Si c’est véritablement durant la Première Guerre mondiale que l’aviation militaire naquit il faut savoir que ça et là quelques utilisations précoces de l’arme aérienne eurent lieu avant le déclenchement de celle-ci. Ce fut notamment le cas au cours de la guerre des Balkans de 1912-1913 durant laquelle l’empire ottoman affronta la ligue balkanique. Au printemps 1913 l’armée serbe utilisa pour des missions de reconnaissance et d’attaque le biplan de facture française Farman HF.20. Il s’agit là d’une des premières actions militaires historiques d’un «plus lourd que l’air».
En fait peu de choses différenciaient les premiers aéroplanes tant civils que militaires. D’ailleurs quand l’ingénieur français Henri Farman se mit en tête de développer fin 1912 un biplace d’usage général tout laissait présager que la machine aurait une fonction tout à la fois civile et militaire. L’aviation militaire n’en était qu’à ses balbutiements et avait finalement bien plus de détracteurs que de supporters, notamment au sein des états-majors et des classes politiques.
Les premières ébauches du futur aéronef arrivèrent sur la planche à dessins début 1913 et clairement il ressemblait aux travaux de son frère. Au final leur société développa dans le même temps deux machines aux profils assez similaires le HF.20 conçu par Henri et le MF.11 par Maurice.
Le prototype du Farman HF.20 fut assemblé en février 1913. Extérieurement il se présentait sous la forme d’un biplan d’envergure inégale construit en bois et toiles. Il était animé par un moteur à sept cylindres rotatifs Gnome Lambda d’une puissance de 85 chevaux entraînant une hélice propulsive bipale en bois. Les deux membres d’équipage prenaient place en tandem, pilote à l’arrière et passager à l’avant. Dans le cadre d’une utilisation militaire du HF.20 il fut étudié l’installation d’une mitrailleuse Hotchkiss de calibre 7.5 millimètres tirant vers l’avant et le bas sur un affût amovible. L’avion reposait sur un train classique fixe doté de quatre roues jumelées deux par deux à l’avant et d’un patin de queue à l’arrière, juste sous l’empennage en T.
C’est en configuration désarmée que le premier vol intervint début mars 1913.
Très rapidement le succès fut là pour le Farman HF.20. Des exemplaires furent achetés par l’armée française qui les essaya durant diverses manœuvres comme postes de réglages de tirs d’artillerie et comme «observatoires mobiles» des mouvements de troupes.
Le premier client étranger de l’avion, dans la catégorie militaire, fut l’armée serbe qui acheta quatre exemplaires avant même le premier vol du prototype. Ainsi elle fut livrée avant même l’armée française. Et c’est justement la Serbie qui employa deux de ses HF.20 en avril 1913 lors du siège de la ville albanaise de Scutari, alors rattachée à l’empire ottoman. Les deux biplans réalisèrent d’abord des missions de reconnaissance permettant de voir l’intérieur de la ville assiégée depuis octobre 1912. Puis au bout de quelques jours les observateurs embarqués à bord décidèrent que sur l’un des avions on troquerait la mitrailleuse contre cinq bombes à mains de quatre kilogrammes chacune. Deux raids aériens de bombardement furent ainsi réalisés les 18 et 19 avril 1913. Le 23 avril la garnison ottomane déposait les armes. Pour le première fois l’aviation avait fait basculé un siège.
Quand en juillet 1914 la Première Guerre mondiale éclata le Farman HF.20 était déjà l’avion de réglage de tirs d’artillerie et de reconnaissance à vue de plusieurs pays : Belgique, Italie, Roumanie, Russie, et donc Serbie. En France il partageait cette mission avec le MF.11.
Le 18 août 1914 un HF.20 piloté par le sergent Lucien Finck réalisa la première mission de bombardement du conflit. Seul à bord de son biplan le sous-officier français attaqua avec des bombes incendiaires lancées à la main le hangar à dirigeables Zeppelin situé sur la commune d’Augny, non loin de Metz. Trois des projectiles firent coups au but, embrasant totalement un des géants volants allemands. Six jours plus tard, toujours aux commandes d’un HF.20, Lucien Finck rata son atterrissage et s’écrasa. Extrait de son avion encore en vie il fut pourtant amputé d’une jambe. Élevé au grade de sous-lieutenant il termina la guerre comme officier d’état-major.
Il avait marqué l’histoire de ce conflit.
Pourtant bien plus que bombardier léger ou que bombardier de reconnaissance c’est comme avion de reconnaissance et de réglage des tirs d’artillerie que le Farman HF.20 réalisa le gros de sa carrière au sein des forces françaises et britanniques. Six escadrilles de l’Aéronautique Militaire Française et dix du Royal Flying Corps en firent un usage intensif jusqu’à son déclassement en août 1915 au profit de machines moins vulnérables aux tirs de la DCA allemande. Les premiers chasseurs ennemis en avaient même fait une cible de choix tant sa lenteur le rendait aisé à descendre.
Le Farman HF.20 fut produit à hauteur de cinq sous-versions ayant connu une industrialisation : HF.21, HF.22, HF.23, HF.24, et HF.27. Il s’agissait souvent de modifications mineures au niveau de la voilure, de l’empennage, ou encore de la motorisation. Une version hydravion à flotteurs fut conçue par Savoia pour les besoins italiens et grecs tandis qu’Airco produisit le gros des appareils destinés au RFC.
Retirés de la première ligne à l’été 1915 et relégués par les forces alliées à des missions d’entraînement les biplans HF.20 poursuivirent les combats sur le front russe. L’aviation tsariste employait notamment ses avions comme bombardiers contre les troupes allemandes autant que face à sa propre population. En fait ils tentaient de maintenir l’ordre impérial face à la montée en puissance de Lénine et de ses militants. Après la révolution d’octobre 1917 les HF.20 formèrent l’ossature de la jeune aviation soviétique. Elle les utilisa pour des missions d’observation jusqu’en 1921, époque où ils étaient totalement obsolètes.
Malgré ses faits d’armes le Farman HF.20 n’était pas un avion exempt de critiques. Difficile à piloter pour de jeunes aviateurs il avait une fâcheuse tendance à se cabrer à l’atterrissage. Le cheval de bois arrivait plus fréquemment qu’on ne l’aurait penser. C’est ce qui explique que Belges, Britanniques, et Français l’avaient totalement abandonnés au début du printemps 1916. Même comme avion d’entraînement il était dangereux.
De nos jours des exemplaires sont préservés et exposés dans plusieurs musées du monde entier, notamment au Musée Royal de l’Armée et de l’Histoire Militaire de Bruxelles et au Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget.
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