Pompiers aéroportuaires : les anges gardiens de l’aviation

Depuis ses débuts, l’aviation a comme ennemi juré le feu. Elément quasi indomptable, celui-ci demande des spécificités très particulières pour le combattre. Si les sapeurs-pompiers sont aujourd’hui communément considérés comme les héros de notre quotidien, il faut savoir que tous ne sont pas formés spécifiquement à la lutte contre les incendies d’aéronefs. Reconnaissables à leurs énormes camions (rouges bien entendu) équipés de lances et de canons, les pompiers aéroportuaires sont présents sur la majorité des terrains d’aviation de taille respectable et sur l’intégralité des bases aériennes et aéronavales.

Alors bien sûr, le risque incendiaire a suivit l’évolution de l’aviation. Il est évident qu’on ne combat pas le feu sur un bombardier contemporain comme le Rockwell B-1B Lancer comme on pouvait jadis le faire sur un Heinkel He-111 ou même sur un Grumman F9F. Les techniques ainsi que les produits ont évolués, de la simple lance à eau on est passé petit à petit à des produits plus complexes comme les mousses, généralisées de nos jours, voire même des produits encore plus adhérents au feu qui ne l’éteignent plus simplement mais l’étouffent littéralement en lui ôtant tout oxygène et donc toute chance de repartir.

De par sa grande volatilité et de par son inflammabilité extrême le kérosène est un des produits combustibles parmi les plus difficiles à combattre. Il brûle bien, et de surcroît assez longtemps. C’est pourquoi aux produits d’extinction de l’incendie, il a fallu ajouter des techniques de premier secours et de secours médicalisé adapté aux grands brûlés que sont généralement les victimes à secourir lors des crashs aériens. Ainsi une équipe de secours sur aéronefs ne se constitue pas uniquement d’un ou plusieurs camions d’incendie appelés VMA pour Véhicule Mousse Aéroportuaire, mais également de véhicules sanitaires, communément considérés comme des ambulances et que les spécialistes nomment des VSAV, pour Véhicule de Secours et d’Assistance aux Victimes. Ces véhicules sont également accompagnés d’un VL, pour Véhicule de Liaisons qui sert tout à la fois au commandement léger et à la communication. Si l’accident est vraiment trop important, un renfort peut être demandé aux services d’incendies traditionnels, à l’instar de l’accident du vol AF4590 lors duquel un Concorde de la compagnie Air France s’est écrasé sur la commune de Gonesse peu après son décollage. Des effectifs du SDIS-95 et de la BSPP sont venus renforcer les unités de l’aéroport de Roissy-CDG. A cette occasion et vu l’impact médiatique de la catastrophe, une cellule départementale de crise fut montée par l’autorité préfectorale avec un concours à rayonnement national.

En France, la chaîne des secours en cas d’accident d’aéronef peut sembler compliquée de prime abord, et je vais ici tenter de vous la résumer plus simplement. Outre les services aéroportuaires, qui dépendent soit des chambres de commerces et d’industrie soit de la société ADP (Aéroport De Paris), il faut savoir que certains échelons locaux arment de tels véhicules. Voici un rapide récapitulatif.

  1. Les Services Départementaux d’Incendies et de Secours (ou SDIS) peuvent le cas échéant disposer de moyens léger de lutte contre les feux d’origine aéronautique. Mais dans la majorité des cas, ils font « décaler » en renfort des moyens feux classiques type FPT (Fourgon Pompe-Tonne), CCF (Camion-Citerne pour feux de Forêts), CCR (Camion-Citerne Rural), CCGC (Camion-Citerne de Grande Capacité), ou encore VSR (Véhicule de Secours Routier). Ces différents types de véhicules apportent, outre un renfort humain, une technicité qui permet de palier d’éventuels carences, notamment en matière de pression ou de moyens de désincarcération. Evidemment les différents moyens de secours médicaux et paramédicaux sont eux aussi déployés dans ces cas là.
  2. Le Bataillon des Marins-Pompiers de Marseille (ou BMPM) arme divers véhicules de sécurité aéroportuaire pour la simple et bonne raison qu’il a la responsabilité de l’aéroport international de Marseille-Marignane et les différentes installations d’essais de l’hélicoptériste Eurocopter installé en marge de celui ci.
  3. La Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris (ou BSPP) n’arme pas à proprement parler de réels moyens de lutte contre les incendies et accident aéroportuaires pour la simple et bonne raison que les trois principaux aéroports parisiens (Roissy, Orly, et Le Bourget) relèvent de l’autorité d’ADP, tout comme l’héliport d’Issy-les-Moulineaux. Néanmoins, à l’instar des SDIS elle peut être amené à envoyer ses moyens de secours lors d’accidents très graves. Il faut toutefois souligner que la BSPP dispose d’une compagnie spécialisée dont l’implantation se trouve sur le pas de tir spatial de Kourou en Guyane Française. Là les pompiers parisiens disposent de moyens très spéciaux pour permettre aux fusées Ariane de décoller dans les meilleurs conditions. Ces hommes et ces femmes assurent également les missions de secours du quotidien sur cette base d’outre-mer.

Sur les implantations militaires françaises, si la situation est sensiblement différente, les matériels sont eux généralement très similaires. Ainsi la majorité des moyens lourds sont produits par la firme franco-américaine Sidès sur des châssis de camions Man, Mercedes, ou Renault, exactement comme leurs homologues civils. Toutefois chaque arme possède ses propres spécificités.

  1. Dans l’Armée de l’Air, les services de secours et de protections contre les incendies d’aéronefs sont appelés Pompiers de l’Air et disposent d’une véritable autonomie au sein des bases. On trouve ses effectifs sur l’intégralité des bases aériennes françaises, de métropole, d’outre-mer, et même en opération extérieure. Outre la lutte contre l’incendie, ils mènent des missions de premier secours, et peuvent parfois être mis à disposition de l’autorité préfectorale si les besoins s’en font sentir, comme lors de feux de forêt ou de catastrophes naturels.
  2. Dans l’Armée de Terre des services spécialisés dans la lutte contre les incendies d’aéronefs existent sur les sites où sont implantés des unités de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre (ALAT) et sont dotés de moyens similaires aux Pompiers de l’Air. De tels dispositifs sont ponctuellement mis en place lors de campagnes de tirs sur les sites réservés à cet effet, tel Canjuers dans le Var.
  3. Dans la Marine Nationale la lutte contre les feux d’aéronefs prend une envergure différente puisque les avions et hélicoptères ne sont pas stationnés spécifiquement sur des bases, mais également sur des navires en mer. Quoi qu’il en soit ce sont les Marins-Pompiers qui ont cette charge. Sur les bases aéronavales françaises ces hommes et ces femmes arment des véhicules identiques à ceux de leurs homologues des deux armes précitées. Toutefois, en mer la donne change radicalement. En effet, comment envisager d’embarquer à bord du Charles de Gaulle ou d’un des BPC (les fameux Bâtiments de Projection et de Commandement) de lourds VMA pesant généralement plus de quinze tonnes et consommant énormément de carburant. La solution a été trouvé par la DCN qui a acquis de petits engins spécialement adaptés à ces navires et pouvant éteindre rapidement un incendie qui se serait déclaré sur un Rafale, un Hawkeye, ou encore une Alouette III. Ces petits camions de pompiers sont désignés VLIPE (pour Véhicule Léger d’Intervention sur Pont d’Envol) et sont également visibles sur les porte-avions américains.
  4. Les Formations Militaires de la Sécurité Civile ne possèdent pas de véhicules aéroportuaires mais leurs effectifs sont formés à lutter, en renfort, contre de tels accidents avec leurs moyens habituels de lutte contre les feux de forêts.

Après ce rapide tour d’horizon, forcément incomplet, il convient de dire que la protection contre les accidents et incendies d’aéronefs passe également par la prévention. C’est pourquoi de nombreuses unités, civiles ou militaires, se dotent désormais de moyens de lutte contre le danger aviaire. Non pas que ces pompiers craignent particulièrement la grippe du poulet, mais plutôt les envols d’oiseaux en tous genre qui pourraient vite se retrouver ingérer par les réacteurs des avions, provoquant ainsi de graves dommages qui conduisent parfois malheureusement à des crashs aériens.

VMA de l'Armée de l'Air sur châssis Sidès en juillet 2011.
Véhicule Mousse Aéroportuaire sur châssis MAN vu ici en 2011.

Photo (c) Arnaud Lambert

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

7 réponses

  1. Très beau reportage, merci 😉 . Ton allusion à la grippe du poulet est très drôle 😆 😆

  2. Très bon article, j’aurais deux interrogations cependant.

    Vous parlez des oiseaux qui s’envolent sur les pistes. Est ce vraiment aux pompiers de se charger de ça? Il me semblait qu’il existait des dispositifs électroniques spécifiques empêchant aux oiseaux de s’approcher des pistes et cela été géré par des sociétés sous contrat par exemple avec ADP?

    J’aurais voulu également savoir, si il existait des formations spécifiques pour les sapeurs pompiers afin de se former aux dangers spécifiques d’une piste d’atterrissage et d’un aéroport en général?

    Très bon article encore une fois 🙂

  3. Alors effectivement on est en droit de se dire que le risque aviaire n’est pas forcément du ressort des services d’incendie et de secours, mais ceux ci ayant également la charge de la prévention des accidents, le péril des oiseaux y est donc ajouté. Quand à la formation aéroportuaire, on peut même dire que c’est un métier à part entière tant le risque incendiaire et accidentogène de l’aéronautique est spécifique.

    🙄

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