Voilà un élément culturel qui demeure indissociable des avions de combat de la Seconde Guerre mondiale, et en particulier des chasseurs et bombardiers américains : la pin-up. Des dizaines de bouquins ont été publiés sur ces représentations féminines fantasmées, aux courbes toujours avantageuses, à la nudité savamment dosée, et aux allusions humoristiques omniprésentes. Oui, la pin-up appartient à l’inconscient collectif de l’aviation.
On ne sait pas vraiment quand précisément elles sont apparues. Une chose est sûre les nose-art, ces dessins de carlingue, existaient déjà et souvent avec des messages humoristiques, sarcastiques, voire franchement provocateurs quand les pin-up ont commencé à montrer leur féminité aux pilotes, équipages, et mécanos. Il faut dire que les femmes étaient absentes de cette guerre, tout du moins des terrains d’aviations, et à fortiori des cockpits et cabines.

Car si on doit chercher un rôle premier à la pin-up, il est là. Elle doit combler un manque affectif (et pas uniquement affectif…) chez ces militaires souvent très loin de chez eux et de leurs « girlfriends » plus ou moins officielles. En effet, elles reprennent des stéréotypes typiquement machistes : l’infirmière, la maîtresse d’école, la secrétaire, la vahiné, la squaw, la walkyrie, et j’en passe et des meilleurs. Les mécaniciens chargés de peindre ces pin-up ne manquaient généralement pas d’imagination.
Mais l’Amérique était en guerre, contre le Japon à l’ouest et contre le nazisme et le fascisme en Europe. Alors la pin-up, aussi sexy soit elle, se devait de rappeler à l’ennemi que les braves boys venaient là pour en découdre. Les messages adressés par les pin-up à Hitler, Mussolini, et Hirohito étaient sans équivoque. D’autant qu’ils étaient généralement accompagnés d’une bombe plus ou moins grosse et/ou de flingues dans les mains de la jolie pin-up. La délicatesse était rarement de mise dans ces œuvres d’art.

Œuvre d’art, oui oui vous avez bien lu. Vu les dizaines d’heures passées par certains mécanos à peaufiner leurs pin-up on peut largement parler d’art. Alors certes ça n’a rien à voir avec cet art que certains intellectuels pompeux qualifient de « contemporain », ni même avec celui que d’autres nomment « conceptuel ». Non la pin-up est un art du moment, un art lié à cette guerre, un art joyeux qui ne se prend jamais au sérieux.
Preuve en est que 75 ans après le début de la Seconde Guerre mondiale la majorité des pin-up de l’époque ont subsisté alors que généralement leurs modèles nous ont quitté. Mieux elles sont devenues une quasi obligation dans la restauration des avions américains de l’époque. Imaginez de remettre en état un B-26 Marauder ou un P-61 Black-Widow et d’oublier la pin-up qui va avec. Je vois déjà d’ici les cris d’orfraie de certains bien-pensants de l’histoire de l’aviation.

Après ce conflit mondial, la pin-up a continué son petit bonhomme de chemin en Corée, en Europe libérée, puis au Vietnam avant de disparaître progressivement. Il faut dire que les années 1970 et 1980 ont vu émerger la féminisation massive des forces armées américaines, et notamment de l’US Air Force et de l’US Navy. Plus de femmes signifiait forcément moins de besoins de représenter la femme, même de manière suggestive. Pour autant, les pin-up disparaissent mais pas complètement.
Si l’Amérique est le berceau de la pin-up, elle a su voyager. Ainsi on l’a retrouvé après-guerre sur les fuselages d’avions et d’hélicoptères portants les cocardes belges, britanniques, canadiennes, françaises, ouest-allemandes, et même soviétiques. La pin-up a même largement influencé le monde de la BD, que ce soit avec la toujours ravissante et sexy hôtesse de l’air Natacha ou avec les aventures de Lilya, la plantureuse aviatrice russe, imaginée par l’auteur français Romain Hugault. Pour celles et ceux qui douteraient que les Français soient capables de dessiner de véritables pin-up, je conseille d’aller rapidement voir le Super Frelon du Musée de l’Air et de l’Espace.

Alors oui, on peut aujourd’hui se dire que la pin-up est une représentation un peu avilissante de la femme, qu’elle la rabaisse à n’être qu’un objet de désir, qu’un fantasme, ou une vision érotique surannée, mais il faut absolument la remettre dans son contexte historique : la guerre il y plus de 70 ans. À notre époque où les conquêtes féministes ont largement renvoyé ces images au passé, la pin-up parait un peu vieillissante aux yeux de certains. N’empêche qu’elle est aussi un excellent indicateur de ce qui trottait dans la tête des aviateurs alliés durant le conflit, quand ils ne pensaient pas à tuer leur prochain.
Pour être franc, j’ai toujours un très grand fan de la pin-up, non parce qu’elle est sexy ou provocatrice, mais parce qu’elle est rigolote. La pin-up est à mon sens à prendre au second degré. Et là on découvre finalement une fantaisie insoupçonnée. Quoiqu’il en soit, j’espère vraiment qu’elles continueront de nous faire rêver et de nous rappeler une époque où la censure militaire ne masquait pas tout, et surtout pas ce que certaines auraient voulu conserver cacher.

Il est à noter que si certaines photos en noir et blanc ne semblent pas d’une extraordinaire qualité, il faut se souvenir qu’elles datent toutes de la Seconde Guerre mondiale. Leur sélection est un parti-pris historique. Ces photos proviennent de l’énorme photothèque du San Diego Air & Space Museum en Californie. Un œil avisé aura remarqué que les pin-up apposées ne sont jamais totalement nues. Le site avionslégendaires.net a pour objectif de faire découvrir l’aviation militaire au plus grand nombre, et notamment aux enfants. Nous ne devons donc pas publier des clichés qui pourraient heurter leur sensibilité.
Photos © US Air Force Museum et San Diego Air & Space Museum.
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