Les opérations israéliennes durant la guerre de 1973 mirent en lumière d’étranges petites machines volantes téléguidées : les drones. Par la suite la guerre du Golfe de 1991 puis une décennie plus tard celle d’Afghanistan allaient terminer de pleinement les faire entrer dans l’inconscient collectif. Pourtant les avions sans pilotes, l’autre nom des drones, sont parfaitement connus des militaires depuis bien avant les années 1970. Durant la Seconde Guerre mondiale aux États-Unis la société Radioplane produisit en grande série l’OQ-2 et ses dérivés pour l’US Army Air Force, appelé TDD dans l’US Navy.
Au milieu des années 1930 l’ancien observateur de la Royal Air Force et comédien de cinéma et de théâtre Reginald Denny partageait sa vie entre la Grande Bretagne et les États-Unis. En plus de sa carrière artistique il s’était pris de passion pour le bricolage de modèles réduits d’avions qu’il tentait de faire voler via des systèmes de guidage radio. Il construisit et fit voler trois modèles de machines différentes qu’il appela RP-1, RP-2, et RP-3. Après avoir assisté à la démonstration d’un biplan école De Havilland D.H.82 Tiger Moth transformé de la sorte à être piloté depuis le sol il comprit l’intérêt de proposer ses engins aux militaires. Ayant essuyé un premier refus de la Royal Air Force il fit se qu’il savait le mieux faire : il traversa de nouveau l’Atlantique nord. Et là son RP-3 suscita l’intérêt de l’US Army qui voyait dans cette machine une possibilité d’entraîner ses artilleurs de DCA.
Cependant Reginald Denny se heurta à un problème majeur : il avait bricolé le RP-3 dans son coin. Afin de satisfaire l’US Army il allait devoir passer à la vitesse supérieure et proposer une production en série. Il créa ainsi la société Radioplane tout en travaillant sur le prototype de sa cible volante RP-4. Celui-ci vola en novembre 1939 et fut officiellement commandé le mois suivant à hauteur de cinquante exemplaires sous la désignation A-2.
Les premiers d’entre eux furent adoptés en unités de DCA en mars 1940. Deux mois plus tard l’US Army décida de verser l’intégralité des cibles volantes à l’US Army Air Corps. Cent exemplaires supplémentaires furent commandés afin de remplacer les cibles volantes totalement détruites.
Quand en juin 1941 l’US Army Air Corps devint l’US Army Air Force les Radioplane A-2 furent redésignés OQ-1. Seulement une critique existait alors autour de la motorisation de ces drones cibles. Il s’agissait alors de moteurs deux temps de… tondeuses à gazon. Ceux ci développaient trois chevaux seulement et étaient parfois vu comme capricieux. Reginald Denny savait que dans son équipe il avait un ingénieur ayant travaillé sur la motorisation, il le chargea de remédier à cela. L’homme, nommé Walter Righter essaya plusieurs solutions avant de finalement concervoir son propre moteur à deux cylindres à plat qu’il baptisa (modestement) Righter O-15-1. Celui-ci développait sept chevaux. Afin de le greffer sur le drone cible il fallut le redessiner et cela donna naissance au RP-5, commandé en série par l’US Army Air Force comme OQ-2. Les premiers entrèrent en service en novembre 1941.
Quelques jours plus tard le Japon attaquait les États-Unis à Pearl Harbour. L’Amérique entrait dans la Seconde Guerre mondiale. L’effort industriel allait devoir être total. La société Radioplane n’y pas exception. De 200 exemplaires la commande d’OQ-2 passa à près de 1000 exemplaires tandis que l’US Navy en achetait 3000 sous la désignation de TDD. L’idée de la marine américaine était de disposer de tels drones cibles sur l’ensemble de ses navires de guerre afin d’entraîner ses équipages y compris lors des missions opérationnelles.
Le Radioplane OQ-2 se présentait sous la forme d’un drone cible à échelle réduite construit intégralement en bois et contreplaqué. Son architecture était celle d’un monoplan à aile haute. Son moteur Righter O-15-1 entraînait une double hélice contrarotative en bois. L’engin était catapulté dans les airs et revenait sur terre grâce à un parachute intégré. Son système de guidage était un radiotranspondeur RC-56A ayant un rayon d’action pouvant atteindre 30 kilomètres par beau temps. Chaque OQ-2 emportait deux litres et demi de carburant lui offrant 45 minutes d’autonomie. Après quoi le parachute se déployait. Cela se passait également quand le contact de radio-guidage était perdu. Quelques exemplaires furent dotés d’un train d’atterrissage classique fixe le faisant ainsi ressembler un peu à un Piper Cub mais en nettement plus petit. Ceux-ci furent désignés OQ-2A.
Au fur et à mesure que la guerre évoluait l’US Department of War passa commande à Reginald Denny et à sa société de versions améliorées de l’OQ-2. En décembre 1943 apparut l’OQ-3. Il s’agissait globalement d’une version intégrant des tubes d’aciers dans la structure, l’alourdissant et obligeant ainsi à la présence d’un moteur un peu plus puissant, un Righter O-15-3 de douze chevaux actionnant cette fois une hélice simple. Considéré comme plus facile à radiopiloter en cas de vent persistant l’OQ-3 fut la version principale, avec 9400 exemplaires produits, dont un tiers connu comme TDD-2 au sein de l’US Navy.
Radioplane proposa ensuite deux versions améliorées XOQ-7 et XOQ-13 qui ne dépassèrent pas l’état de prototype. À l’été 1944 apparut l’OQ-14 doté désormais d’un moteur Righter O-45-1 de 20 chevaux et disposant d’un peu plus d’une heure et demi d’autonomie. Toujours radiopiloté par le RC-56A son rayon d’action demeurait limité aux 30 kilomètres d’origine. Un peu plus de 5200 exemplaires furent construits dont des TDD-3 et TDD-4 pour le compte de l’aéronavale. Le TDD-4 était en fait un TDD-3 doté d’un système de flottaison qui permettait sa récupération en mer.
Les différentes améliorations du RP-5, entre l’OQ-2 d’origine et l’OQ-14 de 1944, firent que son prix de revient tripla pour l’US Department of War. Malgré cela ces drones représentaient toujours les cibles volantes à échelles réduites les plus rentables qui soient. En 1947 quand l’US Army Air Force laissa la place à l’US Air Force près de 3000 OQ-3 et OQ-14 étaient encore en dotation. Ils reçurent les nouvelles désignations de Q-3 et Q-14. Les dernières de ces cibles volantes radioguidées furent retirés du service en 1954.
Jamais exporté le Radioplane OQ-2 et ses dérivés ont permis de poser les bases de l’emploi par l’aviation américaine des cibles volantes à échelle réduite. Avec plus de 16500 exemplaires produits c’est un succès considérable. Pour la petite histoire en 1944 une équipe de photographes fit le tour des ateliers de productions et saisirent le travail des ouvrières. L’une d’elle devint iconique. On y voyait une jeune femme rousse de 18 ans aux longs cheveux bouclés très souriante. Elle s’appelait alors Norma Jean Baker. Le monde allait être quelques années plus tard à ses pieds sous le nom de Marylin Monroe.
Aujourd’hui plusieurs OQ-2, OQ-3, OQ-14, et TDD sont préservés dans des musées aéronautiques américains, montrant ainsi la place de cette cible volante dans l’histoire de l’aviation.
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