C’est le 27 février 1898 que naquit Marie-Louise Bombec à Limoges. Bonne élève elle doit cependant arrêter l’école à 14 ans afin de subvenir aux besoins de sa famille. Depuis la mort trois ans plus tôt de son père elle vit dans la pauvreté. Elle devient donc ouvrière piqueuse dans une usine de fabrication de chaussures en cuir. Après un premier mariage raté avec un artiste peintre local elle épouse en seconde noce Louis Bastié, lieutenant, qu’elle rencontra durant la Première Guerre mondiale. Elle était alors sa marraine de guerre. Devenue Marie-Louise Bastié à l’âge de 24 ans elle choisi de raccourcir son prénom en Maryse.
Ayant découvert le monde des aéroplanes durant les années de guerre Maryse Bastié choisit de s’affranchir de sa modeste condition d’ouvrière. Le 29 septembre 1925 elle est brevetée pilote et passe alors le plus clair de son temps sur des biplans démilitarisés, comme le monomoteur Caudron G.III. Quelques temps plus tard elle achète son premier avion, un monoplan parasol Caudron C.109 doté d’un moteur à neuf cylindres en étoile Salmson de 40 chevaux. Avec lui elle devient pilote professionnel enchaînant les baptèmes de l’air et les vols publicitaires. Maryse a alors quitté Limoges pour Paris avec mari et enfants dans ses bagages. Comprenant vite qu’elle doit se faire un nom elle décide de changer d’avion et opte pour un Klemm Kl 25 de facture allemande mais disposant du même moteur. Elle l’affuble du petit nom de « Trottinette ».
À son bord Maryse Bastié décidé de s’attaquer au record de vol d’endurance en circuit fermé. Malheureusement pour elle la presse boude un peu son décollage. Il faut dire qu’en ce 2 septembre 1930 le monde entier a les yeux rivés sur deux autres aviateurs français : Maurice Bellonte et Dieudonné Coste se sont envolés du même aéroport du Bourget mais à destination de New York à bord de leur biplan Breguet Br.19 baptisé Point d’Interrogation.
Qu’à cela ne tienne Bastié décolle. Son petit Kl 25 emporte 525 litres de carburant et 30 litres d’huile. Il est plein à ras bord. L’aviatrice décide de caler sa vitesse de croisière à 75 kilomètres heures. Et là l’enfer débute pour elle. Il fait nuit, une nuit noire et intense. Et son avion tourne en rond. Et plus la fatigue se fait sentir plus elle ressent les vibrations du petit Klemm et les ronronnement de son Salmson AD.9. Elle reconnaîtra même plus tard que celui-ci la mit en quasi état d’hypnose durant plusieurs minutes. Elle ne dut son salut qu’à son sac à main. Maryse Bastié y avait mit un petit flacon d’eau de Cologne. Alors au risque de se brûler la cornée elle s’en asperge les yeux. Et ça marche, elle reprend du poil de la bête. Le jour arrive et elle continue de décrire des cercles. Au sol la foule se fait de plus en plus nombreuse. Un grand feu est allumé, des lettres de flamme se dessinent , elle apprend que Coste et Bellonte ont réussi, ils se sont posés à New York. Elle sait qu’elle ne doit donc pas flancher. Maryse Bastié est dure à la tache, elle doit cela de son passé d’ouvrière. À plusieurs reprises elle se dit que son tour est le dernier et qu’elle ira se poser au suivant. Et finalement non. Elle a encore de l’eau de Cologne sur elle. Suffisamment pour qu’elle vole une nuit de plus. Seule dans son petit avion à l’air libre elle est la proie d’hallucinations visuelles. Au surlendemain de son décollage le moteur Salmson AD.9 tressaute. C’est le signal. Elle doit atterrir. Maryse Bastié n’a plus compté ses heures depuis des heures. Elle ignore où elle en est. Sans le savoir elle a pulvérisé deux records féminins et un record absolu d’endurance. À sa vitesse de croisière de 75 kilomètres heures elle volé 37 heures et 55 minutes. Elle a ainsi franchi plus de 2800 kilomètres entre Le Bourget et… Le Bourget.
« Trottinette » fume de partout et pue l’huile chaude mais Maryse Bastié vient d’entrer dans l’Histoire de l’aviation.
Le 21 juillet 1931, toujours aux commandes de son petit Klemm Kl 25 elle franchit 2976 kilomètres en ligne droite entre la France et l’URSS. Cela lui vaudra une belle breloque napoléonienne et surtout le très prestigieux trophée Harmon. Elle est la première femme française à recevoir cette récompense américaine de l’aviation civile. En parallèle elle donne des cours d’aviation sur un petit terrain du sud parisien : Orly.
Le 30 décembre 1936 les 220 chevaux de son Caudron C.630 Simoun lui permettent de traverser l’Atlantique sud en 12 heures et 5 minutes, nouveau record mondial pour une femme pilote. Maryse Bastié dédie alors son vol à son ami Jean Mermoz mort quelques jours plus tôt dans un accident. L’année d’après elle tente de devenir pilote dans l’Armée de l’Air. Elle y échoue, les femmes n’y sont pas admises. Elle passe donc son diplôme d’infirmière et rejoint le très discret corps des IPSA, les Infirmières Pilotes Secouristes de l’Air.
Finalement elle devra attendre septembre 1939 et l’entrée de la France en guerre contre l’Allemagne nazie pour que l’Armée de l’Air la rappelle. Nommée sous-lieutenant (on n’a alors pas encore l’idée de féminiser les grades !) elle a pour rôle de convoyer les avions entre l’arrière et le front. Pour autant les généraux français lui refusent le droit de se battre pour son pays. Tous les bombardiers et chasseurs qu’elle pilote sont désarmés. Démobilisée après l’armistice franco-allemand, et blessée, elle rejoint grâce à son diplôme d’infirmière la Croix-Rouge. Profitant de quelques laisser-passer Maryse Bastié remplit des fonctions d’agent de renseignement au profit des Britanniques. En septembre 1944 elle intègre le corps des pilotes militaires féminins au grade de lieutenant des Forces Françaises Libres. Suite à une mauvaise blessure au coude droit datée de 1943 elle ne peut cependant pas servir autrement que comme instructeur.
Après guerre la capitaine Maryse Bastié reste dans l’Armée de l’Air, rejoignant en 1951 le Centre d’Essais en Vol. Pour nombre de pilotes d’essais français l’aviatrice de 53 ans est un modèle de courage et d’abnégation. Elle est également réputée particulièrement aimable et bienveillante avec tout le monde. En charge des relations publiques elle met sa notoriété au service du CEV. Elle participe également à plusieurs vols, comme passagère. C’est lors de l’un d’eux, à bord du prototype Nord N.2501 Noratlas qu’elle décède. L’avion s’écrase lors d’une démonstration publique à Bron près de Lyon le 6 juillet 1952. Le monde aéronautique est en deuil.
Les messages de condoléance arrivent alors de partout. De France bien sûr mais aussi d’Allemagne, des États-Unis, de Grande Bretagne, de Turquie, ou encore d’URSS. Tous saluent la grande dame de l’aviation mais aussi l’infatigable militante de la cause féministe. Maryse Bastié se battit toute sa vie pour que les femmes aient les mêmes droits de faire carrière dans l’aéronautique que les hommes. Aujourd’hui des rues portent son nom à Arpajon, à La Courneuve, à Limoges (bien sûr), ou encore à Paris. Des établissements scolaires portent son nom à Dôle, Reims, ou encore Vélizy-Villacoublay.
Maryse Bastié a été inhumée à Paris au cimetière du Montparnasse.
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