passe canon avec les risques de collision qui vont avec, cela ne paraît ni pertinent ni soutenable…
Quelques magasins de balles de 7,7 ou de 12,7 pour descendre les drones à 1500-2000m c’est matériellement plus adapté. Merci pour ce bel article.