Ansaldo SVA

Il est communément acquis que la Première Guerre mondiale permit de valider plusieurs concepts d’emplois d’aéroplanes : les avions d’observation et de reconnaissance d’abord, puis les chasseurs ou encore les bombardiers. Les avions de transport militaire ne sont apparus que bien après la paix revenue. Toutefois le conflit vit naître également des avions plus polyvalents, ainsi apparurent les premiers bombardiers de reconnaissance qui allaient perdurer tant bien que mal jusque dans les années 1950. Une catégorie moins pertinente vit le jour durant le conflit : les chasseurs de reconnaissance. Et l’une des rares réussites dans ce domaine fut italienne. Il s’agissait de l’Ansaldo SVA.

L’idée d’un chasseur de reconnaissance est en fait basée sur le principe qu’un bon pilote de chasse à la vue suffisamment perçante pour détecter à l’œil nu des détails chez l’ennemi. C’est évidemment hautement manichéen et profondément aléatoire. Mais cela marcha auprès des états majors, notamment au sein de la Triple Entente. Les Italiens qui leur étaient alliés lancèrent au printemps 1916 un programme portée par l’avionneur Ansaldo autour d’un tel avion. Sous la houlette du chef ingénieur Rodolfo Verduzio travaillèrent une dizaine de jeunes ingénieurs parmi lesquels deux allaient ensuite marquer l’histoire aéronautique italienne : Celestino Rosatelli et Umberto Savoia. Ce dernier était le bras droit de Verduzio.
Logiquement l’avion reçut la désignation d’Ansaldo SVA. S pour Savoia, V pour Verduzio, et A pour Ansaldo.

Alors que Verduzio prônait un unique avion monoplace Savoia de son côté, soutenu par Rosatelli, proposait une solution à deux machines : un chasseur de reconnaissance monoplace et un pur avion de reconnaissance et d’observation biplace. Pour autant c’est Verduzio qui dirigeait le programme, le mot de la fin lui revînt. Le SVA serait monoplace.
L’assemblage du prototype SVA.1 débuta en décembre 1916 dans les ateliers Ansaldo de Gênes.

Extérieurement l’Ansaldo SVA.1 était un monoplace des plus modernes, calqué sur les meilleures productions contemporaines britanniques et françaises. Biplan d’envergure inégale il était construit en bois entoilé et disposait d’un train d’atterrissage classique fixe.
La Società Piemontese Automobili fut choisie pour la motorisation, fournissant alors son SPA.6 de 205 chevaux de puissance actionnant une hélice bipale en bois. L’avion étant un prototype il vola désarmé en date du 19 mars 1917 entre les mains du pilote d’essais Mario Stoppani.

Rapidement l’aviation italienne passa commande pour plusieurs dizaines de SVA.2 identiques au SVA.1 mais bien évidemment armés. Deux mitrailleuses synchronisées Vickers de facture britannique et d’un calibre de 7.7mm furent montées de série.
La marine italienne acquit cinquante exemplaires d’une version hydravion de chasse baptisé Ansaldo ISVA et utilisée de 1917 à 1925.

Par la suite apparurent des SVA.3 de chasse pure et des SVA.5 très similaires aux SVA.2 mais disposant d’un moteur SPA.6A plus puissants. Surtout avec le nouveau SVA.4 l’ingénieur Rodolfo Verduzio accepta la proposition de son second : créer une version biplace de reconnaissance photographique. Une seule mitrailleuse synchronisée l’armait tandis que l’officier d’observation embarquait un appareillage photographique de facture américaine.
Du SVA.4 l’entreprise Ansaldo dériva les SVA.9 et SVA.10 qui étaient respectivement une version biplace d’entraînement et une version biplace d’observation sans appareillage photo.
Les désignations SVA.6, SVA.7, et SVA.8 désignent des avions demeurés à l’état de prototype.

Entre 1917 et 1918 des Ansaldo SVA tant monoplaces que biplaces furent déployés partout où les Italiens se battaient. Quelques avions furent même pris en compte en France par le corps expéditionnaire américain qui les utilisa aussi bien pour de la reconnaissance au-dessus des lignes ennemies que pour la chasse aux Zeppelins, les formidables dirigeables allemands. Au titre de la guerre des exemplaires furent fournis au Brésil et à l’Équateur.
Après guerre les succès de ces biplans permirent une vente à l’export à des pays comme l’Argentine, la Chine, la Géorgie, la Lettonie, la Lituanie, le Paraguay, la Pologne, ou encore la jeune Union Soviétique. La production de l’avion cessa en 1928 après l’assemblage de plus de 1250 machines.

Les Ansaldo SVA connurent également une carrière civile après-guerre, notamment comme avions postaux dans les années 1920. Du 26 février au 21 mai 1920 six exemplaires se lancèrent dans un raid aérien avec escales entre Rome et Tokyo. Seuls deux SVA.9 réussirent l’exploit, totalisant chacun 15200 kilomètres de vols.

Avionneur italien majeur de la Première Guerre mondiale Ansaldo et son biplan SVA permirent aux ingénieurs Celestino Rosatelli et Umberto Savoia de se faire la main. Le premier devait quelques années plus tard concevoir les excellents chasseurs biplans Fiat CR.32 et CR.42, tandis que le second allait révolutionner l’aventure technologique des hydravions et bombardiers avec des machines comme le S.55 ou encore le SM.79.
Aujourd’hui un magnifique SVA.5 est préservé au célèbre musée aéronautique de Vigna di Valle au bord du lac de Bracciano.