Le Mitsubishi A6M Rei-sen, plus connu en Occident sous le surnom de « Zero » ou par son nom de code allié Zeke, représente sans conteste l’un des avions de chasse embarqués les plus emblématiques de la Seconde Guerre mondiale. À la fois symbole de la supériorité aérienne japonaise au début du conflit dans le Pacifique et illustration de l’évolution rapide de la guerre aérienne, le Zero incarne une combinaison remarquable de légèreté, de manœuvrabilité et d’endurance, toutefois obtenue au prix de concessions marquées sur la robustesse et la protection. Son développement s’inscrit dans une doctrine propre à l’aéronavale impériale japonaise, orientée vers la supériorité tactique immédiate dans les combats tournoyants, au détriment de la survivabilité stratégique à long terme.
Le programme qui aboutit au A6M fut lancé officiellement par la Marine Impériale japonaise en mai 1937, lorsqu’elle émit un cahier des charges désigné 12-Shi, destiné à trouver un successeur au chasseur embarqué Mitsubishi A5M. Ce nouveau chasseur devait dépasser les performances de son prédécesseur sur tous les plans, tout en restant compatible avec l’emport sur porte-avions. La responsabilité de la conception fut confiée à l’équipe dirigée par Jirō Horikoshi chez Mitsubishi. Les exigences techniques étaient particulièrement ambitieuses : vitesse maximale d’au moins 500 km/h, autonomie supérieure à 1800 km, excellente manœuvrabilité et capacité à embarquer un armement lourd pour un appareil embarqué.
Le premier prototype vola le 1er avril 1939. Il était motorisé par un Mitsubishi Zuisei 13, un moteur en étoile de 875 chevaux à 3 600 mètres d’altitude. Suivi de près par un second exemplaire identique, ce prototype fut intensément évalué par la marine. Bien que ses performances soient jugées prometteuses, notamment en termes de légèreté et de finesse aérodynamique, la motorisation fut rapidement jugée insuffisante pour assurer la supériorité face aux appareils occidentaux. Un troisième prototype, désigné A6M2, vola le 18 janvier 1940 avec un moteur Nakajima Sakae 12 de 950 chevaux à 4200 mètres, apportant une nette amélioration des performances.
Le 14 septembre 1939, l’appareil fut officiellement adopté sous la désignation de chasseur embarqué Type 0 modèle 11, ou Rei shiki Kanjō Sentōki, abrégé en Rei-sen. C’est cet acronyme que l’histoire retiendra. Le nombre « 0 » faisait référence à l’année 2600 du calendrier impérial (correspondant à 1940). Quinze exemplaires de présérie furent produits sur ce standard, et engagés en Chine dès juillet 1940. Ils y démontrèrent une supériorité aérienne écrasante face aux chasseurs chinois de facture soviétique, comme le Polikarpov I-15, ce qui renforça l’impression d’un appareil techniquement en avance.
La première version de série du A6M, appelée Model 11, fut produite à 48 exemplaires, dotés d’un armement redoutable pour l’époque : deux canons Type 99 de 20 mm montés dans les ailes et deux mitrailleuses Type 97 de 7,7 mm dans le capot moteur. À partir du 68ème exemplaire, les appareils furent équipés d’ailes à extrémités repliables, facilitant leur stockage à bord des porte-avions. Cette nouvelle variante reçut la désignation de Model 21. Au total, environ 740 appareils de ce type furent construits. L’autonomie remarquable, allant jusqu’à 2 600 km avec réservoirs auxiliaires, combinée à une manœuvrabilité exceptionnelle, fit du Zero un adversaire redouté dès les premières campagnes du Pacifique.
Face aux nouveaux défis posés par les chasseurs alliés plus puissants, une évolution du Zero fut entreprise avec le développement de la version A6M3, apparue en juin 1941. Cette variante était dotée d’un moteur Nakajima Sakae 21, délivrant 1 130 chevaux au décollage. Pour compenser l’augmentation de poids induite par la nouvelle motorisation et l’emport de munitions supplémentaires, les ingénieurs supprimèrent les extrémités d’ailes repliables, réduisant l’envergure d’un mètre. Bien que la vitesse et la montée aient été améliorées, la réduction de l’autonomie et de la maniabilité à basse vitesse fut critiquée. Néanmoins, 343 exemplaires furent produits sous la désignation de Model 32, engagés massivement à partir de la mi-1942 dans la région des Salomon.
Conscients des limites de cette modification, les ingénieurs revinrent à une configuration plus équilibrée avec le Model 22, introduit à l’automne 1942. Cette version restaurait les extrémités d’ailes repliables tout en conservant le moteur Sakae 21. Une variante, appelée Model 22-kō, reçut des canons Type 99 à long fût, améliorant la portée et la précision du tir. Environ 560 unités supplémentaires furent produites jusqu’à l’été 1943, principalement à l’usine Nakajima, qui assura une part croissante de la production.
Sur le plan technique, le A6M Rei-sen adoptait une structure entièrement métallique, à revêtement travaillant, avec des ailes à faible allongement et une voilure elliptique très fine, optimisée pour la portance à basse vitesse. Son fuselage étroit et épuré offrait une traînée minimale, et son train d’atterrissage escamotable réduisait encore les résistances en vol. L’absence de blindage et de réservoirs auto-obturants témoignait toutefois d’un choix assumé : privilégier la légèreté et l’agilité au détriment de la protection, dans une optique de combat offensif tournoyant, à l’image des doctrines japonaises de l’époque.
En opération, le Zero domina largement les premières phases du conflit dans le Pacifique. Lors des attaques sur Pearl Harbor, puis lors des campagnes aux Philippines, en Malaisie, en Birmanie, ou dans les Indes néerlandaises, il s’imposa face aux chasseurs alliés comme le Curtiss P-40 Warhawk, le Brewster F2A Buffalo, ou le Hawker Hurricane. Son rayon d’action lui permettait d’accompagner les bombardiers en piqué et les avions torpilleurs à très grande distance, rôle qu’aucun chasseur embarqué occidental ne pouvait alors remplir avec autant d’efficacité.
Mais à partir de 1943, le déséquilibre initial s’inversa progressivement. L’apparition de nouveaux chasseurs américains, mieux protégés, plus rapides et plus puissamment armés, tels que le F6F Hellcat ou le F4U Corsair, mit en évidence les faiblesses structurelles du Zero. En dépit d’une succession de versions (Model 52, Model 53, etc.) tentant d’adapter le chasseur à la guerre moderne, la cellule de base atteignait ses limites. L’armement restait souvent inférieur en cadence et en portée, et l’absence persistante de blindage se traduisait par des pertes croissantes, même face à des unités de seconde ligne.
Au total, plus de 10 000 exemplaires du Mitsubishi A6M furent produits entre 1940 et 1945, en une quinzaine de variantes. Il fut le chasseur standard de la marine impériale japonaise jusqu’à la fin du conflit, bien qu’il fût de plus en plus remplacé dans les unités d’élite par des appareils plus modernes comme le Nakajima Ki-84 Hayate. Son rôle déclina également en faveur d’emplois plus désespérés, notamment dans le cadre des attaques kamikazes à partir de 1944.
Le Rei-sen demeure aujourd’hui l’un des symboles les plus puissants de l’aviation japonaise de la Seconde Guerre mondiale. Sa silhouette fluide, ses performances initiales impressionnantes et son engagement dans les batailles les plus emblématiques du Pacifique (Midway, Guadalcanal, Iwo Jima, etc.) en ont fait une icône de l’aviation militaire. Quelques exemplaires restaurés, souvent reconstruits à partir de cellules retrouvées en Asie du Sud-Est, sont aujourd’hui visibles dans des musées.
Loin d’être un simple produit de propagande impériale, le Mitsubishi A6M Rei-sen reflète l’excellence de l’ingénierie japonaise combinée à une doctrine tactique audacieuse. Il fut un chasseur redoutable lorsqu’il fut engagé dans les conditions pour lesquelles il avait été conçu ; mais il illustre également les limites d’un design figé face à l’évolution accélérée de la technologie aérienne et aux capacités industrielles d’un adversaire en pleine expansion.
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